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mercredi 5 décembre 2018

Cambrioleurs parisiens.

Cambrioleurs parisiens.


Le pickpocket en retraite qui, dans un dernier numéro de Mon Dimanche, affirma la supériorité des cambrioleurs anglais sur leurs confrères de France a calomnié nos briseurs de serrures parisiens. Les cambrioleurs français ont la canaillerie aussi ingénieuse que celle des voleurs d'outre-Manche et nos lecteurs en seront convaincus quand les hauts faits de nos escarpes nationaux les auront révélés.

La corporation des cambrioleurs compte à Paris un nombre d'adhérents plus considérable que celui de n'importe quel syndicat: en 1894, la police de Sûreté estimait à 10.000 environ les professionnels du cambriolage. On peut affirmer que, depuis dix ans, loin d'avoir diminué, ce chiffre s'est plutôt accru!

Comment on cambriole par effraction.

Ne croyez pas que seul les riches appartements servent de champs d'opération aux cambrioleurs. Les modestes logis d'ouvriers et surtout les chambres de bonnes sont très souvent honorés de la visite de "ces messieurs". Les chambres de bonnes et les logements d'ouvriers sont vides tout le jour. Dans l'après-midi, un individu vêtu en ouvrier, une boîte d'outils sur l'épaule, monte tranquillement l'escalier, arrive devant le logis qu'il s'agit de dévaliser. Il écoute un instant si personne ne monte puis, d'une simple pesée de pied de biche, fait sauter la serrure légère. Il entre dans le logis, bouleverse tout, fouille les malles, ouvre et saccage les tiroirs, puis sort en tirant la porte, et descend tranquillement sans se hâter. Le soir, quand la pauvre bonne rentre chez elle, elle trouve sa malle éventrée, ses économies envolées: M. le concierge n'a vu personne. 



Une des conditions absolues de la sécurité d'une maison
est la présence du concierge dans sa loge
et non chez le "troquet" voisin.

Quelquefois, le cambrioleur ne prend même pas la peine de faire sauter la serrure, il possède tout un trousseau de fausses clefs dont l'une fait jouer le pêne: il entre comme chez lui, s'y enferme et "opère" tout à son aise.

Le grand jeu.

Mais ce genre de distraction n'est que fadaise pour de sérieux cambrioleurs. Ce qu'il leur faut, c'est le cambriolage des maisons riches où le butin est rémunérateur. Pour dévaliser une maison de bonne apparence, la bande de cambrioleurs, car le "grand jeu" nécessite toute une association de malfaiteurs, prépare à l'avance une expédition: des complices s'abouchent avec les domestiques, ils arrivent assez facilement à les faire causer des habitudes et de la fortune de leurs maîtres. Puis, ils s'efforcent de visiter quelque peu l'appartement qui sera l'objet de leurs "soins". Pour cela, des compères se présentent par l'escalier de service, sous les traits de marchand d'habits, de commissionnaires, etc., etc. Un truc fréquemment employé est celui de l'employé du gaz. Un individu à casquette galonnée, tout pareil à l'un quelconque des honorables contrôleurs de la Compagnie, se présente pour "vérifier" le compteur, il examine l'antichambre, la cuisine, prétend sentir une vague odeur de gaz, et pour s'assurer qu'il n'y a pas de fuite, examine les robinets et lampes de l'appartement et, en même temps, l'appartement lui-même.
En possession de tous les renseignements désirables, les cambrioleurs n'attendent plus que l'occasion: les maîtres au théâtre, en soirée. La pince-monseigneur fait son office.


L'outil "professionnel".

