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mercredi 6 décembre 2017

L'arbre à pain.

L'arbre à pain.
Légende Taïtienne.



En ce temps-là, le merveilleux Eden qu'est l'archipel de Taïti fut ravagé par un cyclone et par un déluge, qui détruisirent toute végétation et tuèrent les animaux qui auraient pu servir de nourriture aux habitants.
Aussi la famine ne tarda-t-elle pas à régner en maîtresse et les Taïtiens furent les plus malheureux des hommes.
Une nuit que Popoï, le roi de l'île, songeait aux calamités qui désolaient son royaume, le dieu Iapo lui apparut et lui commanda de se sacrifier pour sauver ses peuples.
- Mais encore que faut-il faire? demanda le souverain, prêt à tout pour racheter Taïti de la colère des dieux.
- Ecoute, dit Iapo.
"Tu te rendras dès demain en haut de la colline de Roreita, et tu resteras immobile, les bras étendus jusqu'à ce que tes trois plus jeunes enfants viennent te retrouver.
- Et ensuite?
- Ensuite, tu laisseras faire les dieux, mais sache que la famine sera enrayée, et tes peuples mangeront et c'est toi-même qui les nourriras.
"J'ai dit.
Popoï ouvrit les yeux: le dieu avait disparu.
Avait-il rêvé ou avait-il vraiment parlé au dieu? Toujours est-il que, le lendemain, il quitta son palais sans rien dire à personne, ni de son rêve ni de ce qu'il allait faire, et se mit en route vers la colline de Roreita, dont le sol, émergeant depuis peu de l'inondation, était encore marécageux.
Au premier rayon de soleil, le souverain s'agenouilla et se plaça ensuite, comme lui avait conseillé le dieu, les pieds dans l'humus qui semblait les aspirer déjà, et les bras étendus.

***

Les jeunes princes royaux s'étaient réveillés, s'agitant sur leur couche d'herbes et tout étonnés de ne pas voir leur père à sa place habituelle.
L'aîné pensa qu'il était allé en chasse, dans l'espoir de capturer un problématique gibier, et il fit part de son idée à ses jeunes frères.
- Sortons donc, répondirent ceux-ci; peut être pourrons-nous l'aider.
Et, quoique en peine, les bambins sortirent de la case royale.
Comme ils commençaient à gravir la Roreita, ils aperçurent, au sommet la silhouette de leur père, mais, outre qu'il avait grandi, un certain changement s'était produit dans son anatomie.
Ses pieds semblaient avoir épousé le sol et ses orteils s'allongeaient comme des radicelles; ses bras, ses doigts, ses cheveux subissaient la même métamorphose, au point que les bambins, effrayés, crurent s'être trompés et voulurent rebrousser chemin.
Mais c'était bien Popoï, leur père, le roi de Taïti; ils n'en purent plus douter quand ils s'entendirent interpeller par la vois chérie et très connue.
- Enfants, remerciez les dieux...
"Iapo est venu me trouver cette nuit et m'a choisi pour sauver mon peuple de la famine.
"Il a voulu que vous fussiez les premiers à le savoir et les premiers à vous nourrir de ma chair.
"Car c'est ma chair que vous allez manger, ô mes fils!
"C'est ma chair que vous mangez mes peuples, mais tous, vous serez sauvés de l'horrible mort...
Et comme les enfants royaux s'agenouillaient, éclatant en sanglots, le chef dit encore:
- Séchez vos larmes, mes fils, et adieu.
Taïti est sauvé, je suis content."




Alors, devant les pauvres bambins tout stupéfaits, Popoï sembla perdre sa nature humaine: ses pieds s'allongèrent en racines et s'enfoncèrent définitivement en terre; son corps perdit sa mollesse et revêtit bientôt la couleur et la dureté du bois; ses bras et sa tête disparurent sous une feuillée luxuriante que vinrent bientôt orner de beaux fruits, de ces fruits qui allaient nourrir, dans un instant, toute une population affamée.

