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jeudi 27 juillet 2017

Le nouvel Opéra.

Le nouvel Opéra.


Au moment où la France entière s'entretient de la grande oeuvre que M. Garnier vient de terminer, le Musée universel ne saurait se désintéresser de la question.
Nous donnons donc un dessin de M. Delannoy, représentant la façade du nouvel Opéra.




Nous publierons tour à tour le grand escalier d'honneur, deux fresques admirables: la Tragédie et la Comédie; le portrait de M. Garnier et, s'il y a lieu, d'autres gravures sur cet intéressant sujet.
Nous ne négligerons rien afin que nos lecteurs puissent se faire une idée complète du nouveau chef-d'oeuvre que Paris possède depuis quelques jours.
Depuis qu'on chante l'opéra en France, c'est la douzième salle occupée par l'Académie de musique!
Elle s'établit d'abord au Palais-Royal et occupa longtemps l'emplacement de l'ancienne salle de Molière. Détruite par un incendie terrible, Lully édifia un nouveau monument pour y jouer ses œuvres. L'inauguration eut lieu le 15 novembre 1672, rue de Vaugirard.
Ce théâtre, bâti à la hâte et avec des gravats mal ajustés, n'inspirait aucune confiance au public. La troupe de Lully émigra donc rue Mazarine, et vint peu de temps après occuper l'aile droite du Palais-Cardinal.
Cette salle, qui avait le mérite de la solidité, était défectueuse sous tous les autres rapports. Elle était mal éclairée, étroite; on y gelait l'hiver.
Un incendie vint encore, en 1763, forcer les artistes de l'Opéra à chercher un refuge ailleurs.
L'Académie de musique fut alors annexée aux Tuileries; on lui céda un pavillon provisoirement; elle ne céda la place qu'en 1770.
Elle occupa alors une fort belle place, construite par Moreau, et fut encore réduite en cendres en 1781. Le directeur de l'époque passa un traité avec l’imprésario du théâtre des Menus-Plaisirs, rue bergère.
C'est là que fut joué, pour la première fois, le Devin de village, de Jean-Jacques Rousseau. Quelques mois plus tard, le matériel fut transporté dans une salle plus vaste, à la Porte Saint-Martin, incendiée depuis par la Commune.
Mais le monde élégant trouvait cette salle trop éloignée du centre; la citoyenne Montausier fit construire un nouvel édifice en 1793 rue Richelieu, en face de la Bibliothèque nationale.
L'Académie de musique s'y installa l'an II de la République française, et y donna des représentations jusqu'en 1820.
C'est là que fut assassiné le duc de Berry; l'archevêque de Paris, en donnant l'extrême onction au duc dans un salon du théâtre, exigea de la cour la promesse que l'oeuvre de l'architecte Louis ne serait plus consacrée à des jeux scéniques. Ce malheureux théâtre, qui avait échappé à l'incendie, fut donc détruit de propos délibéré.
On résolut alors d'édifier une nouvelle Académie sur les anciens terrains de l'hôtel Choiseul, rue Le Peletier. Pendant la construction, qui dura cinq ans, les chanteurs du roi reçurent l'hospitalité tour à tour à la salle Favart et à la salle Louvois.
Le théâtre que nous avons tous connu fut inauguré le 16 aôut 1821. Le prix des travaux s'éleva à 2.200.000 francs, somme considérable à cette époque. C'est là que nous avons tour à tour applaudi Nourrit, Baroilhet, Stoltz, Viardot et Miolan-Carvalho.
Guillaume-Tell, Moïse, la Muette, la Juive, Robert le Diable, les Huguenots, le Prophète, toutes les grandes pages de l'art lyrique moderne ont été représentées dans cette salle, devenue à son tour la proie des flammes dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873.
Heureusement l'oeuvre de M. Garnier vient d'être terminée. Tout porte à croire qu'elle survivra à plusieurs générations. L'architecte, qui a illustré son nom à tout jamais, songeant à la fréquence des incendies, a voulu mettre son oeuvre à l'abri des catastrophes de l'avenir. Sciez le bois employé à la construction de ce chef-d'oeuvre, et vous n'obtiendrez pas la charge nécessaire au feu de cheminée d'une vieille fille de province. Les charpentes sont en fer; le marbre et l'onyx, répandus à profusion, remplacent partout les moulures en bois doré et défient les flammes.
La solidité de la construction, qui ne laisse rien à désirer, a nécessité de nombreux travaux. M. Garnier a eu de grandes difficultés à surmonter pour asseoir les fondations d'un édifice dont on peut évaluer la charge à 428.666 mètres cubes de granit, de marbre, de fonte et de fer. Il fallut creuser à 15 mètres au-dessous du niveau des eaux; On en rencontra une masse énorme, une vraie rivière. On se rappelle qu'un canal traversait autrefois cette partie de Paris, se prolongeant jusqu'à la rue qu'on a appelée pour ce fait: rue Grange-Batelière.
M. Garnier, à la tête de huit pompes à vapeur travaillant nuit et jour, lutta sept mois avant d'atteindre les profondeurs où il devait asseoir la cuve destinée au-dessous de machinerie théâtrale. Elle est entourée d'une triple couche de béton, de bitume et de ciment. Elle est tellement bien protégée que, depuis dix ans qu'elle est posée, elle n'a pas encore été atteinte par l'humidité. On dirait qu'elle vient d'être posée. C'est de là que partent les mille tuyaux destinés à l'éclairage et au chauffage.
La salle peut être chauffée par treize calorifères installées dans la cuve; trois sont construits selon le système à l'eau chaude.
Quoique la salle n'occupe pas un emplacement beaucoup plus vaste que le théâtre de la rue Le Peltier, l'ensemble de la surface du monument atteint le chiffre considérable de 11.237 mètres. M. Garnier s'est préoccupé du confortable. Il a voulu que les foyers, la logia, les couloirs de service, les loges des artistes, les escaliers permissent une circulation facile.
Le nombre des places qui était de 1.783 dans l'ancienne salle, atteint à peine 2.000, au nouvel Opéra. Nous somme loin, on le voit, des 3.000 places de la Scala et de San-Carlo; mais le nombre indiqué ci-dessus suffit dans une ville qui compte tant de théâtres; remercions donc l'architecte d'avoir pensé aux loisirs du public pendant les entr'actes et d'avoir mis à sa disposition des salons dignes des plus luxueux palais.
Dès les premiers jours on critiqua beaucoup la décoration polychrome de la façade principale. Les ors venaient d'être appliqués; les tons paraissaient durs et heurtés. Quelques-uns de nos confrères ne craignirent pas de crier au mauvais goût. C'est la toilette d'une poissarde qui ferait son entrée dans le monde, écrivait un homme d'esprit; pour un autre, c'était une confiserie merveilleuse, où l'angélique se mariait agréablement à la cerise et à la mirabelle. Mais aujourd'hui les avis sont différents; les chroniqueurs pressés ont dû regretter leurs articles écrits à la hâte: le temps a harmonisé tous les tons.
Nous voici en présence de la façade principale. Voici les marches du perron, et au-dessus un rez-de-chaussée en biais décoré de ces groupes de statues qui déchaînèrent les fureurs de la critique à l'époque de leur exhibition.
On se rappelle les injures prodiguées alors à M. Carpeaux, qui avait cru devoir nous représenter des bacchantes, filles de marbre il est vrai, vivant la vraie vie moderne de Breda-square et du Château des Fleurs.
Au-dessus nous comptons seize colonnes monolithes en pierre de Bavière. La pierre rouge du Jura, qui forme le fond, les fait ressortir d'une façon très nette; elles sont reliées par des galeries de pierre polies, soutenues par des balustres en marbre vert de Suède.
Parallèlement, dix-huit colonnes en marbre fleur de pêcher se dressent, coiffées de chapiteaux de bronze doré; le fond de l'attique est surmonté de mosaïques; sur toute la façade on distingue une rangée de masques dorés, puis viennent les groupes de M. Gumery, la coupole surmontée du pignon de la scène, flanquée de deux Pégases gigantesques de M. Lequesne et dominée par l'Apollon porte-lyre de M. Millet.
En côtoyant l'édifice par la rue Halévy, nous remarquons un des deux pavillons qui font saillie sur le côté. Ici, l'ornementation est moins chargée. C'est le pavillon des abonnés. Il sert d'entrée couverte aux personnes venues en voitures, supprimant ainsi l'ennui qu'on éprouverait à attendre son tour en plein air ou dans un vestibule mal fermé. Ce pavillon est entouré d'une magnifique rampe en bronze, ornée de lampadaires. Une vaste salle circulaire intérieure met le public en communication avec le grand escalier.
Le pavillon en saillie qui donne rue Gluck est affecté au service de l'administration. Dans un prochain article, nous suivrons à l'intérieur le monde qui s'y précipite en foule pour contempler les merveilles de ce splendide monument, et nous vous décrirons les richesses du grand escalier, qu'un artiste de grand talent a bien voulu dessiner à notre intention.