La pince-monseigneur! Elle est au cambrioleur ce que la voile est au marin, ce que le guidon de bicyclette est au cycliste! C'est une barre de fer d'environ trente centimètres, coudée et aplatie à l'une de ses extrémités. La pince-monseigneur prend aussi le nom de pied de biche. C'est un simple levier. Prenant un point d'appui sur une surface bien résistante, aucune gâche de serrure ne lui résiste. Les cambrioleurs l'introduisent entre la porte et son vantail et exercent une pesée: le pêne saute, la porte s'ouvre: MM les cambrioleurs sont dans l'appartement. 
Pour ouvrir une porte à deux battants, le procédé est moins fatigant encore. On écarte avec la pince les deux vantaux; on soulève les targettes inférieure et supérieure; sur une simple pesée, les vantaux s'ouvrent, le tour est joué.
En plus de sa pince-monseigneur, un bon cambrioleur doit posséder encore: une lampe de sûreté, une vrille, une scie flexible, des forets, et le couteau et le revolver dont, s'il est surpris, il n'hésitera pas une minute à se servir.



Quand le cambrioleur est surpris dans son "travail"
il n'hésite pas à devenir assassin, mais il ne tue jamais
que si sa propre sûreté l'exige.

Tous ces outils sont de fabrication anglaise et d'une finesse, d'une solidité à toute épreuve.

Comment on force les coffres-forts.

Piller un coffre-fort! Quel est le cambrioleur qui, au moins une fois dans sa vie, n'a pas fait ce beau rêve? Mais les habiles seuls y parviennent. Il faut, pour triompher des plaques d'acier et des serrures à secret, un appareil spécial que construisent les Américains et que, paraît-il, ils vendent un bon prix. Le joujou se compose d'un châssis de bois qui entoure le coffre et qui sert d'établi. Un vilebrequin, terminé par une mèche très aiguë, y est fixé. Le vilebrequin pénètre dans l'acier de la paroi, y pratique une incision ronde. Puis au moyen d'une scie passe-partout complètement enduite de graisse pour éviter les grincements, le malfaiteur rejoint tous les trous en lignes verticales  et horizontales, ce qui lui permet de découper une plaque de l'acier et met le contenu du coffre à sa merci. L'opération est minutieuse, difficile: elle demande au moins deux heures de travail continu au plus habile. Certains, découragés abandonnent la partie à mi-chemin.



L'effraction d'un coffre-fort est une opération difficile
pour laquelle presque toujours le cambrioleur s'adjoint un aide.

Mais en ces dernières années, la science des cambrioleurs des coffres-forts a fait de sérieux progrès; ces messieurs se servent à présent du thermite et du chalumeau à gaz oxydrique. Le thermite est un composé chimique où domine le magnésium et qui, appliqué sur un coffre-fort, dégage une telle chaleur que l'acier le mieux trempé devient malléable et se laisse facilement pénétrer. Le chalumeau à gaz oxydrique renferme un composé d'oxygène apporté dans un ballon de caoutchouc et de gaz d'éclairage pris à un robinet de la pièce. Sous l'action du chalumeau, l'acier n'est plus que "plomb vil" et livre ses trésors.

Coffres-forts qui asphyxient.

Mais si les cambrioleurs modern-style ont plus d'un tour dans leur sac, les chimistes américains ne sont pas moins ingénieux. Ils viennent d'inventer le coffre-fort au gaz asphyxiant. La précieuse caisse est entièrement garnie de petits tubes de verre dont la couleur se confond avec celle de l'acier. Les tubes sont pleins de gaz stupéfiants et soporifiques (protoxyde d'azote et autres); à la moindre tentative d'effraction, les tubes se brisent, les gaz se répandent, le voleur tombe endormi au pied du coffre-fort: il ronfle, il ronfle, et le lendemain matin on n'a plus qu'à aller chercher les sergents de ville qui le mènent achever son somme ... au poste!

Les trucs des déménageurs.

Les riches villas disséminées dans la jolie campagne des environs de Paris, habitées l'été, fermées l'hiver et confiées à la vigilance d'un gardien qui a souvent deux ou trois maisons à surveiller, quelquefois même abandonnées sans garde, constituent une proie tentante pour les cambrioleurs. Aussi, tous les ans, sur tous les points de la banlieue parisienne, des villas sont mises à sac, pillées littéralement. Le procédé est simple. Après s'être assurés, par de menues observations, que la villa est inhabitée, les cambrioleurs opèrent. Un jour de novembre ou de début de décembre, c'est l'époque préférée pour ce genre d'exploits, vers la fin de l'après-midi, une voiture de déménagement s'arrête devant la villa. Capitonnée, recouverte d'une bâche, conduite par des hommes en vêtements d'ouvriers, elle a l'air le plus honnête du monde et les passants n'y prêtent pas la moindre attention. 


