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mardi 20 octobre 2015

La fontaine Jacques de Beaune, à Tours.

La fontaine Jacques de Beaune, à Tours.


Ce fut en 1510 que les habitants de Tours admirèrent pour la première fois cette jolie fontaine sur le carroi (grande rue ou route) de Beaune, devant l'hôtel Jacques de Beaune, seigneur de Semblançay ou plutôt Samblançay. 




Jacques était le fils aîné de Jean de Beaune, bourgeois et argentier, c'est à dire trésorier, des rois Louis XI et Charles VIII: il devint surintendant des finances sous le dernier de ces rois, puis sous Louis XII et François 1er. Il était au plus haut degré de sa prospérité en 1510, lorsqu'il se plaisait à embellir ainsi son hôtel et sa ville natale. 
On assure, et rien n'est plus probable, qu'il confia à l'excellent sculpteur Michel Colomb (1) l'invention et le dessin de cette fontaine (transportée depuis 1820 seulement, sur la place du marché actuel de Tours). Michel Colomb en fit exécuter le modèle par ses neveux Bastien et Martin-François: la pyramide (ou si l'on veut la colonne, l'aiguille) est en marbre de Carrare, et la vasque octogone en pierre noire de Volvic. On y voit les armes de Louis XII, d'Anne de Bretagne, de Jacques de Beaune et de la ville de Tours.
En 1527, Jacques de Beaune, depuis longtemps moins heureux, fut condamné à mort et pendu au gibet de Montfaucon, à l'âge de soixante deux ans. Quel était son crime? On doute encore qu'il en eût commis aucun. Sa probité avait eu le malheur de déplaire à la duchesse d'Angoulème. C'est un fait tristement vrai que presque tous ceux qui, avant la révolution française, ont cherché à mettre de l'ordre dans les finances de l'Etat et à combattre les abus des cours, ont été victimes de leur bonne volonté. Les contemporains de Samblançay le jugèrent innocent; c'est en s'inspirant de ce sentiment public que Marot fit les vers bien connus:


Lorsque Maillard, juge d'enfer, menait....

(1) Ou Columb. Cet éminent artiste était resté presque inconnu jusqu'à ces derniers temps. On a consacré à ses œuvres une salle du Musée de la renaissance, au Louvre.

Le Magasin pittoresque, décembre 1866.

vendredi 13 février 2015

Ancienne église de Saint-Clément.

Ancienne église de Saint-Clément
                                      à Tours.


Ce qui, dans un monument, séduit le plus les artistes n'est pas toujours ce qui intéresse le plus les archéologues. En quel siècle a été construite cette église? Son style est-il pur et rare? Exprime-t-il fidèlement le caractère de l'art à une époque déterminée? Est-ce là un oeuvre originale qu'il importe de préserver de toute destruction, ou seulement une des innombrables copies qu'on n'est pas en danger de voir disparaître? 
Toutes ces questions qui émeuvent l'érudit, laisse souvent assez froid le dessinateur. Il se peut même qu'il prenne plaisir à reproduire quelque partie d'un édifice qu'il voit bien n'être que d'une médiocre valeur, si au moment où elle frappe ses yeux elle est le théâtre de certains jeux de lumière et d'ombre dont le contraste lui plait: une vive et pleine clarté au premier plan, une dispute et un partage de rayons et de ténèbres au deuxième; au delà, l'obscurité froide et profonde, ce qui peut être assez pour que l'artiste saisisse son crayon.
Imaginez-le assis vis-à-vis sur une borne, sous le soleil, à peine préservé des ardeurs du ciel par les larges bords de son feutre, et vous aurez peut être le sentiment de ce que lui fait éprouver l'opposition de ce fond ténébreux avec l'éblouissement du dehors.
Nous supposons volontiers que c'est à peu près l'impression qui nous a valu ce dessin d'une des portes de Saint-Clément de Tours. 


Saint-Clément, situé à l'extrémité de la rue Saint-Martin, près du grand marché, n'est pas, en effet, une de ces églises renommées que l'on se croit obligé de réparer à grands frais ou que l'on classe parmi les monuments historiques: ce n'est pas un des modèles les plus précieux du style ogival flamboyant, bien qu'elle ait été reconstruite au quinzième siècle.
On ne saurait, toutefois, être tout à fait indifférent devant ses clefs de voûte et quelques unes de ses sculptures mutilées, surtout au portail septentrional; mais en somme Tours a mieux que ça. Sa cathédrale, Saint-Gatien, est une assez riche mosaïque de tous les styles, du roman à la renaissance; l'église Saint-Julien date du treizième siècle, et ses proportions et ses lignes sont d'une vraie beauté; Notre-Dame de la Riche, à demi ruinée, a des voûtes admirables; les restes de Saint-Martin, c'est à dire la tour de Charlemagne et la tour de l'horloge, des douzième et treizième siècles, consacrent de grands souvenirs.
Ce ne sont pas même là toutes les anciennes constructions religieuses de Tours qui méritent d'être vues et étudiées: aussi n'a-t-on aucune raison d'être surpris que Saint-Clément ne soit aujourd'hui qu'une halle au blé.

