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jeudi 21 septembre 2023

Gare à la bombe.


Il n'est plus question que de bombes; bombes russes, bombes espagnoles, bombes italiennes, etc. En constatant les effets explosifs de ces engins, on s'imagine que l'invention est moderne et qu'elle exige, pour être réalisée, des connaissances chimiques étendues. Hélas ! on a fait des boîtes explosives de tout temps, et leur préparation n'offre malheureusement aucune difficulté. La bombe qui a éclaté le 30 mai* sur le passage du roi  et du Président de la République est du type le plus répandu en Espagne. Elle ressemble un peu aux "grenades" si employées en Mandchourie et à Port-Arthur par les Russes et les Japonais, au mode inflammatoire près.

Les bombes militaires.

Les grenades militaires ne sont que des bombes à main. Leur usage remonte très haut; on s'en servait beaucoup du temps de Louis XIV. Les mousquetaires à pied les utilisaient souvent. En 1667, ils prirent le nom de "grenadiers", précisément parce qu'ils maniaient sans cesse les grenades. Les grenadiers d'autrefois, les vrais grenadiers, portaient trois ou quatre grenades dans une giberne sur la hanche droite. On se rappelle les grenadiers du second Empire qui avaient, sur leur uniforme en souvenir du passé, une sorte de grenade. On se servait, à Paris, des grenades à main, en 1871, pour se débarrasser des défenses préparées par les communards derrière le fort d'Issy et pour les obliger à abandonner les maisons de Paris d'où ils tiraient, bien abrités, sur les troupes.
Les anciennes grenades à main chargées de poudre noire étaient d'usage réglementaire; elles sont constituées par des sphères creuses en fonte, de la grosseur d'une sphère du jeu de boule. L'intérieur est rempli de poudre. Une ouverture dans la bombe sert à placer la fusée. Cette fusée est une étoupille contenant une composition fusante traversée par un "rugueux" fil de fer barbelé terminé extérieurement par une boucle. On lance fortement l'engin en le tenant pas la boucle. Le mouvement arrache le fil barbelé; une étincelle jaillit et met le feu à la composition fusante. La portée moyenne des grenades est de 20 mètres. La durée de combustion de la mèche est de quatre secondes en moyenne; au bout de ce temps, la bombe éclate en morceaux. Depuis, on a fabriqué des grenades à la dynamite avec capsule, avec amorce au fulminate de mercure.

Comment se préparent les bombes.

Les bombes actuelles sont généralement préparées non pas à la dynamite, mais avec des poudres spéciales qu'il est bien facile de fabriquer et dont il est parfaitement inutile de donner la recette. On en fait qui éclatent à la moindre pression, sous le pas des chevaux. D'autres sont à percussion, comme les obus. En Russie et en Espagne, les anarchistes emploient la bombe à feu lorrain, imaginée jadis par Nicklès, qui fut professeur de physique à Nancy. Nicklès se servait de deux petits tubes en verre sans résistance qu'il introduisait côte à côte dans la bombe. L'un des tubes était empli d'un mélange de sulfure de carbone et de chlorure de soufre; l'autre d'ammoniaque. Il suffit de mettre en contact le liquide jaune de sulfure avec quelques gouttes d'ammoniaque, il y a détonation immédiate. Aussitôt que les tubes se brisent, l'explosion se produit. On peut varier, d'ailleurs, la composition des liquides employés dans ces tubes. Enfin, on a recourt quelquefois tout bonnement à une mèche inflammable, comme on le faisait autrefois pour les grenades.
La bombe qui a éclaté rue de Rohan était remplie de fulminate de mercure, composé extrêmement violent qui fut découvert, il y a plus d'un siècle, par Howard; il est peu stable et détonne au moindre choc ou au contact de corps chimiques bien choisis. C'est avec ce corps que l'on prépare les amorces des explosifs ordinaires, les pois fulminants, les bonbons chinois, etc. L'explosion donne lieu à une flamme rouge et bleue.
Tous les engins explosifs sont, naturellement, prohibés. Mais comment empêcher le premier venu de se procurer les produits chimiques qui les emplissent et de fabriquer les mèches ou les amorces qui déterminent leur explosion? La bombe à main a été, dans le passé, et restera l'arme la plus redoutable des fous criminels qui veulent accomplir leur œuvre de mort.

                                                                                                                    H. de P.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 9 juillet 1905.

Nota de célestin Mira:

* Attentat du 30 mai 1905.


Alphonse XIII, roi d'Espagne, en visite à Paris échappe à un attentat à la bombe.

L'attentat, perpétré le 30 mai 1905, fut organisé par un certain Alexandre Farras, anarchiste espagnol, à l'angle de la rue de Rohan et de la rue de Rivoli à Paris, contre le convoi du roi Alphonse XIII accompagné du président de la République Emile Loubet. Ils sortirent tous les deux indemnes de cet attentat et l'auteur ne fut jamais arrêté.

dimanche 18 décembre 2016

L'attentat d'Aniche.

L'attentat d'Aniche.
      mort de l'assassin.