                                                                                                                        Guy de Binos.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1875.

dimanche 19 juin 2016

L'Opéra.

L'Opéra.



L'année 1777 entre toutes est remarquable par trois points. Un industriel, appelé Tessier, exploita les  élèves dansants du magasin de l'Opéra, dans un petit théâtre, qu'il fit construire, boulevard du Temple; cette scène, qui vient de tomber sous la cognée des démolisseurs, s'appelait encore hier, le Petit-Lazari.
Les nonnes de l'abbaye de Longchamps, invisibles aux yeux du public, obtenaient un succès fou pendant la semaine sainte, en raison des voix et de l'habileté déployée dans leur chant. Le bon peuple de Paris soutenait qu'on n'avait pas à l'Opéra des organes semblables, et ne se doutait guère qu'à l'exemple de nos églises modernes, l'abbesse rusée, avait demandé ses principales coryphées aux cohortes profanes de l'Académie de musique.
Enfin, en dernier lieu, devançant M. Scribe, comme Gutenberg devança M. Firmin-Didot, comme Daguerre a devancé Nadar, quatre auteurs, Beaumarchais, Sedaine, Marmontel et Saurin s'attablèrent autour d'une table le 27 octobre 1777, et y rédigèrent les premières bases de l'Association des auteurs dramatiques, les premiers éléments de la propriété littéraire.

