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mardi 19 novembre 2019

Château en Touraine.

Château en Touraine.


Quand mars avec ses giboulées fait la lessive de l'hiver et qu'au tournant du mois d'avril le gai printemps nous montre un pan de son vert habit, je suis pris de la nostalgie de la campagne. Cette fièvre des champs, tous les Parisiens l'ont comme moi, au renouveau. C'est une sorte d'échéance poétique à laquelle ils satisfont sans murmurer. Des négociants très pressés, très pressés, se détournent de leur route pour entrer cinq minutes dans un square et voir où en sont le bourgeonnement des arbustes et la sève des lilas. Et déjà, sur le banc que blanchissait la neige trois semaines auparavant, un fusilier du 51e de ligne, échappé de sa caserne, rappelle à une grosse luronne en service les lois imprescriptibles de la nature.

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A ce moment de l'année, je commence la lecture des journaux par la quatrième page, et je fais choix de ma résidence d'été dans la liste des Biens ruraux à vendre. C'est ainsi que don César de Bazan*, le nez tendu vers le soupirail des cuisines, s'attribue le mets qui convient le mieux à son appétit aiguisé par un long jeûne, une sorte de veillée des plats. Je ne m'en cache pas, je suis difficile dans mes goûts; et, encore que les terres que je m'adjuge au premier feu ne me coûtent généralement rien, il me faut pas moins de quinze jours avant de me décider. Je passe en revue, avec l'attention d'un homme qui a un gros placement à faire, les maisons entourées de jardins, les châteaux style Renaissance, les chalets suisses, et les fermes en Brie avec bâtiments d'exploitation. C'est trop cher ou trop bon marché, trop près ou trop loin, trop grand ou trop petit.
Je réfléchis à tous les inconvénients qui ont pu être dissimulés dans les cahiers des charges. J'achèterais bien cette magnifique propriété de Chatou avec parc de dix hectares, eaux vives, faisandrie et serres: on la céderait à 300.000 francs; mais, le dimanche, Chatou est infesté de canotiers* chantant des refrains d'opérette, et la semaine n'est pas sûre à cause des pharmaciens*. Cette maison d'agrément à Palaiseau m'irait assez, avec ses dômes de tilleuls; mais le chemin de fer de Sceaux qui y mène est à l'extrémité de Paris, et il faut trois quarts d'heure de fiacre pour s'y rendre. Ce domaine en Normandie me tente beaucoup; mais, pour la plus petite servitude en litige, je plaiderai avec le voisin, et voilà ma maison empoisonnée par un procès. Avouez que tout cela est bien délicat, et qu'on doit tout mettre en balance avant de signer un contrat d'acquisition!


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Enfin, j'ai mon affaire! Cette fois, je la tiens. c'est en Touraine, un peu plus haut qu'Amboise. L'annonce insérée à la quatrième page que j'ai sous les yeux, est bien conçue et dit clairement les choses. un joli château historique, bâti, à ce qu'il semble, par un architecte italien, du temps de François 1er. Des terres labourables, mais en quantité raisonnable. Des prés, beaucoup de prés. Un moulin sur un affluent de la Loire. Des vignes à vin framboisé, bon à garder en cave. Le domaine est d'un seul tenant, bien arrondi et ramassé sur lui-même, défendu par un cercle de bois et de hautes futaies. De quoi passer des étés charmants. J'en suis fou. Pour un rien, le relirais Columelle et Varron*: De re rustica.
Il n'y a pas à hésiter. Vite, je prends le train pour la Touraine, emportant avec moi toutes mes économies gagnées dans la littérature. C'est à maître Pigourdy, notaire à Chevillé, que j'ai à m'adresser pour tous les renseignements concernant la vente, et à Rigaud, garde particulier, pour visiter le domaine. Je suis très content de maître Pigourdy, c'est un honnête notaire, presque un tabellion d'opéra-comique, mis en scène par Marsollier des Vivetières*. Il était à la première du Postillon de Longjumeau*. "Ah! Monsieur, si vous aviez entendu Chollet*! Mais vous êtes trop jeune pour avoir connu Chollet!" Rigaud me plaît-il presque autant: il est proprement guêtré, il porte une belle veste de velours et une casquette ronde avec une lourde visière de cuir verni. C'est un marché conclu. Je suis l'acquéreur, et je paye comptant. Maître Pigourdy a beau me représenter que cela ne presse pas, je lui réponds que je n'aime pas devoir.