Les cambrioleurs parisiens dévalisent fréquemment les villas,
en plein jour, sous les vêtements et avec des voitures de déménageurs.

Les pseudo-déménageurs, en une minute, forcent les portes et se mettent en devoir de charger tous les objets de valeur qui garnissent la maison: meubles de luxe, tableaux, objets d'art, vaisselle, linge, argenterie. puis, la voiture pleine jusqu'au toit, ils ferment les portes et s'en vont tranquillement en faisant claquer leur fouet et en poussant de sonores: Hue dia! hue!.
Un gardien habite-t-il la villa? il n'est pas difficile de l'éloigner, sous quelque prétexte, durant 2 ou 3 heures; MM. les cambrioleurs n'en demandent pas plus pour déménager une maison montée!

L'amoureux de la bobonne.

L'imagination féconde des cambrioleurs a trouvé, pour le vol sans effraction, des procédés admirables. Le vol sans effraction consiste à s'introduire par ruse, et sans forcer portes et fenêtres, dans les locaux à dévaliser.
Il y a quelques semaines, Mme L..., veuve et rentière, habitant boulevard Saint-Germain, prenait à son service une jeune bonne normande, nouvellement venue de sa province. En faisant ses courses dans le quartier, la petite bonne fit la connaissance d'un "beau jeune homme blond" à qui elle conta ses peines. Un jour que Mme L... était allée passer l'après-midi chez des amis, la petite bonne alla retrouver son ami et l'invita à venir goûter avec elle dans sa cuisine, comme il le lui avait souvent demandé. L'ami vint avec empressement. On fit la dînette, puis le beau jeune homme blond voulut visiter l'appartement. Quand on fut dans la chambre à coucher de "Madame", l'amoureux s'arrêta devant le secrétaire, sortit "un pied de biche" de la poche de son veston, tira un couteau et, se tournant vers la pauvre bobonne stupéfaite:
- Si tu pousses un cri, je te tue!
Puis tranquillement, il se mit à fracturer le secrétaire, tandis que, plus morte que vive, la malheureuse, hébétée, le regardait. Il s'empara de tout ce que renfermait le meuble: de l'or et des valeurs, et s'en fut après un adieu ironique à la pauvre fille. Persuadée qu'elle allait être traitée en complice, la petite bonne s'enfuit éperdue. On la retrouva dans la nuit, sur un banc, à la Villette.

Le coup du concierge.

Le mois dernier, le concierge d'un superbe immeuble du boulevard Malesherbes recevait un très élégant jeune homme qui demandait à visiter un appartement du quatrième étage, au loyer annuel de 15.000 francs. Le concierge saisit son trousseau de clefs et précède le jeune homme. Celui-ci visite tout en détail, posant une foule de questions. Soudain:
- Mais où sont les écuries et les remises?
- Dans la cour, monsieur.
- Comment, dans la cour, tout en bas?
- Mais oui, monsieur, fait le concierge, surpris.
- Mais je les veux sur le palier, s'écrie le visiteur, sur le palier, à ma porte, et non dans la cour! Je ne puis prendre cet appartement!
Et furieux, il descend l'escalier suivi du concierge ahuri, persuadé qu'on vient de se payer sa tête.
Seulement, quand le pauvre homme pénétra dans sa loge, somptueuse comme un salon, son ahurissement se changea en désespoir: la loge avait été pillée de fond en comble, tandis qu'il faisait visiter l'appartement. Et l'élégant jeune homme qui voulait une écurie sur le palier du quatrième étage était déjà loin, - avec ses complices.

Au nom de la loi.