L'homme qui, après avoir voulu tuer M. Vuillemin*, a tenté de renouveler les exploits anarchistes, est mort effroyablement victime de son crime.
Cette fin atroce est pareille à celle de Pauwells, qui périt aussi frappé par la bombe qu'il voulait jeter dans l'église de la Madeleine; vous savez que semblable trépas fut infligé au révolutionnaire anglais, à qui son chien trop bien dressé rapporta l'engin dont il avait essayé de se débarrasser.
Si ces exemples pouvaient décourager les ennemis de la société, bien qu'il soit impie de se réjouir de la mort d'autrui, je crois qu'il ne resterait aucune pitié pour Clément Decout, cet homme de vingt-six ans dont l'attentat a si terriblement troublé la fête offerte à M. Vuillemin à l'occasion de son cinquantenaire.
Le malheureux vieillard, il a soixante-quatorze ans, a reçu cinq balles de revolver. C'est miracle que sa vie ait été sauvée; il est extraordinaire même qu'il soit maintenant presque en bonne santé.
Directeur des mines d'Aniche, officier de la Légion d'honneur, on ne peut dire qu'il n'avait pas les sympathies de son personnel, puisque 23 seulement sur 4.000 mineurs avaient refusé de souscrire pour le cadeau qui lui a été offert.
A quel mobile a obéi Clément Decout? Il sera très difficile de le savoir, puisqu'il est mort.
A-t-il exercé une vengeance personnelle?
On l'a pensé, puisqu'il avait été renvoyé par M. Vuillemin, il y a deux ans. On ne peut s'empêcher de remarquer qu'il aurait pris le temps de la réflexion. D'autre part, on avait affiché, et il ne pouvait l'ignorer, qu'à l'occasion des fêtes tous les ouvriers renvoyés étaient autorisés à rentrer.
Était-ce donc un anarchiste? Très modéré, dans tous les cas, on le le signalait point parmi ceux dont il fallait redouter la violence. 
Il aurait, par conséquent, exécuté la sentence d'un comité quelconque; le sort l'aurait désigné pour accomplir tout seul le crime décidé par le groupe.
Ce qui est certain, c'est que Decout n'avait point été élevé dans les doctrines qui lui ont coûté la vie. Quand son père arriva sur le théâtre du crime, il s'emporta furieusement sur le cadavre gisant à ses pieds.
L'assassin avait d'abord tiré cinq balles de son revolver sur M. Vuillemin, après quoi il tenta de lancer une bombe cachée dans sa ceinture, ou peut-être la laissa-t-il involontairement tomber. Voilà ce qu'il a été impossible d'établir. Quoi qu'il en soit, la bombe éclata et le projeta, paraît-il à deux mètres du sol. Il retomba littéralement éventré: quelques minutes après, il expirait sans avoir prononcé une parole.





On a remarqué qu'un homme resté inconnu s'était emparé du revolver et l'avait emporté; il n'a pu être retrouvé.
Je ne sais ce que l'enquête apprendra, mais il est profondément triste de voir un homme d'aussi haute moralité, aussi universellement estimé que M. Vuillemin en butte à un attentat semblable; il n'est pas moins lugubre que des criminels, par des moyens cruels, retardent ainsi, au lieu de la faire avancer, la solution de la question sociale.

Le Petit journal, dimanche 18 août 1895.


* Nota de célestin Mira: Emile Vuillemin était directeur de la Compagnie des mines d'Aniche. On lui doit une carte des ressources du bassin minier du Pas-de-Calais.

dimanche 4 octobre 2015

L'explosion de la rue des Bons-Enfants.

L'explosion de la rue des Bons-Enfants.