***

Ainsi naquit, du moins, c'est la légende qui le raconte, le jacquier ou autocarpe, plus connu sous le nom d'arbre à pain, et dont les fruits servent aux indigènes à confectionner le substantiel popoï, un des mets les plus recherchés des indigènes taïtiens.

                                                                                                                    R. Montclavel.

Le Magasin pittoresque, 1er Août 1913.

dimanche 19 février 2017

Danse tahitienne.

Danse tahitienne.
d'après un dessin de feu Dupouy, capitaine de vaisseau.



Le capitaine de vaisseau Dupouy, si prématurément enlevé à la France, était sorti de l'école navale en 1830. Il fit d'une manière brillante son premier voyage au Sénégal, sous les ordres de l'amiral Quernel, qui lui confia, dans un moment critique, malgré son jeune âge, le commandement d'une goélette. Dupouy servit encore sous ses ordres sur la flotte de l'Escaut, lors du siège de la citadelle d'Anvers. Il fit ensuite, comme aide de camp du vice-amiral Trebuart, les campagnes scientifiques de la Méditerranée. Plus tard enfin, il accompagna en qualité de lieutenant de vaisseau le capitaine Fournichon, commandant de la station des mers du Sud.
Pendant les loisirs que lui laissait ses travaux et ses études, il révéla le talent d'un véritable artiste; sans modifier en rien la forme des objets, il savait donner du charme et de la poésie aux esquisses les plus simples. A son retour, élevé au grade de capitaine de vaisseau, il fut chargé de l'armement d'un navire à hélice, le Marsouin, pour une expédition scientifique, et dont il eut le commandement.
Malheureusement il fut obligé de modifier ses plans, et alla rejoindre à Cayenne son ancien chef et ami, le vice-amiral Fournichon, nommé au commandement de cette colonie. Comme dans ses voyages précédents, il voulait étudier scientifiquement le pays et le parcourir en touriste, l'album à la main. Il ne suivit pas avec assez de prudence les conseils de ses amis, qui l'engageaient à ne pas trop s'exposer aux chaleurs meurtrières de ce pays. Une fièvre violente l'enleva en quelques jours. Ses funérailles furent d'un effet imposant: toute la marine pleurait sincèrement la perte d'un homme qui était considéré comme l'un de ses meilleurs officiers, et qui, sans ce fatal accident, eût sans doute contribué à sa gloire.
Ce fut dans son voyage des mers du Sud qu'il eut l'occasion de visiter Tahiti. Parmi les dessins de son album qui rappelle son séjour dans cette île, nous avons choisi celui qui représente une danse de jeunes Taïtiennes. 



C'est la danse que l'on a souvent citée sous le nom de Upa-Upa, et où s'exprime et où s'exprime avec le plus de grâce et d'énergie toute l'ardeur des jeunes insulaires. Cette scène d'un petit peuple encore à demi-sauvage, qu'on croirait dans l'âge d'or, ne semble pas sans quelque analogie avec le rêve de bonheur de Papety, pauvre charmant artiste mort aussi au début d'une carrière où il avait si brillamment marqué sa place.
La danse est la principale distraction des Taïtiens; aussi y déploient-ils un talent de chorégraphie inimaginable, mais généralement trop libre; et même aujourd'hui que les danseuses sont vêtues de robes blanches et couronnées de fleurs, les gestes et les figures sont encore un peu trop sauvages.
L'orchestre indigène s'est transformé depuis quelques années. Autrefois il se composait d'une flûte à trois trous, dans laquelle une de ces nymphes de la mer soufflait avec le nez, de tambours de toutes grandeurs, de trompettes marines et d'iharas, sorte de tambour formé d'un bout de bambou, comprenant un entre-nœud tout entier, percé d'un bout à l'autre, et sur lequel on frappait avec un bâton. On voit que la caisse de nos tapins et la flûte ont détrôné ces instruments primitifs.

                                                                                                             Ernest Charton.

L'illustration, journal universel,  janvier 1855.