Magasin pittoresque, juillet 1866.

vendredi 3 octobre 2014

Tours.

Tours.


Déjà nous avons présenté à nos lecteurs des articles spéciaux sur quelques unes des villes de France; aujourd'hui, nous appellerons leurs regards sur le chef-lieu du département d'Indre-et-Loire. Située dans une plaine magnifique, entre la Loire et le Cher, entourée de champs fertiles et de jardins délicieux, Tours attire dans ses murs un grand nombre d'Anglais, et d'autres étrangers. La douceur de son climat, l'agrément de son site, le bas prix, l'abondance et la bonne qualité des productions de la terre, contribuent beaucoup à y entretenir l'affluence des visiteurs; mais les mœurs douces et aimables des habitans de Tours  sont aussi pour quelque chose dans cet accroissement de population.
L'importance de Tours est de vieille date. Dès 1470 elle vit la réunion des états généraux de France, qui s'y assemblèrent de nouveau en 1484 et en 1506. Ce fut dans les environs de Tours que les Sarrasins furent mis en déroute par Charles Martel. Tours a donné le jour à plusieurs célébrités littéraires et industrielles, parmi lesquelles nous citerons Destouches, l'auteur comique; L. Leroy, l'un des horlogers du XVIIe siècle qui aient fait faire le plus de progrès à leur art; Béranger, et enfin l'un de nos plus savans géographes vivans, M. Eyriès. Les lecteurs des Annales des voyages reconnaîtront la plume de ce spirituel écrivain, dans les lignes que l'on va lire sur l'état actuel, et les antiquités de la ville de Tours.
Quand la grande route, venant de Paris et de Chartres, traversait le faubourg St.-Symphorien, elle suivait sur la Loire un vieux pont, qui n'était pas l'oeuvre des Romains, mais d'Eudes, dit le Champenois, comte de Touraine, qui le fit bâtir en 1030 ou 1031. Il était étroit, sinueux et mal pavé. Les arches en étaient d'inégale largeur; de distance en distance, des angles ou des demi-lunes s'ouvraient pour faciliter le passage de deux voitures qui se rencontraient. Il y avait à peu près au milieu, c'est à dire à l'endroit où sur un îlot, dit St.-Jacques, le coupait en deux, de misérables maisons, bien vieilles, bien délabrées, où se vendaient aux paysans, aux voituriers, des graines, de la poterie, des étoffes communes, et aussi l'Almanach de Liège, la civilité puérile et honnête, et quelques recueils de pières imprimées sur papier gris, avec de détestables images en bois, seule librairie à l'usage des passans, et qui faisait alors partie obligée, comme encore à présent dans nos provinces les plus reculées, d'un petit fond d'épiceries.
L'aspect de ces constructions irrégulières, amassées sur ce pont, était triste et repoussant. Et cependant, à moins qu'on ne traversât la Loire dans une toue, il n'y avait pas d'autre route pour arriver au chemin de Château-Renault, de Vendôme, ou sur la chaussée de Blois et d'Anjou.
De ces constructions si solides, formées d'une agrégation de petites pierres liées avec du ciment rouge, et dont les pilotis sont devenus noirs comme de l'ébène, on ne voit plus surgir que trois arceaux, espèce de squelettes décharnées, qui se soutiennent encore, mole sud, contre les glaces et les grosses eaux, non loin de ces quatorze belles arches si larges, si uniformes, qui composent le nouveau pont. L'avenue qui en est le prolongement, avec l'avenue de Grammont, ou la route d'Espagne d'un côté, et de l'autre côté, la tranchée qui conduit dans le Maine ou dans le Vendômois, forment une magnifique enfilade et un vaste coup d’œil: celui qui ne suit que cette ligne prend une idée peut être trop favorable de Tours, dont toutes les rues n'ont pas cette élégance et cette régularité.
Je reviens aux vieux ponts. Sans doute les anciens ont vu la porte massive et chargée de fer, avec la herse aux dents aiguës, et aussi la petite figure de la Vierge, enluminée de rouge et de bleu, posée au-dessus de cette porte, dans une niche sculptée. Je n'en ai point de souvenirs. Mais j'ai vu quelquefois le château qui en était tout près, monument historique remarquable seulement par sa masse et son antiquité, dont on voudrait faire remonter (voyez un peu les vanités humaines!) l'origine à Turnus. Commencé par un seigneur et terminé par un autre, réparé et augmenté par un troisième, il avait des grosses et des petites tours., il fut pris et repris, comme tous les châteaux du monde; il reçut des comtes, des ducs et des rois, une foule d'hôtes joyeux, puissans; puis ses murs épais, percés de petites fenêtres, hérissés de barreaux de fer dentelé qui se croisaient, entourés de fossés, remplis d'une eau verte et croupissante, servirent à refermer des prisonniers d'état, de grandes victimes de la politique ou de la religion. Mais toutefois, le château de Tours, bâti sur la rive gauche du fleuve, ne pouvait lutter en beauté avec les grandes constructions de Blois, d'Amboise et de Saumur, si éminemment pittoresques. Les bords de la Loire sont si riches dans ce genre, que Tours, sous ce rapport, n'a pas la prétention de soutenir le parallèle avec ses voisins. Mais comme "les histoires des prisonniers sont plus intéressantes, parce que la perte de la liberté est le plus grand et le plus anciens des malheurs," laissez-moi vous parler un peu longuement du fils de Henri de Guise, dit le Balafré, qui s'esquiva avec beaucoup de bonheur de ce terrible donjon.
