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samedi 17 février 2018

Chronique du 2 mai 1858.

Chronique du 2 mai 1858.


Des personnes très-dignes de foi nous rapportent que tout Bruxelles est en ce moment occupé d'un fait étrange.
Un journalier d'Alsemberg, village à deux lieues de Bruxelles, avait une nombreuse famille, et sa femme était bientôt au terme d'une nouvelle grossesse.
Dans un moment d'humeur, amené par la misère, le paysan se laissa emporter à donner au diable la femme et les enfants.
A l'instant un étranger, dont la figure n'avait rien de remarquable, entra chez lui et lui dit qu'ayant entendu parler de sa gêne extrême, causée par une trop nombreuse famille, il venait lui proposer de lui acheter un de ses enfants, ce qui serait une charge de moins, outre le bénéfice.
Stupeur extrême des paysans.
L'étranger, voyant qu'ils hésitaient, ajouta qu'il achetait au prix de 500 fr. celui dont la femme était enceinte.
Le mari se laissa aller à consentir par un signe de tête.
L'inconnu alors dit qu'il reviendrait chercher l'objet acheté quand il serait temps, qu'en attendant, il donnait des arrhes.
Il posa une pièce de 5 fr. sur la table et sortit.
Cinq francs!... Il y avait bien longtemps que telle somme ne s'était montrée dans la pauvre demeure! Le père, en vendant un de ses enfants, allait pouvoir donner un peu de pain aux autres.
L’œil humide de joie et de tristesse, il mit la main à la pièce.
Mais impossible de la prendre, elle adhérait à la table par une force d'attraction invincible; aucun effort ne put l'en détacher.
En même temps, le paysan en se retournant aperçut dans la chambre un énorme chien, à la gueule béante, aux yeux ardents, qui le regardait fixement.
Personne ne l'avait vu ni entendu venir; et il fut impossible de chasser cet infernal gardien du marché conclu avec le diable.
Ne se croirait-on pas au moyen âge?
Depuis ce temps, la foule accourt de Bruxelles et des environs pour voir la pièce de 5 fr. et le chien qui sont toujours là.
La justice informe.
***
Voici un hôte plus naturel, mais non moins dangereux d'une autre cabane:
Un de nos colons d'Algérie était près de sa petite maison, occupé à raccommoder un chariot. La femme cousait dans l'intérieur, les enfants jouaient autour d'elle devant la porte ouverte.
Tout à coup le colon entend un cri et voit un énorme lion qui s'avance tranquillement et vient se coucher à l'ombre que répand sur le seuil l'auvent de la maison.
Le brave homme fait signe à sa femme et à ses enfants de rester immobiles.
Il tourne la maison, s'approche d'une fenêtre du fond, opposée à la porte, qui, par un heureux hasard se trouve ouverte, saisit son fusil, qui, par un autre hasard non moins favorable, se trouve à sa portée, puis, abaissant le canon, il met en joue la bête féroce.
Il s'aperçoit alors qu'un de ses enfants se trouve dans la direction de son arme, que de plus un poteau de la porte lui laisse seulement apercevoir la tête du lion.
Un souffle, le moindre mouvement de l'enfant pouvait le faire tuer; le plus léger bruit pouvait faire détourner la tête à l'animal féroce, qui lui échappait.
Pourtant, il recommande sa famille à Dieu et fait feu!...
La balle effleure les cheveux de l'enfant et va s'enfoncer dans le crâne du lion, entre les deux yeux.
L'animal féroce expira sans faire un seul mouvement.
Il faudrait avoir été une minute à la place de ce pauvre colon pour se faire une idée de son bonheur.
***
La cour d'assises de la Seine, où retentissent de si grands débats, a bien voulu s'occuper, cette semaine, d'un pauvre diable de concierge.
Le sieur Lebas est grand amateur de mécanisme ingénieux: il admire on ne peut plus l'instrument nommé pince-voleur, qui ne permet plus à la main du larron de se retirer de la poche dans laquelle elle s'est introduite. Maintenant, il a entendu dire que le vicomte de Rougé, locataire de la maison, possède une serrure Fichet, chef-d'oeuvre de mécanisme. Il meurt d'envie de connaître ce qui peut distinguer cette serrure, et, en l'absence du locataire, il essaie de fouiller dans son bureau, par simple amour de l'art.
A l'instant éclate une triple explosion.
Le portier, frappé au front par la poudre, est près de plus à mourir de peur. Le locataire arrive à son secours, mais c'est pour l'envoyer devant le tribunal, qui le condamne à cinq ans de réclusion.
***
La trouvaille d'un crapaud vivant a été faite par des scieurs de pierre au milieu d'un énorme bloc qui ne portait cependant aucune trace du séjour de cet animal dans son sein.
Un phénomène à peu près semblable attire en ce moment bien des curieux au milieu des bois de Saint-Michel: à l'endroit de la source de la Ternoise appelée l'Hermitage, le lit de la rivière est depuis longtemps à sec, et cette source, autrefois si abondante, ne fournit plus aujourd'hui que des grenouilles et des crapauds qui dépérissent dans la vase desséchée.
Mais au milieu de ces batraciens, on remarque un membre de la famille des anoures, vulgairement un crapaud, d'une grandeur étonnante, dont la tête énorme sort seule du milieu d'une pierre, qui n'offre à l’œil nu aucune fissure. Au premier abord, on pourrait croire que ce phénomène n'est rien d'autre que le résultat fortuit et capricieux d'une pétrification; mais un examen plus sérieux peut bientôt convaincre de la vie réelle de ce reptile amphibie.