Les places et redevances de l'ancien Opéra.

La dénomination des places de l'Opéra avait, en 1777, son étrangeté. On y comptait cinq espèces de loges:
Les crachoirs, que nous appelons plus convenablement les baignoires;
Les timbales, disposées pour quatre personnes;
Les entre-colonnes, recherchés parmi nous sous la dénomination d'avant-scènes; 
Les chaises de poste, qui n'avaient que deux places comme une berline de voyage;
Et enfin, les loges de balcon.
La livrée n'entrait  jamais à l'Opéra, à quelque place que ce fût, et le contrôle se montrait excessivement sévère sous le rapport de la toilette des dilettantes.
... L'Opéra recevait un tribut de tous les autres spectacles de Paris; dans son Histoire de l'Académie de musique, histoire dans laquelle nous avons puisé de nombreux renseignements, M. Castil-Blaze en donne la piquante nomenclature:

Le sieur Nicoud, pour montrer son singe..................................................6 liv. par an.
La machine Hydraulique.............................................................................2 sous par jour.
Le sieur Marigny, pour faire voir ses nains..............................................2 sous par jour.
Le sieur Second, pour ses marionnettes....................................................4 sous par jour.
Le sieur Messuib, pour exhiber ses géants...............................................6 liards par jour.
Le sieur Devain, pour son cabinet de magots...........................................2 sous par jour.
L'homme ventriloque...................................................................................24 liv. par an.
Les ombres chinoises...................................................................................120 liv. par an.
L'optique du sieur Zaller.............................................................................180 liv. par an.
Les puces travailleuses du sieur Préjean..................................................25 liv. par an
Les figures de cire du sieur Curtius...........................................................150 liv. par an.
Le crocodile vivant d'Abbini........................................................................12 liv. par an.

Cette liste de spectacles de fantaisie, si elle prouve que non ancêtres avaient le goût des phénomènes, atteste également que les géants étaient moins imposés que les pygmées; l'Opéra avait des égards pour la force physique.


Anecdotes sur les artistes.