Depuis plus de trois ans, ce jeune prince était confié à la garde du seigneur de Rouvray et de Jean d'O, capitaine de cent hommes de la garde du roi. Il était surveillé nuit et jour avec une telle sévérité, que pas un de ses domestiques ne couchait dans sa chambre. Mais le 15 août, après avoir donné avis de son projet d'évasion à ses serviteurs fidèles, chargés de lui amener des chevaux au lieu désigné, il descendit à la chapelle, il y fit ses prières, et avant de monter à la grosse tour qui lui servait de prison, il s'entretint familièrement, selon sa coutume, avec ses gardes, leur proposant un défi à qui monterait le plus tôt à cloche-pied l'escalier de la tour. On lui laissa par respect les premières marches, il profita de la politesse, prit sa course, escalada rapidement l'escalier, et s'empara d'une porte de sûreté qu'on avait fait faire exprès pour lui. Il la ferma aux verrous, la mit entre lui et ses gardes, ordonnant à ses gens de ne l'ouvrir à personne, quelque menace qu'on put leur faire. Ayant pris dans sa chambre une corde que la blanchisseuse avait glissé dans son linge, il l'attacha à un bâton placé entre ses jambes, et passant par la fenêtre, ses domestiques le descendirent. Mais des gardes l'aperçurent, tirèrent des fenêtres du château sur lui, ce qui fit que ses gens effrayés laissèrent aller la corde tout à coup; le duc de Guise tomba de quinze pieds environ. Sa chute ne l'empêcha pas de se relever, et, sans songer à ramasser son chapeau, il s'enfuit le long des murs de la ville, parce que la Loire qui les baignait était alors fort basse. Ainsi, malgré les clameurs d'une vieille femme qui ne cessait de crier: le Guisard se sauve! il parvint jusqu'au faubourg de Notre-Dame de la Riche, où il s'empara du cheval tout bâté d'un boulanger qui le menait boire. Plus loin un obstacle imprévu se présenta: un soldat, qui avait été un an au service de la Ligue, et ancien sergent de l'élection de Tours, lequel était fort bien monté, aborda le prince en lui commandant de descendre. L'échappé voyant que c'était un soldat de la garnison, lui dit qu'il se rendait et consentait à rentrer dans la prison du château. Le soldat étonné lui demanda son nom. Lorsque le prince se fut fait connaître, le sergent descendit de cheval, baisa respectueusement ses genoux et lui offrit sa monture qui était bien meilleure et bien plus commodément harnachée. Alors, prenant le galop, il se dirigea vers le lieu qu'il avait indiqué à ses serviteurs; et ceux-ci le voyant venir à cheval et nu-tête, se mirent à fuir jusqu'à ce que l'un d'eux, s'étant retourné, le reconnus à ses vêtemens.
L'ancien hôtel-de-ville, que Charles VII et Louis XII ont visité plus d'une fois, qui vit nos pères proclamer Henri IV, et délibérer avec anxiété pendant les troubles de la Ligue et de la Fronde; l'ancien hôtel-de-ville où les mesures de rigueur et de clémence étaient prises tour à tour, soit que la peste décimât la population, soit que la famine mit le poignard aux mains des mères échevelées; l'hôtel-de-ville avec ses sculptures gothiques et ses grandes salles, a disparu peu de temps après que tant d'institutions bonnes ou mauvaises, et tant d'édifices précieux pour les arts et l'histoire, fussent renversés par la révolution de 1789.
Ce monument, qui n'était plus en harmonie avec les mœurs actuelles, et qui se trouvait placé dans une rue resserrée, ne devait pas subsister plus long-temps. Le lieu des séances de l'administration municipale, ainsi que le palais de justice, fut transféré sur une belle place demi-circulaire, en face du pont nouvellement construit dans une situation charmante, sur la rive de la Loire, et vis-à-vis des coteaux si rians qui la bordent.
L'édifice était convenable, élégant même à l'extérieur, mais ce qui me charmait le plus, c'était de voir incrustée dans les parois du grand escalier une longue file d'écusson en pierre, des maires et échevins de la cité. Je ne reconnais pas de plus belle noblesse que celle que donnent des services gratuits, modestes, obscurs, rendus à ses concitoyens pendant un long espace de temps. Celui qui maintient l'ordre et la paix dans une ville, quelquefois au péril de ses jours, celui qui nourrit le peuple dans les temps de disette; celui-là, certes, à l'époque de la raison où nous sommes arrivés, mérite bien le droit de laisser à sa famille les signes honorables de son illustration. Ces témoignages muets et innocens, ont péri dans le déluge universel de 89.
Parlons de St. Gatien. C'est une église bien vieille; ses tours ne sont pas sans élégance, et certain roi (Henri IV), pour faire sa cour aux Tourangeaux, disait qu'il fallait à ces tours un étui. 