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Je m'installe, je suis chez moi. J'écris immédiatement à quelques amis de Paris pour les inviter, et j'ajoute: "Répondez-moi au château de la Vieillefeuillée par Chevillé (Indre-et-Loire). N'oubliez pas de mettre par Chevillé, il y a deux la Vieillefeuillée dans le département.
En attendant, je bouleverse le potager, qui m'a paru faiblement traité; j'ai consulté les almanachs pour apprendre en quel mois se plantaient les topinambours, et par quels procédés on relevait une couche à melons fatiguée. J'ai jeté là-dessus vingt terrassiers. Je me suis mis en rapport avec les meilleurs marchands grainetiers du quai de la Mégisserie*, et j'apprends par cœur, sur leurs catalogues*, des noms de plantes qui ressemblent terriblement à des recettes de pharmacopée.
Je me suis fait bien voir dans le pays, et, le jour de la Saint-Barthélémy, j'ai bu avec mes ouvriers au cabaret de Chevillé. Je sens que si j'étais ambitieux, je serais nommé conseiller municipal comme tout un autre! On dit partout que je ne suis pas fier, parce que je me promène en sabots sur ma pelouse, que j'ai emprunté le chapeau neuf de mon meunier pour neutraliser le soleil, et que j'écarte les mains toutes grandes dans les poches de mon pantalon, à la bonne franquette, là! Tenez, dernièrement, j'ai passé deux heures à faire enrager les filles de la ferme, qui lavaient leur linge au barrage du moulin, et chargeaient l'eau de flocons de savon qui surnageaient comme des œufs à la neige. Elles sont devenues tellement familières qu'elles m'ont poursuivi sur la berge en me jetant des sacs mouillés à la tête. Les braves jeunesses! comme elles se sont habituées vite au nouveau propriétaire!
Tout l'été s'est passé ainsi, en folies champêtres. Les galettes, le vin blanc, les siestes à l'ombre, les sommeils de nuit toutes fenêtres ouvertes, la pêche aux gardons, les bayements aux corneilles, rien n'a manqué. Ah! je vous réponds qu'on s'est amusé à la Vieillefeuillée, cet été-là! Et ces imbéciles de Parisiens qui ont le courage de rester dans leur Paris chauffé à blanc, à mâcher la poussière des grands boulevards sous le prétexte de prendre l'air! A-t-on idée d'une pareille hérésie?
L'automne est venu. J'organise une pipée* à confondre l'imagination. Il y a précisément dans le bois de la Vieillefeuillée un coin admirablement propre à la pipée. C'est un taillis placé à côté de la partie bonne à couper; une source y fait un petit ruisseau qui cancane sur un petit lit de pierres. C'est là que des merles viennent boire le matin, en compagnie de tous les oiseaux de l'endroit.
La veille, Rigaud, mon garde, et moi nous avons tordu et entrelacé les branches des frênes, des bouleaux et des saules, et nous y avons étendu une glu perfide. Le lendemain, avant l'aube, nous nous sommes cachés dans une cabane improvisée, avec des pieux et de la paille, maître Pigourdy, sa dame, ses deux demoiselles, Rigaud et moi. C'est moi qui pipais, vous devinez comme, avec une herbe qu'on tend sur les lèvres. Tou...it, tou...it. Hou, hou, hou, hou, hou, hou. Ces dames avaient le fou rire, se bâillonnaient la bouche de leurs mouchoirs et pouffaient: j'avais beau dire: "Retenez-vous! Si vous riez, la pipée est flambée!", rien n'y faisait. Au second appel de chouette, nous avons entendu au-dessus de nous comme un travail d'abeilles en ruche, un frou-frou d'ailes, un frisson de feuilles frôlées; puis des piaillements désespérés, des coups de bec furieux, des bruits de pattes engluées. Je n'ai pu empêcher ces dames de sortir de la cabane pour compter les victimes, et c'est dommage car la pipée n'a réussi qu'à demi. Il n'en est pas moins vrai que nous avons pris deux geais, et pourtant vous savez si les geais sont malin!