Il arriva un événement dans les coutumes de la mélodieuse Académie. Jusqu'à Mlle Maupin, toute actrice d'Opéra tenait majestueusement, comme les reines des jeux de cartes, un objet à la main quand elle entrait en scène: Didon avait un mouchoir, Iphigénie, un éventail, Armide une baguette d'or. Mlle Maupin joua le rôle de Médée avec les mains vides, et n'en donna pas moins à ses bras la grâce désirable.
Les chanteurs de nos jours racontent une anecdote qui a fait rire une génération de ténors. Une haute-contre, débutant vers 1790, craignait d'attaquer le si naturel de son premier air.
- Ne crains rien, lui dit Dérivis, tends les muscles de l'abdomen... pousse vigoureusement; c'est du ventre qu'il faut faire sortir le si.
Le compositeur Persuis entendit le conseil et s'interposa en homme prudent.
- Mon bel ami, lui dit-il, gardez-vous de suivre cet avis; la note sortirait, mais sans être modulée par la bouche.... n'oubliez pas le respect que vous devez à l'auditoire.
Nous touchons aux jours de 93; l'Opéra se transfigure, on supprime des partitions les rôles de princes et de princesses. Hébert, en sa qualité de marchand de contre-marques, nommé directeur de l'Opéra, menace de porter sur la liste des suspects tout chanteur enrhumé. On s'empare de la salle de Mlle Montensier, et on y installe l'Académie de musique, qui s'appellera Théâtre des Arts. On inscrit en tête des affiches la phrase sacramentelle: De par et pour le peuple, et Mlle Maillard, la royaliste, est contrainte de chanter un air républicain.
- Vous n'avez jamais eu autant de puissance, lui dit Lainez après l'exécution.
- Ne m'en complimentez pas, répondit la protégée de Marie-Antoinette, je poussais de rage d'être obligée de chanter pour ces monstres-là!
Lainez, dont nous parlons, le chanteur favori de l'ancienne cour, n'avait sauvé sa tête qu'en chantant la Marseillaise, un bonnet rouge sur le front. Danton, Hébert, Chaumette, Henriot, Robespierre, administrateurs de l'Opéra; Dubuisson, Fabre d'Eglantine, auteurs de livrets, périrent sur l'échafaud. La cantatrice Mlle Buret y mourut avec ses amies, Mme de Sainte-Amarante et sa fille, dénoncées par un acteur de l'Opéra-Comique, dont le nom sert encore aujourd'hui à désigner un emploi, par le ténor Antoine Trial.
Il est des chiffres qui ont leur éloquence.
Le 22 janvier 1793, le lendemain de la mort de Louis XVI, l'Opéra donna Roland et fit 4.902 livres 8 sous de recette.
Le 15 octobre, même année, veille de la mort de Marie Antoinette, on renforça le spectacle; on joua le Siège de Thionville, l'Offrande à la Liberté et Télémaque, où devait reparaître la citoyenne Pérignon. On n'encaissa que 3.251 livres.
On retrouve dans la légende sinistre de l'Opéra la trace de la dernière visite qu'y fit la souveraine martyre, la troupe chantante y représentait les Evénements imprévus. Avant de prononcer, dans le duo du deuxième acte, les paroles du livret: Ah! comme j'aime ma maîtresse, la célèbre Mlle Dugazon s'était inclinée vers la reine, qui, fort applaudie à son entrée, avait dit à ses dames d'honneur:
- Voyez pourtant ce bon peuple, il ne demande qu'à nous aimer.
Au salut de la Dugazon, le parterre s'écria: Plus de maîtresse, plus de maître! Vive la liberté!
Les loges répondent: Vive le roi, vive la reine!
Une partie de la salle s'arme et se rue contre l'autre.
Et Marie-Antoinette n'a que le temps de se jeter dans sa voiture, que la populace lapide de pierres et d'immondices.
Deux usages contemporains ont pris naissance durant cette fièvre où l'opéra le plus en vogue le cédait à l'exécution du Chant du Départ.
Les affiches de théâtre cessèrent d'être sur papier blanc, afin qu'elles ne se confondissent pas avec les affiches du gouvernement.
Et l'on supprima pour toujours le parterre debout pour ne pas continuer l'insolence d'entasser des citoyens français à la gêne, dans un bas-fond, le tout pour les amuser. La convention fit aux dilettantes une surprise agréable; si elle menaçait leur tête, elle s'intéressait à leur séant; ils trouvèrent, pour la première fois, des sièges à l'Opéra le 7 août 1794.
Après la terreur, la réaction eut lieu; à l'Opéra-Comique, Trial meurt de douleur pour avoir été contraint de se mettre à genoux, comme un criminel, sur la scène qu'il illustra. Laïs est hué. La valse s'est introduite pour la première fois dans les bals masqués, et le citoyen Devisme décrète que, vu la chaleur, l'Opéra n'ouvrira son spectacle qu'à neuf heures et demie du soir, c'est à dire quand la nature aura fermé le sien.
M. Francisque Sarcey, l'intelligent critique dramatique de l'Opinion nationale, démontrait l'autre jour combien les administrations absorbaient de places gratuites dans nos théâtres; au temps du Directoire, cet abus était dans sa fleur; 94 places étaient absorbées à l'Opéra par les hauts fonctionnaires de la République; le consul Bonaparte se fit donner l'état de ces non-valeurs annuelles qui privaient l'administration de 60.400 fr. de recette, et après avoir envoyé 15.000 fr. pour sa loge personnelle, il mit l'apostille suivante sur le document examiné:"A dater du 1er nivôse, toutes ces loges seront payées par ceux qui les occupent. -Bonaparte."
Le chef éminent de la dynastie actuelle était un enthousiaste de belle musique, de belles voix. En 1787, la fameuse Mme Saint-Euberty chantait à Strasbourg; un jeune officier d'artillerie, fasciné par la magie de cet organe exceptionnel, envoya à la diva les vers suivants:

Romains, qui vous vantez d'une illustre origine, 
Voyez d'où dépendait votre empire naissant:
Didon n'eut pas de charmes assez puissants
Pour arrêter la fuite où son amant s'obstine;
Mais si l'autre Didon, ornement de ces lieux,
Eût été reine de Carthage, 
Il eût, pour la suivre, abandonné ses dieux,
Et votre beau pays serait encore sauvage.

Ces bouts rimés, qu'un maître ne dédaignerait pas, étaient signés: Napoléon Bonaparte.
L'Opéra fut pour le premier consul un lieu plein de dangers contres lesquels sa bonne étoile le protégea. Un jour, à la représentation des Horaces, une foule de conspirateurs n'attend que le signal de la scène du serment pour se précipiter sur la loge consulaire; Bonaparte, averti, prend sa place avec le calme le plus stoïque; la représentation continue, et c'est à peine si quelques spectateurs se sont aperçus que les affidés, arrêtés sur leur chaise, avaient été conduits en prison sous bonne escorte. Plus tard, se rendant à l'audition de l'Oratorio d'Haydn, la machine infernale éclate rue Saint-Nicaise, sous les pieds de ses chevaux; le public avait entendu, pendant l'adaggio, cette explosion dont il ne pouvait deviner la cause, et il fut rassuré lorsqu'il vit Bonaparte entrer stoïquement dans sa loge avec Lannes, Lauriston, Berthier et Duroc. C'est à la date de l'Empire que nous devons placer la représentation de Vestale, chef-d'oeuvre de Spontini. La mode s'empare de l'ouvrage: les robes, les bijoux, les coiffures, tout était à la Vestale; on cite encore aujourd'hui le quatrain dont on gratifia les filles de chœurs et du corps de ballet:

Cette musique magistrale
Nous semble errer étonnamment,
A l'Opéra une vestale!!
Ce n'est pas là son élément.