Mais où l'habilité des cambrioleurs parisiens touche au génie, c'est quand ils opèrent Au nom de la loi!
En janvier 1893, vers 6 heures du soir, une compagnie d'importants personnages franchissait la porte du magnifique hôtel Panisse-Passis, situé avenue Marceau, près de l'Etoile, dont les propriétaires étaient absents.
Un commissaire de police, ceint de l'écharpe tricolore, suivi de son secrétaire, d'une demi-douzaine d'agents et de quatre ouvriers, se présente devant le concierge, et, au nom de la loi, le somme de lui livrer les clefs de l'hôtel pour y opérer une perquisition. Le concierge, tout effaré, donne son trousseau de clefs; on laisse pour le surveiller deux agents dans la loge, et M. le commissaire et ses hommes montent aux appartements. Ils ouvrent tous les meubles, fouillent tous les tiroirs, descendent par brassées des objets de valeur dont s'emplit une voiture qui stationne le long du trottoir, puis, enfin, après deux heures de "recherches", descendent gravement, relèvent les deux agents de leur faction et s'éloignent avec la solennité que la justice exige de ses mandataires. Or, commissaire, secrétaire, agents, ouvriers étaient tous de hardis cambrioleurs qui firent, ce jour-là, un butin de quelques cent mille francs! Après ce tour magistral, peut-on encore prétendre que les escarpes anglais sont supérieurs à nos voleurs nationaux?


Comment on se garde des cambrioleurs?

La première et peut-être la plus efficace des précautions à prendre contre les cambrioleurs est d'exiger du concierge une très grande attention à l'égard des visiteurs de la maison, de ne jamais laisser sa loge inoccupée. La prudence la plus élémentaire recommande l'emploi des serrures de sûreté pour lesquelles il est impossible de fabriquer des fausses clefs, à moins que le cambrioleur n'ait pu se procurer l'empreinte de la clef véritable, ce qui n'est pas facile. Les bazars parisiens vendent  des serrures de sûreté au prix de 6 francs. On a essayé de bien des appareils dits avertisseurs pour déjouer les tentatives des cambrioleurs. C'est ainsi qu'on a fixé aux serrures des portes une sonnerie qui, à toute tentative d'effraction, tintait vivement. Les cambrioleurs ont tout bonnement laissé de côté la serrure et ont percé une ouverture dans le panneau même de la porte. Par l'ouverture, une tenaille introduite coupait le fil électrique de la sonnerie, et la porte, désormais muette, était fracturée commodément. Pour parer à cet inconvénient, les ingénieurs ont inventés le treillage protecteur, que M. de Parville décrit ainsi:
"On le compose de deux armatures métalliques entre lesquelles on a intercalé une substance isolante quelconque: étoffe de soie, caoutchouc, etc. Une des armatures (en cuivre de préférence) est en relation avec l'un des pôles d'une pile; l'autre armature, avec l'autre côté de la pile. Si l'on vient à percer le tissu pour perforer la porte, en un point quelconque, l'outil, qui est en métal, établit forcément un contact entre les deux armatures métalliques; le circuit est fermé et la sonnerie retentit."
Mais si la maison est inhabitée? Les sonneries électriques n'avertiront personne et ne gêneront pas les cambrioleurs. M. Louis Puybaraud, directeur de la Sûreté au ministère de l'intérieur, préconise un moyen original d'éloigner les cambrioleurs. S'écrire souvent à soi-même à l'adresse de la villa! le passage biquotidien même du facteur, tiendra en haleine les escarpes: il leur donnera à penser que la maison de campagne va être habitée d'un jour à l'autre puisque le courrier y est adressé; il les empêchera d'exécuter un plan d'effraction qu'interromprait la visite du facteur: le coup de sonnette du brave petit fonctionnaire gardera la maison.



Le passage fréquent du facteur empêche les opérations
de longue durée contre les villas, en effrayant les cambrioleurs.

Un moyen de défense également excellent consiste à placer sur le toit de la maison un carillon électrique en communication avec les portes d'entrée. A la moindre pesée sur les serrures, le carillon se met en branle et fait accourir tous les voisins. Si même personne ne venait, le seul vacarme de la sonnerie mettrait en fuite les cambrioleurs. Le fil électrique peut également communiquer à un carillon placé chez les plus proches voisins.
Enfin quand les maisons sont habitées, le plus attentif des gardiens est encore un bon chien de garde qui ne dort jamais que d'un œil et qui, au plus petit bruit, aboie comme dix! Mais il faut le tenir enfermé la nuit dans le corridor de la maison car, laissé dans le jardin, il serait infailliblement empoisonné par son mortel ennemi: le cambrioleur!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 31 mai 1903.

dimanche 15 avril 2018

Les cambrioleurs anglais.