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Si j'avais seulement le temps de vous conter mes vendanges, c'est alors que vous m'applaudiriez d'avoir fait emplette de la Vieillefeuillé. Une barrique de vin par oeuvrée, voilà ce que rapporte en moyenne la vigne de la Vieillefeullée, qui a vingt oeuvrées, contenance garantie par l'arpenteur! C'est plus qu'il n'en faut pour ma consommation, celle du garde, du moulin et de la ferme. Le pressoir de la vinée est un vieux pressoir de poutres vermoulues qui datait du frère Jean des Entommeures*: il criait sur ses airs ankylosés comme un paralytique auquel on volerait ses béquilles. Nous avons changé tout cela et mandé de la capitale un pressoir à vis de fonte qui vous réduit la grappe de raisin à l'état de marc de café.
Retournerai-je à Paris cet hiver? Peuh! Je ne suis rien moins que décidé. On est si bien à la Vieillefeuillée! Je vais simplement écrire à l'Administration de l'almanach Bottin* pour que la mention du château de la Vieillefeuillée, précédée du signe conventionnel des trois pigeonniers, soit suivie du nom de son propriétaire actuel, votre serviteur. Me cherchera là qui voudra!

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Je plie le journal où j'ai lu l'annonce du joli domaine tourangeau. Ma bonne entre et dit:
-Il y a dans l'antichambre un monsieur avec deux autres messieurs. Ils disent comme ça qu'ils viennent saisir monsieur, qui a oublié de payer ses contributions.

                                                                                                                   Arthur Heulhard.

La Vie populaire, dimanche 15 février 1885.

* Don César de Bazan:







* Canotiers à Chatou:

Les canotiers à Chatou de Pierre, Auguste Renoir, 1879.

Le déjeuner des canotiers, de Pierre, Auguste Renoir, 1881.


* Le pharmacien de Chatou:



Printemps 1882. Les beaux jours s'annoncent sur les bords de Seine où les peintre impressionnistes viennent poser leurs chevalets tandis que les guinguettes commencent à s'animer. Mais un fait divers va venir troubler la paisibilité de Chatou (aujourd'hui dans les Yvelines) et de ses environs, noircir les pages des gazettes et alimenter toutes les conversations. Un meurtre que les journalistes ont d'abord appelé « le crime du Pecq », traité par la justice sous le nom de « l'affaire Fenayrou ».Elle débute le 29 mai, quand trois bateliers remarquent un objet flottant au niveau de l'île Corbière du Pecq (Yvelines). Horreur, c'est un corps en état de décomposition avancée qu'ils découvrent. Et pas un simple noyé. L'homme, en position foetale, a été ficelé par des tuyaux de plomb et le baillon sur sa bouche est maintenu par une épingle. L'autopsie révèle qu'il a eu le crâne défoncé à sept reprise et qu'il a été poignardé six fois...
Il faut attendre le témoignage d'une jeune femme qui avait signalé une semaine plus tôt la disparition de son frère, un certain Louis Aubert, et surtout l'arrivée chez les policiers d'une lettre anonyme dénonçant une certaine Madame Fenayrou pour que l'enquête se décante. Rapidement, les inspecteurs reconstituent le puzzle et la vérité éclate avec les aveux de celle-ci. Louis Aubert est bien tombé dans le piège tendu par Gabrielle Fenayrou, son amante, et par Marin Fenayrou, son patron. Tous deux sont mariés depuis une douzaine d'années. Lui, pharmacien de profession, est un être autoritaire et présenté comme froid. Elle, mariée de force, n'a jamais été amoureuse. Un ménage houleux dans lequel Louis Aubert, élève pharmacien, fait son apparition en 1872.
Tout en travaillant pour Marin, Louis tombe amoureux de Gabrielle. Mais l'idylle finit par être dénoncée. Après avoir ruminé sa vengeance durant des années, Marin oblige sa femme à faire venir Louis dans leur maison de l'avenue d'Eprémesnil à Chatou. Là, il tue son employé à coups de marteau et de canne-épée. Le couple Fenayrou, épaulé par Lucien, le frère de Marin, se débarrasse du corps en pleine nuit depuis le pont de Chatou, situé à quelques mètres de là. Puis le trio tente d'effacer les preuves du crime. En vain. Le 10 août, soit seulement deux mois et demi à peine après les faits, les trois accusés comparaissent devant la cour d'assises de Seine-et-Oise à Versailles. Les débats dureront quatre jours devant une assistance venue en nombre se délecter de ce récit d'horreur.



La principale interrogation porte sur la personnalité de Gabrielle Fenayrou et sur son rôle exact dans l'affaire. Le 13 août, la cour condamne Marin Fenayrou à mort ; Gabrielle écope de la peine à perpétuité, et Lucien de sept ans de travaux forcés. En octobre, suite à la cassation du verdict, un nouveau procès est organisé. Marin voit sa peine atténuée à la perpétuité tandis que Lucien est acquitté. Gabrielle reste en revanche condamnée à la prison à vie. La fin d'un feuilleton sordide, inscrit depuis dans les annales du fait divers.
Le Parisien, 2 août 2016.

* Columelle et Varron:


* Masollier des Vivetières:

Benoit, Joseph Marsollier des Vivetières,
auteur dramatique et librettiste d'opéra-comique
.

* Le Postillon de Longjumeau:





* Chollet:

Jean baptiste Chollet, musicien et chanteur lyrique,
 dans le rôle de Gasparillo.

* Quai de la Mégisserie:

Au bon jardinier, 16, quai de la Mégisserie.

* Catalogue:



* Pipée:

La chasse à la pipée au moyen âge.
(interdite en France de nos jours)
* Frère Jean des Entommeures:

Frère Jean des Entommeures
est un personnage de Gargantua de Rabelais:


Es uns escarbouilloy la cervelle, es aultres rompoyt bras et jambes,
es aultres deslochoyt les spondyles du coul,
es aultres demoulloyt les reins, avalloyt le nez, poschoyt les yeux,
 fendoyt les mandibules, enfonçoyt les dents en la gueule,
descroulloyt les omoplates, sphaceloyt les greves,
desgondoit les ischies : debezilloit les fauciles.
Si quelqu'un se vouloyt cascher entre les sepes plus espés,
à icelluy freussoit toute l'areste du douz : et l’esrenoit comme un chien.

* Almanach Bottin:


mercredi 22 novembre 2017

Jardins de la Loire.

Jardins de la Loire.