Conjointement avec le chef-d'oeuvre de Spontini, on donna un opéra-ballet dans lequel, pour la première fois, des cavaliers montés parurent sur la scène: c'est à cette occasion qu'un journaliste proposa d'écrire sur la porte de l'Académie impériale de musique:

Ici, on jour l'opéra à pied et à cheval.

La chute de l'Empire, les Cent-jours, la deuxième restauration se manifestent à l'Opéra par deux faits.
A la première entrée dans Paris de l'empereur de Russie et du roi de Prusse, l'affiche annonçait le Triomphe de Trajan. Les monarques envahisseurs firent changer le spectacle et demandèrent la Vestale. Ils furent salués par d'unanimes bravos.
Le 18 avril 1815, Napoléon assiste au ballet de Psyché; il est reçu par des tonnerres d'applaudissements.
Cherchez donc, dans les parterres, l'expression sérieuse d'un sentiment politique.
Louis XVIII nomma son ministre, le comte de Blacas, surintendant des théâtres royaux: la population des coulisses se donna du rire à cœur joie à la venue de ce bénin personnage, qui put lire le quatrain suivant, sur tous les murs:

Blacas, Duras, Damas, hélas!
Semblent d'abord un brelan d'as;
Si vous les regardez de près,
Ce n'est qu'un brelan de valets.

Le début d'Elie, dans le ballet du Carnaval de Venise, porte une date significative: il eut lieu le 13 février 1821. Le même avait été étudier le type  de Polichinelle au spectacle des Ombres chinoises. Il avait saisi admirablement l'allure, à la fois roide et fébrile, la pose vertigineuse, l'incessante dislocation du pantin de séraphin; et tandis que le public le couvrait de bravos, on n'entendait pas les plaintes du duc de Berry, qu'un assassin venait de frapper.
Les marches de marbre du palais des Grâces étaient souillées par le sang; c'eut été une provocation que de laisser la cothurne  de la muse se ternir, la voix des sirènes s'éteindre dans cette catacombe nouvelle; l'Opéra de la rue Richelieu fut démoli, et la troupe ne reprit que le 19 avril suivant ses représentations dans la salle Favart.
Pendant ce temps, on construisit la salle de l'Opéra actuel, qui fut commencé le dimanche 13 août 1820, sur l'emplacement de l'ancien hôtel Choiseul. On y travailla un an et trois jours, et pourtant, l'édifice n'est construit que de bois et de plâtre, et fournirait, en cas de sinistre, un aliment terrible à l'incendie.
Résumons-nous: avant d'arriver à sa résidence actuelle, qu'il doit quitter dans deux ans pour un palais nouveau, l'Académie de musique a changé sept fois son siège d'exploitation.
En 1671, au Jeu de paume de la rue Mazarine; 
Sous Lulli, en 1672, au Jeu de paume du Bel-Air, près le Luxembourg;
En 1687, dans la salle du Palais-Royal, occupée jadis par la troupe de Molière;
En 1765, dans la salle des Tuileries;
En 1770, à la Porte Saint-Martin;
En 1794, rue Richelieu;
En 1820, au théâtre Favart; 
Et enfin, en 1821, dans son siège actuel, rue Lepelletier.
L'Opéra, depuis la chute de la Restauration, a été géré:
Par M. Louis Véron, le premier directeur, qui assuma la responsabilité complète de l'entreprise; il eut pour collaborateur Meyerbeer et Taglioni, et fit fortune.
Le deuxième directeur fut M. Duponchel, un artiste dans la mise en scène, un homme d'initiative et de goût. Les gens  du métier lui font honneur des effets de perspective qu'on admire dans les Huguenots.
Le troisième directeur fut M. Léon Pillet, actuellement consul général à Palerme.
Il fut célèbre par la protection dont il entoura Mme Stolz, laquelle empêcha Jenny Lind de débuter à Paris, et par le manifeste qu'il publia contre le cigare, à l'influence duquel il attribuait la désertion du public.
Le quatrième directeur s'appelait d'un nom célèbre dans l'esprit français: nous avons nommé Nestor Roqueplan. Il arracha à Meyerbeer son Prophète et n'enrichit l'Opéra que de bons mots devenus célèbres.
"- L'Opéra, disait-il, c'est le bruit qui coûte le plus cher."
Il avait évidemment le canon dont le son continuel pendant quatre heures exerce bien d'autres ravages.
A la suite de la gestion de M. Roqueplan, l'Etat repris l'Opéra, qui cessa d'être une exploitation privée, et en confia la direction d'abord à M. Crônier, administrateur trop rigide, trop peu diplomate, trop puritain pour ce foyer d'intrigues; à M. Crônier succéda M. Alphonse Royer, qui joint toute la bonne grâce de l'homme du monde, tout le libéralisme de l'homme de lettres au sérieux obligé d'un fonctionnaire public.
M. Alphonse Royer possède, dans son régisseur général, M. Martin, un véritable trésor; on l'appelle à l'Opéra le ramasseur des bouts de ficelles, et Dieu sait si les ficelles y manquent! Pour donner un exemple de son ordre, il suffit de citer l'arrêté relatif aux souliers de la troupe:
Il est bon de savoir que les chaussures des danseurs ont trois couleurs comme l'étendard national:
Les chaussures puces pour les simples mortelles, villageoises, vassales, montagnardes;
Les chaussures blanches pour les nymphes Occilis, Péri et Almée;
Les chaussures couleur de chair pour les déesses et reine des fées.