Les cambrioleurs anglais.


Les pick-pockets de Londres surpassent de dix coudées nos tire-laine parisiens. Ils possèdent l'audace, le calme et la science des grands chirurgiens. Ces gentlemen tiennent aussi à se différencier de nos nationaux en l'art de pénétrer dans la maison des autres.
En règle générale, l'Anglais n'aime pas forcer les portes. Se charger de tout un attirail de rossignols, pince-monseigneur et "cadets" lui répugne. Par contre l'escalade lui permet de faire montre de sa valeur athlétique. Il monte donc, le plus souvent, à l'assaut du bien d'autrui. En tous les cas, il joue du muscle. C'est un clown... qui ne fait pas rire les propriétaires.
Depuis longtemps, et ils se montrent, en l'espèce, supérieurs à nous, les Anglais savent que l'on ne devient habile cambrioleur qu'en se vouant à une spécialité. Les uns s'attaquent aux fenêtres, d'autres aux impostes, d'autres encore aux verrous, etc... Et tous deviennent très forts.

L'échelle humaine.

Étudions d'abord les escaladeurs de fenêtres. En Angleterre, ainsi qu'en d'autres pays, d'ailleurs, les châssis des fenêtres ne s'ouvrent pas comme une porte à deux battants, mais se lèvent en glissant dans des rainures. Un simple loquet ou une targette maintient les fenêtres abaissées, surtout lorsqu'elles sont situées à une assez grande distance du sol. Les voleurs qui savent leur métier s'attaquent donc de préférence aux fenêtres un peu élevées. Et ils opèrent par groupe de trois, ainsi que le montre la figure ci-dessous (fig. 1)



Fig 1. L'échelle humaine. Comment on escalade une fenêtre.

Le plus grand, le plus robuste appuie ses mains contre le mur. Sur ses épaules se hisse un deuxième compère qui, lui aussi,  prend un point d'appui sur la muraille. Le troisième enfin grimpe le long des deux hommes superposés. C'est le plus souvent un enfant. Il a pour mission, au diamant aidant, de couper la vitre pour soulever le loquet maintenant le châssis. Après quoi, il pénètre dans la maison et va ouvrir la porte à ses camarades demeurés sur le pavé du roi.
En somme, les cambrioleurs se servent d'un tour de cirque un peu ingénu. Ils font l'"échelle humaine". Mais avec quelle rapidité et quel brio! Pas de bousculade, pas de tâtonnements, les hommes se superposent comme les différentes parties d'un télescope. Inutile de dire que ce procédé n'est guère mis en usage que pour piller les maisons de campagnes et les fermes isolées.
Quand ils sont dans la place, et ils opèrent généralement à l'heure du dîner, c'est à dire quand maîtres et valets entourent la table de famille, les cambrioleurs s'efforcent surtout de perquisitionner dans les pièces du premier étage. Or ils n'aiment pas brutaliser les meubles. Les confesser à loisir leur semble plus fructueux, plus prudent aussi. Pour travailler en toute quiétude, ils ouvrent la fenêtre, moyen de retraite assuré, et mettent les habitants du logis dans l'impossibilité d'ouvrir la porte du dehors au dedans. Pour ce faire, ils glissent sous la "lourde" un morceau de bois façonné ainsi que le montre notre gravure n° 2. 



Fig 2. Le verrou des cambrioleurs, pour empêcher
d'ouvrir les portes en dehors.

(Un poinçon fixe dans le parquet cet ingénieux et primitif verrou.) Ou bien ils piquent entre le bas de la porte et les lames du parquet une cheville en fer aiguisée des deux bouts (fig. 2A). Et ils sont chez eux.

Encore des grimpeurs.