                                                                                                                           Paul de Couder.

Journal du Dimanche, Chronique du 2 mai 1858.

jeudi 21 avril 2016

Les préjugés des anciens sur quelques animaux.

Les crapaux.


Les personnes faciles à dégoûter m'excuseront, mais je ne saurais me dispenser de parler ici des crapauds; il faut dire au moins deux mots de ces vilains animaux. Sur la foi des anciens, on a ajouté à leur répugnante laideur, dont on ne peut sans doute les excuser, une fausse réputation d'empoisonnement qu'ils ne méritent pas.
Pline mentionne une multitude de remèdes auxquels il attribue la propriété d'empêcher les funestes résultats de la morsure des crapauds; et il certain que comme cette morsure n'offre en effet aucun danger, il doit nécessairement se trouver une infinité de substances aussi héroïques à cet égard que celles dont a parlé le naturaliste romain.
Le crapaud est pour son venin dans la même condition que la salamandre, c'est à dire qu'il fait à volonté sortir de sa peau une humeur dégoûtante, mais qui n'a que des propriétés très-médiocrement énergiques; on redoute encore plus son urine que sa bave et sa sueur. Il est certain qu'il n'est pas du tout agréable d'en recevoir dans les yeux, et c'est ce qui arrive quelquefois lorsque l'on tourmente l'animal; car c'est un des moyens de défense que la nature lui a donnés. Mais il est entièrement faux, et c'est une des erreurs relevées par Scaliger, que cette urine, ainsi qu'on le croit communément dans les villages, fasse perdre la vue. Si le crapaud est l'ennemi des yeux, ce n'est que par la vilaine image qu'il y met.
C'est aussi une très-ancienne et très-universelle réputation des crapauds, que la propriété de se conserver vivants durant des siècles dans le milieu des pierres. Il y a là quelque chose de très-vrai. On peut enterrer vivant un crapaud, même dans du plâtre qui se referme ensuite et forme comme une pierre autour de lui, et plusieurs mois après cette stricte réclusion, en brisant l'enveloppe on retrouve l'animal en pleine vie. Mais combien de temps le crapaud peut-il endurer un tel état? c'est ce que des expériences positives n'ont pas encore décidé. On conçoit d'ailleurs fort bien que l'animal, étant privé d'air, tombe dans une léthargie analogue à celle à laquelle il est soumis pendant l'hiver, et que, comme il ne fait aucune perte, il n'ait besoin non plus d'aucune réparation de nourriture. La possibilité de la suspension complète de la vie chez certains animaux des ordres inférieurs est un fait devenu incontestable. On peut même, avec des précautions convenables, emprisonner dans la glace certains animaux, les salamandres, les écrevisses, sans doute aussi les crapauds, les congeler entièrement au point que, tous leurs liquides se solidifiant, leur corps entier devienne fragile comme un morceau de glace, et, après cela, les dégeler peu à peu et les rappeler finalement à la vie. Encore une fois, combien de temps un animal ainsi plongé dans cette léthargie glaciale pourrait-il conserver la vertu de résister? c'est ce qu'il serait certainement bien intéressant de savoir. 
Il n'y a donc rien de répréhensible à s'imaginer que l'on puisse trouver quelquefois, ainsi que l'affirment les habitants des campagnes, des crapauds dans l'intérieur des pierres; mais le préjugé est de se persuader que ces crapauds sont contemporains de la formation de ces pierres, ce qui en feraient le plus souvent de véritables animaux antédiluviens. Leur présence dans ces cavités, dont ils ne peuvent sortir, s'explique très-simplement en ce qu'ils s'y sont insinués par quelque fente lorsqu'ils étaient jeunes, et qu'y ayant grossi en s'y nourrissant des insectes qui venaient chercher refuge également dans cette petite caverne, la porte par laquelle ils s'y étaient glissés a fini par devenir trop étroite pour les laisser sortir. C'est au juste l'histoire de la belette entrée dans un grenier. En regardant bien la pierre au milieu des éclats de laquelle on voit apparaître le crapaud, on reconnaîtrait toujours quelque petite ouverture, souvent bouchée accidentellement par de la terre, mais communiquant dans le principe entre l'extérieur et le logis de l'animal.
Il y aurait encore bien des choses à dire sur ce sujet, mais elles ne seraient peut-être pas jugées intéressantes, et j'aime mieux en finir par un mot sur la crapaudine. On nommait ainsi autrefois une petite pierre fort recherchée, que l'on croyait se former en de certaines circonstances dans la tête des crapauds, et à laquelle la superstition attribuait des propriétés merveilleuses. L'expérience a non-seulement constaté que ces propriétés étaient une pure invention, mais il est maintenant bien établi que ces prétendues concrétions de la tête des crapauds ne sont que des dents fossiles de poissons de mer. Elles ne sont pas moins merveilleuses, en raison de l'étonnante position qu'elles occupent dans l'intérieur des continents et même des plus durs rochers; mais ce n'est plus du petit et puéril mais du grand et philosophique merveilleux.

Le Magasin pittoresque, septembre 1870.