                                                                                                                                 Léo Lespès.

Le Monde Illustré, 9 avril 1864.


jeudi 16 juin 2016

Le théâtre nègre.

Le théâtre nègre.

Malgré l'ostracisme dont ils sont l'objet, les nègres occupent chaque jour une situation plus considérable aux Etats-unis.
Récemment, ils ont offert une véritable représentation de gala dans un théâtre de New-York. Les acteurs, les musiciens, les machinistes, ainsi que tous les spectateurs étaient nègres.
L'événement artistique était sensationnel, car il s'agissait de la première représentation que donnait une grande troupe d'opéra nègre qui venait de se constituer.
La salle offrait un coup d’œil magnifique. Non seulement étaient présents les plus riches noirs de New-York, mais encore chacune des villes importantes des Etats-Unis avait tenu à envoyer des délégations nègres pour assister à cette imposante manifestation. Toutes les dames étaient somptueusement vêtues; beaucoup d'entre elles étaient décolletées. Les corsages étaient richement décorés de fleurs.
On devait représenter Carmen, l'opéra de Bizet.
Il n'y eut qu'un point noir... non, un point blanc, au milieu de tant d'allégresse. La cantatrice qui devait tenir le rôle de Carmen et qui, comme cela va sans dire, était nègre, se trouva subitement indisposée une heure avant d'entrer en scène. On chercha bien en vain à substituer une autre chanteuse de même couleur. Il fallut donc s'adresser à une blanche; celle-ci accepta, mais ne voulut rien entendre, malgré la somme considérable qu'on lui offrait en plus, lorsqu'on lui demanda de se "colorer" le visage, afin que l'homogénéité de la troupe fût sauvegardée.
En Europe, une actrice aurait peut-être accepté facilement cette mascarade, mais en Amérique, où le préjugé de race est si fort, elle aurait été complètement disqualifiée si elle avait consenti à une telle abdication, en sorte que Carmen fut la seule blanche au milieu de ce grand tableau noir. La représentation n'en souffrit nullement.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 3 février 1907.

mercredi 17 février 2016

Ceux dont on parle.

Le senor Pédro Gailhard.


Quand on quitte le café de la Paix pour aller au café Riche, on passe devant un monument assez élégant, flanqué d'un buste doré du plus pur goût sénégalais. Au fronton de ce monument sont écrits les mots "Académie Nationale de musique" et plus d'un passant s'est imaginé que derrière les colonnes de marbre du portique des académiciens en habit vert tenaient séance.
Il est temps d'avertir le peuple français qu'on le trompe. Il n'y a pas d'académiciens dans l'Académie Nationale de musique. Ce titre n'est qu'une simple forme qui désigne une maison de commerce dirigée par M. Gailhard et sauvée tous les ans de la faillite à l'aide des excédents d'impôts dont comme chacun sait, le gouvernement n'a que faire.
Cette maison, plus connue sous le nom d'Opéra, tient les premières marques de musique française et étrangère et vend à l'abonnement. Elle dispose pour gérer la vente au détail d'un personnel considérable de garçons et de demoiselles de magasin presque tous sortis du Conservatoire, d'exécutants triés sur le volet, mais dont on entend le plus souvent que les doublures, de danseuses et de rats, d'employés, de figurants, de machinistes, d'ouvreuses, etc., etc. M. Gailhard commandait à cette armée, et, c'était la moindre de ses fonctions. Il devait choisir les artistes, faire prendre patience aux auteurs, et surtout, surtout équilibrer son budget.