Le nouveau crime commis il y a quelques jours par les adeptes de doctrines sanguinaires doit exciter l'indignation, mais il ne faut pas qu'il provoque un mouvement de surprise. En effet l'histoire nous montre que les passions humaines n'ont jamais négligé de se donner une horrible satisfaction avec les ressources que la science met à la disposition de tout le monde. Le génie des inventions n'a pas réalisé un seul progrès matériel que des scélérats ne soient parvenus à utiliser pour des fins atroces.
A peine la connaissance de la poudre à canon était-elle vulgaire que Guy Fawkes songeait à l'employer pour faire sauter le parlement d'Angleterre. La date du 4 novembre 1605, doit donc être placée à côté de celle du 8 novembre 1892. La seule différence, c'est que 285 ans de travaux et de recherches ont permis à des scélérats de remplacer une tonne de poudre par 1 kilogramme de dynamite.
Dans leur dernier forfait, les conspirateurs contre la vie des citoyens ont même réalisé des dispositifs qui montre la fécondité de leur imagination infernale et qu'il faut comprendre, si l'on ne veut se trouver pris au dépourvu, si l'on veut que la leçon infligée le 8 novembre soit plus profitable que ne l'ont été celles du commencement de l'année 1892.
La science est comme la lance d'Achille qui cicatrisait les blessures qu'elle avait faites. Il n'y a lieu de s'alarmer des développements que peuvent prendre ses applications les plus coupables que si on néglige de s'employer à la poursuite des criminels avec une vigilance, une logique et une sévérité inflexibles
Si les infortunés qui ont péri victimes d'un complot atroce avaient mieux connu la nature de l'engin qu'ils colportaient, ils n'auraient point péri d'une façon lamentable.
Dans les études auxquelles nous nous sommes livrés au commencement de l'année sur les explosifs, nous ne nous étions naturellement point préoccupé de la manière de produire les inflammations, car elles avaient eu lieu de la façon la plus simple.
Comme nous l'avons expliqué, les conspirateurs fenians, dont M. Gladstone se prépare en ce moment à réaliser l'objectif, n'avaient pas fait preuve d'une imagination bien fertile. Ils s'étaient bornés à déposer dans les gares de chemins de fer des machines infernales appelées rats, du genre de celles dont d'autres criminels se servent pour faire couler les navires assurés. Ils avaient apporté d'Amérique les pétards auxquels on met le feu avec des mouvements d'horlogerie, qui font détonner une capsule à une heure désignée d'avance. Mais ces appareils, chers et très difficiles à se procurer, sont heureusement exposés à se déranger dans les transports. Ils ne valent pas l'antique mèche employée par Ravachol et ses émules. Heureusement la mèche peut être arrachée par de braves gens, de véritables héros, qui mériteraient certainement les honneurs du Panthéon, s'ils succombaient à leurs tentatives. Elle l'a été plusieurs fois avec succès.
C'est pour obvier à ces inconvénients que l'on a eu recours à des instruments dans lesquels il n'y a pas besoin de réveille-matin, et auxquels on donne l'explosion par un système imaginé par un chimiste nommé Retroff.
La bombe Retroff contient une sphère de verre dans laquelle on a placé une certaine quantité d'un liquide quelconque qui, suivant les matières qu'il doit impressionner, peut être de l'eau ou de l'acide sulfurique.
A la sphère se trouve soudé un petit tube dans lequel le liquide destiné à produire l'inflammation doit descendre lorsque l'appareil est mis en position offensive. A l'orifice du tube se trouve placée la substance sur laquelle le liquide doit agir. Mais il faut que l'inflammation ne soit pas instantanée, afin que le misérable qui a porté l'engin ait le temps de fuir.
Pour rendre le mouvement du liquide plus lent on peut employer plusieurs moyens. L'un des plus fréquemment utilisé est de garnir l'intérieur du tube de boulettes de papier buvard, que l'on serre plus ou moins les unes contre les autres.
Le liquide pénètre donc par imbibition, c'est à dire lentement, jusqu'à ce qu'il rencontre soit un morceau de sodium, soit une substance sur lequel agit l'acide sulfurique. Il se développe alors une quantité de chaleur suffisante pour entraîner l'inflammation d'une capsule chargée d'imprimer le choc brusque, indispensable à la détonation de la dynamite.
Dans l'engin du 8 novembre, les boulettes avaient serrées de telle sorte, qu'il fallait quarante minutes pour produire l'explosion. La période fatale a permis de transporter l'engin jusque dans le cabinet du commissaire de police de la rue des Bons-Enfants.




L'engin était disposé d'une façon qui aurait dû avertir les victimes infortunées de cette catastrophe de ce qu'il y avait à faire pour éviter la catastrophe, que chaque honnête homme déplore.
En effet, on avait découvert sur l'escalier de la compagnie de Carmaux une sphère terminée par une partie plate, la seule sur laquelle elle pût reposer d'aplomb, après avoir été abandonnée à elle-même.
Tout le monde était sauvé si on avait eu la présence d'esprit de retourner l'engin et de le maintenir en la calant dans le situation inverse. En effet, la gravité aurait empêché le mouvement de progression soit de l'eau, soit de l'acide sulfurique, soit de tout autre liquide.




Les explications précédentes ont pour but d'expliquer ce que l'on doit faire en semblable occurrence au lieu de prendre la fuite. En maintenant la partie plate en l'air, on produit le même effet que si l'on arrachait la mèche allumée des pétards de Ravachol.
Il paraît probable, après tout, que nous n'aurons pas souvent à donner cette preuve de courage civique, et que nous ne tarderons point à être débarrassés de cette peste.
La fabrication de machines infernales aussi compliquées, ne peut être l'oeuvre d'un solitaire. Elle nécessite le concours d'un nombre assez considérable de spécialités différentes, qui ne se trouve pas réunies chez la même personne. Elles sont donc forcément l'oeuvre d'un groupe quelconque, d'une association véritable de malfaiteurs.
Les plus timorés doivent se rassurer en songeant que ces bombes à retournement ne sont pas d'une fabrication qui soit à la portée de tout le monde; quoique ceux qui les posent portent sans doute la livrée de la misère, elles sont forcément le fruit des travaux d'une sorte d'aristocratie dans l'armée du crime.
S'il est établi que ces engins infâmes sortent d'une officine, il est évident que cette officine ne tardera pas à tomber entre les mains de la police, fût-elle à l'étranger. En effet, toutes les nations civilisées ont un égal intérêt à purger la terre de pareils monstres.

                                                                                                           W. de Fonvielle.

La Science illustrée, 26 novembre 1892.