L'éloge était pompeux. Ses abords et ses alentours sont peut-être en harmonie avec ce grand édifice: son intérieur, ses vitraux, mutilés et mal réparés, ne peuvent lutter sans doute avec ceux des églises de Chartres, de Rouen, de Paris, de Strasbourg; on a fait tomber les arc-boutans qui soutenaient cette basilique, et on a retouché et dégradé les figures dont les portiques étaient ornés. Toutefois la cathédrale de St. Gatien est encore un des plus curieux monumens qui nous restent de l'architecture qu'on appelle vulgairement gothique.
La ville de Tours est une de celles qui, en France, ont retiré le plus d'avantages de la découverte ou du perfectionnement des puits artésiens. Placée entre deux fleuves, elle jouissait en outre de quelques fontaines, mais qui tarissaient quelquefois pendant les jours de sécheresse. Aujourd'hui aux deux extrémités de la ville, dans son centre, et sur d'autres points encore, des eaux abondantes excèdent les nécessités les plus multipliées.
Les maisons à toits pointus et saillans, avec des poutres sculptées, et ornées de figures grotesques; les maisons dont la façade, moitié en bois, moitié en tuiles, offrait de longues et tristes lignes d'ardoises transversales, finissent par disparaître; les blocs réguliers de pierre blanche, si susceptibles de prendre toutes les formes, servent aujourd'hui aux nouvelles constructions; les rues s'alignent et sont parées avec le plus grand soin; des balcons élégans, de grands carreaux et des persiennes donnent aux édifices ordinaire un aspect plus riant.
Tours, comme les autres ville de France, a vu tomber les flèches aiguës, les hautes tours rondes et carrées qui surgissaient au milieu des maisons uniformes et se dessinaient avec élégance le long du fleuve; mais la Loire n'a pas cessé de baigner ses murs, mais la rue spacieuse qui la traverse, la fraîche ceinture d'arbres qui l'entoure, mais l'élégance de ses habitations, la douceur du langage, et des mœurs, devenues plus faciles encore par le séjour des Anglais et des militaires, et par sa proximité avec la capitale, feront toujours de cette cité le rendez-vous des étrangers et un lieu de plaisance.

Le Magasin Universel, 1834-1835.


jeudi 3 juillet 2014

Le beau langage au seizième siècle.

 Le beau langage au seizième siècle.

Il était généralement admis, au dix-huitième siècle, et c'est même encore de nos jours une croyance fort répandue, que les villes de Tours et de Blois font autorité en matière de langage: on y parle, dit-on le meilleur français.
En admettant la réalité de ce fait, il est bon cependant d'examiner à quelle époque cette opinion a pris de la consistance. Elle remonte à une époque beaucoup plus reculée qu'on ne croit, et un petit livre parfaitement oublié le prouve: Pierre Tolet, docte médecin, fort renommé à Lyon, écrivait, dès 1569, en parlant des langues: "la grecque a son atticisme, l'italienne son toscan, l'espagnole son castillan, la françoise son courtisan, ou bien le vieux parler tourangeau (tourangeois), lequel le temps passé se disoit la cresme de la langue françoise." (1)

(1) Vot. un étrange petit volume in-12 intitulé: la résolution et vraye opinion de la faculté du vinaigre contre les néotériques et modernes médecins: Lyon, 1569, in -12. pierre Tolet avait déjà donné: Pasquil antiparadoxe, dialogue contre le paradoxe de la faculté du vinaigre: lyon, 1549, in-12.

Magasin Pittoresque, 1865.