Les frais de l'Opéra sont énormes. A chaque représentation, il ne faut pas prélever moins de onze mille francs sur les recettes pour couvrir les dépenses ordinaires, et avec les sommes consacrées au balayage il y aurait de quoi payer deux préfets.
L'Opéra est pourtant moins généreux avec ses artistes que la plupart des grands théâtres étrangers. M. Gailhard le déplorait, mais il criait misère et affirmait qu'il perdait cent mille francs par an. Ce sacrifice dura six ans et M. Gailhard accepta le renouvellement de son privilège pour une septième année. N'est-ce pas admirable? Et ce bienfaiteur des arts est discret. Il cherche à se faire oublier, il ne relève pas les attaques dont l'abreuvent des gens envieux qui le croit heureux. Il n'a même pas exigé, comme l'auraient fait tant d'autres à sa place, qu'on remplaçât le nom de l'Opéra par celui de Théâtre Gailhard.
Mais la République a de la délicatesse. Elle s'est résolue à mettre un terme aux libéralités de M. Gailhard avant qu'il soit tout à fait ruiné. Le difficile ne fut pas de lui trouver un successeur: les grands dévouements n'ont jamais manqué en France, MM. Isola, Raoul Gunsbourg, Albert Carré et combien d'autres, se déclaraient tous prêts à prendre la direction de l'Académie Nationale de musique.
La candidature qui avait le plus de chance était celle de M. Carré, parce que M. Porel désirait sa place et qu'on veut du bien à M. Porel.
Contre toutes les prévisions des gens bien informés, ce furent MM. Messager et Broussan, qui décrochèrent la timbale.
Et comme il faut que tout le monde vive, même les basses chantantes, on parle de nommer M. Gailhard organiste du Panthéon.

                                                                                                                              Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 24 février 1907.

mardi 9 février 2016

Le bal de l'Opéra.

Le bal de l'Opéra.




Le dessin de M. Chelmonski est de saison, car les bals de l'Opéra ont inauguré leur série annuelle. Brillants et fort raffinés, en dépit d'un vieux préjugé qui veut que l'on ne s'y amuse pas. Nous avons souvent donné à nos lecteurs différentes vues de la salle, envahie par la cohue bigarrée des masques, ainsi que des types de public qui assiste à ces fêtes joyeuses. Notre artiste a choisi cette fois l'aspect extérieur de l'édifice au moment de l'entrée.
Une extraordinaire animation règne sur le terre-plein de l'Opéra, ainsi qu'aux abords. La foule curieuse se presse sur les trottoirs. Les voitures se succèdent et les municipaux à cheval veillent au bon ordre et à la circulation en profilant leurs imposantes silhouettes sur le fond très éclairé de la façade.
Cette scène essentiellement parisienne est rendue avec une fantaisie pittoresque par l'habile crayon de M. Chelmonski.

Le Petit Moniteur illustré, dimanche 16 février 1890.

jeudi 21 janvier 2016

Ceux dont on parle.

Albert Carré.

M. Albert Carré dirige l'Opéra depuis 1898. Il s'est acquis dans ses fonctions, où il a succédé à Carvahalo, une certaine célébrité due à des moyens tous différents, mais tous efficaces.
Le plus original a consisté à faire en sorte que l'Opéra-Comique ressemble le plus qu'il est possible à l'Opéra tout court. Mise en scène luxueuse, divertissements et ballets, artistes enlevés à prix d'or au grand Opéra, tout a été mis en oeuvre pour arriver à ce but. Je ne parle pas de la nature des pièces jouées, puisque c'est la chose du monde la plus indifférente aux directeurs de théâtre. Dépenser des milliers de francs pour un décor somptueux ou pour une cantatrice en vogue, c'est tout simple: ce sont les commanditaires qui paient la note. Mais pour examiner les pièces présentées par des auteurs peu connus, il faudrait travailler dans le silence du cabinet, alors qu'il est beaucoup plus agréable et moins fatigant de former son programme en causant avec les auteurs à la mode. Si par hasard, de ces causeries il sort une bonne pièce, c'est tout profit. Sinon, le mal n'est pas aussi grand qu'on croirait, car le public a les spectacles qu'il mérite et ne se lasse jamais de se pâmer au son des vocalises de Mme X... et des tyroliennes de M. Y..., même si on lui met en musique le dernier débat à la Chambre.




Pourtant, il serait injuste de dire qu'aucune des pièces montées par M. Carré n'a réussi: Louise a eu un succès indéniable. seulement M. Carré ne voulait pas jouer Louise, et n'a cédé qu'à la pression du Gouvernement qui estimait avec l'auteur, que cette pièce avait une haute portée sociale. Peuple, on te trompe jusque sur les scènes subventionnées. M. Gustave Charpentier a gagné un million en chantant Mimi Pinson. Voilà la portée sociale de Louise.
En faisant de l'établissement de la rue Favart une succursale de l'Académie Nationale de Musique, M. Carré avait un but caché qu'il n'a révélé à personne. On l'entend seulement quelquefois dire: "Oh! si j'avais une scène plus grande!" et le bruit court qu'il a posé sa candidature à la direction de l'Opéra.
Ce directeur insatiable est un plaideur enragé et la chronique judiciaire l'a rendu célèbre autant que la chronique théâtrale. Tantôt il poursuit devant la justice de paix un marchand de billets à qui il veut faire interdire son commerce, estimant que la marchandise qu'il offre ne doit pas être vendue "plus cher qu'au bureau", tantôt il réclame cent mille francs de dommages-intérêts à Willy qui s'est permis de dire que M. Carré ne tenait pas ses engagements et demandait de l'argent aux auteurs pour les jouer (c'est affreux d'insinuer des choses pareilles!), tantôt il sollicite la nomination d'un séquestre pour conserver le manuscrit d'une pièce qu'il ne veut pas jouer et que l'auteur ne veut pas reprendre.
Ainsi, le théâtre de l'Opéra-Comique est devenu sous l'habile gestion de M. Carré à la fois l'antichambre de l'Opéra et du Palais de Justice, et si le Ministre évince ce candidat à la direction de l'Opéra, il le pourra tout de même attacher à l'établissement en qualité de chef du contentieux.