La vallée de la Loire moyenne, après Orléans et avant Angers, région centrale et bien abritée, la Touraine, avec les plaines environnantes, a été appelée le Jardin de la France.
Terre molle et plantureuse, engraissée du limon du fleuve, jadis pays de châteaux royaux et de riches abbayes, et qui a conservé la physionomie des temps disparus, ce "pays du rire et du rien faire", patrie du rieur Rabelais, a, dit-on, une population qui lui ressemble. Avec un climat très doux, un peu humide, une verdure toujours fraîche, des eaux paisibles où se mirent les tourelles, des rideaux de peupliers et de trembles le long des canaux, des îles qui sont des corbeilles de fleurs, des coteaux en pente ménagée qui sont des potagers, ce serait bien le plus heureux coin de terre de la France et du monde si la Loire sournoise n'avait de soudaines et méchantes colères.
Pourquoi ne jouirait-il pas de la paix que le ciel lui verse, le brave Tourangeau? La vie lui est facile, le sol productif; il semble que savoir se borner, prendre le bon temps qui vient, c'est sagesse. Modéré, tempérant, exempt d'ambition, point avare du reste, point prodigue non plus, ni aventureux, il se tient dans une moyenne tranquille; liant, affable, spirituel cependant et railleur quand il veut, sans amertume. Labourer rudement, s'exténuer pour rompre la glèbe, sa terre n'exige pas cela de lui; il jardine. Pour une seule chose, la nature lui a été quelque peu parcimonieuse: le vin. Il n'a pas le grand soleil qui cuit la grappe, et le raisin laisse couler un jus abondant, mais assez vert. Le bonhomme, qui du reste est sobre, s'en console et fait du vinaigre. En somme c'est en toute chose ce que doit être un pays du milieu.
Une fête rustique commune à toute cette région, et que l'on rencontre aussi en Bretagne, avec quelques variantes, et bien ailleurs encore, j'imagine, c'est la fête de la dernière gerbe, quand la moisson est tout entière rentrée et battue. La dernière airée étant étalée, une place est réservée au milieu; le maître ou la maîtresse de maison, ailleurs une jeune fille parée de fleurs, apporte en grande pompe, une belle gerbe réservée, entourée de guirlandes et de feuillages; les gens de la ferme, les ouvriers, les voisins suivent en procession, comme un cortège de noces, en chantant des chansons locales, conduits par un violon ou une cornemuse, si l'on peut en avoir. La belle gerbe est dressée au milieu de l'aire, déliée, étendue; la troupe des batteurs, frappe en cadence le sol de ses fléaux. Alors une table est apportée sur l'aire même, couverte d'une nappe blanche, avec du pain, des verres, un pichet de cidre ou de vin; on boit à la ronde en l'honneur de la gerbe, à la santé du fermier et de la fermière. Puis l'airée est battue, au milieu des chants, des cris joyeux des enfants; la fête se termine par des rondes et des amusements bruyants, par un festin, des rires, des chansons qui se prolongent assez tard dans la nuit. Cette solennité paysanne, qui est un souvenir des Thalysies antiques (fêtes de la moisson et du battage), se célèbre un peu partout dans les pays à blé.
Avez-vous remarqué que les régions tempérées et faciles offrent rarement des coutumes originales et des costumes bien curieux à observer? C'est ce qu'on pourrait dire aussi à l'occasion du terrien berrichon, dont George Sand a fait de si poétiques portraits: c'est le paysan français moyen, paisible, aimant sa terre, assez intéressé, passablement défiant, n'ayant rien de bien saillant, ni dans les usages, ni dans la physionomie, ni dans le costume. Ils ne sont pas, ni les uns ni les autres, très imaginatifs; leurs chansons, leurs légendes se réduisent à peu de chose.
Pour trouver des traits énergiques et une poésie plus forte, des mœurs plus tranchés, il faut s'avancer vers l'ouest, entrer en Bretagne, par les marches du Maine et de l'Anjou, coupées de haies et de chemin creux, semées de pierres levées, vers la terre maigre et les genêts; pays triste et rude, autrefois pays des sorciers, ses sabbats et des loups-garous...
Une des curiosité de cette dernière région, qui fait si violent contraste avec la vallée de la Loire et ses châteaux, ce sont les habitations souterraines, refuges creusés au temps des guerres atroces du moyen âge, et dont beaucoup sont encore occupées. Sur les bords du Loir, il existe tout un village, les Roches*, uniquement formé de plus de deux cents caves servant de maisons, creusées dans une paroi à pic; demeures, granges, étables, tout est sous la terre. Il y a de vastes salles communes où, pendant les soirées d'hiver, les familles de ces hommes des cavernes se réunissent pour faire ensemble la veillée autour des cheminées qui sont des puits s'ouvrant au ras du sol. Les hommes causent des travaux, des récoltes, les femmes filent, babillent, et racontent aux enfants effrayés les histoires du terrible Barbe-Bleue, qui avait, comme on sait, des châteaux dans le pays. Ces légendes à faire dresser les cheveux sur la tête, racontées au fond de sombres souterrains, aux lueurs vacillantes des feux, cela doit faire, j'imagine, une scène d'un fantastique tout à fait saisissant et extraordinaire.