Les plantes grimpantes (le lierre surtout) sont propices aux voleurs. Elles forment le long des murailles des échelons naturels que le cambrioleur franchit avec aisance. Il a soin de s'attacher au-dessous des genoux des crampons fort courts tels que le montrent nos figures 3 et 4.


Fig 3 et 4. L'escalade par le lierre.
Le crochet d'escalade fixé à la jambe.

Mais présentons à nos lecteurs de nouveaux spécialistes. Sachant trop que les portes se défendent parfois avec succès contre les entreprises des "amis de la lune", certains cambrioleurs s'attaquent aux impostes. Ils prennent deux planches et les scient de la longueur voulue pour former un échafaudage rudimentaire semblable à celui que représente notre gravure n° 5. 



Fig 5. Le briseur d'impostes sur son échafaudage.

Au milieu de la nuit, ils disposent leur appareil et l'un d'eux, couché sur le dos, travaille à soulever le vitrage aménagé au-dessus de la porte. Après quoi, la maison est prise. Le forceur d'imposte ouvre l'huis à ses compagnons.


Le coup de la patère.

Quand la maison dont ils convoitent les richesses résiste à tous les assauts, à tous les outils perforants, c'est encore par l'acrobatie que mes confrères anglais triomphent de l'obstacle; C'est de l'art et du meilleur!
Ils profitent de quelque grand dîner offert par le maître de logis pour envoyer dans la forteresse un des leurs vêtu en domestique de bonne maison. Ce dernier se présente porteur d'une lettre à laquelle on doit répondre. Pendant que le valet de pied, après avoir ouvert la porte, va remettre la missive à son maître, le faux domestique introduit dans l'antichambre un gamin tenant sous son bras un manteau fort long et très large.
Le cambrioleur saisit l'enfant sous les aisselles, l'élève à hauteur d'une patère, lui ordonne de se tenir accroché à cet ornement d'antichambre, puis dispose sur lui d'une façon artistique le manteau apporté. Voyez la gravure n° 6! 


Fig 6. Le jeune élève-cambrioleur, suspendu à une patère,
attend le moment d'ouvrir la porte.

Suspendue par les poignets, la brave petite canaille doit attendre le moment propice pour ouvrir la porte à toute la bande.
Imaginez l'inquiétude du gamin, ses efforts pour demeurer immobile sous le vêtement et aussi tout le travail de son petit cerveau pour choisir l'instant favorable à l'action. Il lui arrive de rester ainsi, cloué à sa patère, durant plusieurs minutes. C'est un véritable héros qui fait mauvais usage, si l'on en croit la morale sociale, de ses facultés. Quel homme!
Il faut dire aussi quelle patère!. En France nos accroche-manteau n'offriraient pas assez de résistance pour supporter le poids d'un gosse de dix ans!
J'avoue, toutefois, réprouver ce coup génial des cambrioleurs anglais. Ils laissent la mission le plus difficile à un pauvre petit garçonnet qui ne jouit pas toujours de son libre arbitre!

Dénoncés par l'électricité.

Autre truc de mes confrères londoniens! Certaines maisons, en Angleterre aussi bien qu'en France, sont ornées d'échelles en fer, dites de sauvetage, fixées dans la maçonnerie, extérieurement, le long des murs. Mais, par crainte des voleurs, le moins élevé de leurs échelons se trouve placé à trois ou quatre mètres du sol.
Pour atteindre ce premier degré, les cambrioleurs lancent des crampons en fer auxquels se trouvent fixés une échelle de corde, ainsi que le montre notre figure 8. 


Fig 8. Les crochets qui servent à atteindre l'échelle de fer.

Malheureusement pour eux, les échelles de fer se placent le plus souvent sous la garde de la grande fée moderne, l'Electricité. Dès qu'un homme met le pied sur l'un des échelons, la maison menacée s'éveille au tintement d'une dizaine de carillons. Les fenêtres s'ouvrent avec fracas. On crie: Au voleur! Et les grimpeurs se laissent choir sur le sol, en endommageant parfois leur individu. Au diable le progrès!


Pour ne pas être reconnu, ils portent un petit masque en toile noire.


Mon dimanche, revue populaire illustrée, 17 mai 1903.