                                                                                                                                    Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 6 janvier 1907.


mercredi 26 novembre 2014

Le nouveau théâtre de l'opéra à Paris.

Le nouveau théâtre de l'opéra à Paris.

On construit maintenant à Paris pour le grand opéra un théâtre qui sera une des merveilles de cette capitale qui possède déjà tant de grands monuments.
La gravure ci-jointe présente la façade du côté du boulevard.


La distribution intérieure de l'édifice est parfaite; l'architecte a su isoler les uns des autres, six services bien distincts: celui du public proprement dit, celui des abonnés, celui de l'Empereur, la salle, la scène et l'administration.
Les personnes qui prennent leurs billets aux guichets des bureaux, s'engagerons sous des portiques latéraux donnant accès au contrôle, à droite et à gauche du monument, à des escaliers qui conduisent aux diverses places qui leur sont réservées.
Le pavillon des abonnés est percé au rez-de-chaussée d'arcades qui permettent l'entrée et la sortie de plusieurs voitures à la fois. Il communique avec un salon d'attente de forme circulaire.
De ce salon, les abonnés passeront dans le vestibule où se trouvera l'escalier d'honneur, construction vraiment monumentale, décorée de belles arcades à plein cintre, coupées dans leur hauteur par les balcons des couloirs des différents étages. Grâce à cette ingénieuse disposition, les spectateurs des loges supérieures pourront assister à l'arrivée et à la sortie des spectateurs des premières loges. Entre le salon circulaire et le vestibule, une salle d'attente réservée aux valets de pied leur permettra d'observer la sortie de leurs maîtres, afin de faire avancer les voitures en temps utile.
Les foyers, en communication directe avec la salle, occuperont toute la largeur de la façade vers le boulevard. Ils seront au nombre de deux, superposés et flanqués tous deux d'une promenade en plein air. Des fumoirs seront établis dans les galeries latérales de l'édifice.
Le pavillon occidental, affecté à l'entrée de l'Empereur, sera précédé d'une double rampe, permettant aux voitures d'arriver sous un vestibule couvert, d'où un escalier conduit, à droite à la loge impériale, à gauche à un salon et à des appartements réservés. La salle reproduira la disposition de la salle actuelle, de la rue Lepeletier, aussi belle d'ordonnance que favorable aux lois de l'acoustique.
L'ornementation, la ventilation et l'éclairage du théâtre seront combinés avec soin. La salle actuelle, rue Lepeletier, renferme 1.950 places; la nouvelle en contiendra beaucoup plus. Le maximum des recettes, qui ne peut  dépasser aujourd'hui 9.800 fr. par soirée, pourra, dit-on, s'élever jusqu'à 16.000 fr.
La scène aura 15 mètres d'ouverture, c'est à dire 2 mètres de plus que celle de la rue Lepeletier. Le service en sera rendu facile par l'établissement, à droite et à gauche, de dépôts provisoires de décors. Les loges des artistes et des comparses seront vastes et bien disposées.
De grands magasins, des remises pour les pompes à incendie, des corps de garde, un musée d'armures, des galeries d'accessoires, des archives pour les partitions, une bibliothèque et des bureaux de copistes, formeront avec les logements de fonctionnaires et d'employés, la partie septentrionale des constructions, suffisamment distincte du reste de l'édifice, et dont la façade, sur la rue Neuve-des-Mathurins, se relie bien aux grandes lignes des façades latérales.
Nous signalerons enfin plusieurs innovations, telles que: une entrée particulière et un foyer spécial pour les musiciens de l'orchestre; un escalier particulier pour les princes et les ministres; un salon de glacier établi dans le pavillon de l'est, avec escalier de service, laboratoires, buffets, etc. Les constructions couvriront une superficie de 11.236 mètres carrés, le double de l'Opéra actuel avec ses dépendances; or 14.000 mètres ayant été affectés au nouvel édifice et à ses abords, 2.774 mètres resteront pour les squares et les plantations. Les travaux ont commencé le 1er août 1861; ils doivent être terminés en trois ans et coûter 16 millions de francs environ.

La semaine des enfants, 27 avril 1864.