Les Peuples de la terre, Ch. Delon, 1890, Librairie Hachette et Cie.


* Nota de Célestin Mira:



mercredi 1 avril 2015

La vieille France.

     La vieille France.
Touraine et bords de Loire.

Texte, dessins et lithographies, par A. Rodiba.

Un fort volume in-4° colombier.
Prix, broché: 25 francs; cartonné: 30 francs; Tranches dorées: 31 francs; reliure d'amateur: 35 francs.
Envoi par colis postal.



Sous ce titre général: La vieille France, M. A. Robida a enregistré une série d'études artistiques sur notre pays. Le nouveau volume, la Touraine, qui vient de paraître, avec ses innombrables gravures dans le texte, sera accueilli avec le même empressement, par le public, que ses deux aînés: la Normandie et la Bretagne.
La Touraine proprement dite, la province au nom prestigieux, ne comprend qu'une petite partie des magnifiques régions traversées par la vaste Loire aux rivages historiques, enrichis par l'art des grandes époques, le fleuve qui décrit une si majestueuse courbe au cœur de la vieille France et s'en va, dans ses riches plaines entre deux longues levées vertes ombragées de grands arbres, de ville en ville, de vieille et riche cité, importante depuis les temps de la Gaule, en petite ville plus modeste que l'histoire a paré d'une auréole, de resplendissants châteaux du XVe siècle aux splendeurs artistiques souvent éclaboussées de sang, en grands donjons ruinés, fières carcasses de vieux soldats se chauffant au soleil sur les coteaux chargés de vignes, de site historique en site historique, à l'ombre des glorieux souvenirs, porter lentement ses eaux, au loin, à la mer de Bretagne.




Avant la Touraine, jardin de la France, il y a l'Orléanais et ses villes à cheval sur le fleuve, Gien, Beaugency, il y a, non loin de Chambord endormi dans la solitude, Blois, l'incomparable merveille ciselée par Louis XII et François 1er, Amboise, théâtre des plus tumultueuses scènes du XVe et du XVIe siècle, des grands drames de nos luttes nationales ou civiles.



La grande ville de Tours, dont les monuments évoquent tant de glorieuses réminiscences, est gracieusement assise sur le fleuve, devant ses longues îles verdoyantes, au pied des coteaux percé de grottes habitées qui mettent les demeures les plus primitives, le trou creusé dans le roc, les villages de Troglodytes, à côté des splendides architectures de la Renaissance.




C'est le pays de belles collines gracieusement ondulées enchâssant tant de châteaux princiers dans leurs verdures aux confluent du Cher, de l'Indre et de la Vienne, qui apportent au grand fleuve leur part de souvenirs recueillis dans l'antique et grandiose Bourges, la ville de Jacques Coeur et des palais à tourelles, à Loches et à Chinon deux extraordinaires citées du moyen âge restées presque telles que Charles VII et Agnès Sorel les a connues.





M. Robida a résumé tout cela avec le style émouvant et les dessins superbes dont il possède le secret.

La France illustrée, 2 juillet 1892.