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lundi 24 février 2014

Le Sub-Marino.


Le Sub-Marino.

Un officier de la marine espagnole, Péral, professeur à l'arsenal de Cadix, homme de grand talent, vient d'inventer un nouveau bateau sous-marin qu'il a appelé le Sub-Marino. Dans la première semaine de février, le torpilleur prêt à marcher a subi les dernières épreuves dans le port de Carraca (Andalousie).
Le Sub-Marino, tel qu'il est maintenant, ne porte que 8 hommes d'équipage; il reste à la surface ou plonge à volonté; son avant, muni de très fortes lentilles, projette des faisceaux électriques qui l'éclairent à de grandes distances en avant. Armé de torpilles puissantes et dont le maniement n'offre aucun danger pour l'équipage, le Sub-Marino pourrait lutter victorieusement contre toute une escadre!
C'est cette semaine que doit avoir lieu l'épreuve décisive, pour son voyage d'essai; le Sub-Marino doit aller de Cadix à Cartagena, toujours submergé, en passant, à la barbe des anglais, sous le détroit de Gibraltar. La distance de Cadix à Cartagena, est de près de 30.000 vares (la vare vaut 3 pieds) !!!
Le plus grand silence est gardé sur ces expériences et personne n'est admis à visiter les travaux. On a même refusé l'entrée des chantiers au gouverneur de Cadix. Les anglais ont envoyé deux vaisseaux pour surveiller... de loin les expériences. Des ingénieurs de toute nation se sont réunis, inutilement d'ailleurs, à Cadix.
Il paraît que sur ce petit type, on pourra construire d'autres bateaux sous-marins, capables de transporter des troupes de débarquement.
Enfin, ajoutons que le nom de Péral est dans toutes les bouches au-delà des Pyrénées, que l'enthousiasme des Espagnols est à son comble, ce qui n'est pas peu dire, et qu'ils caressent déjà l'idée de reprendre Gibraltar, ce petit point qu'ils marquent en noir sur leurs cartes.

La petite revue, premier semestre 1889.


vendredi 3 janvier 2014

Insularisation de la France.

Insularisation de la France.

Nos lecteurs n'ont pas oublié le conseil que M. Alphonse Allais donnait aux végétariens convaincus: non seulement ne pas goûter à la viande d'animaux, mais encore n'en pas utiliser le cuir et ne porter comme chaussures  que des bottes...de cresson. Aujourd'hui, il nous suggère un moyen très original de faire connaître à la France endettée une prospérité sans exemple: tout simplement en la transformant en île!

Un jeune Dijonnais de nos confrères, qui signe M. Aurice, mais dont j'égarai le nom véritable, l'adresse et les manuscrits, me suggère, dans une lettre infiniment trop flatteuse, la jolie idée que voici, me chargeant de la développer et de la faire accepter par la masse des esprits éclairés.
L'Angleterre, dit en substance M. Aurice, doit son incontestable prospérité à une foule de raisons, dont la principale est qu'elle est une île.
L'Angleterre est une île et entend demeurer telle, tant que se prolongeront les siècles et les siècles.
Ne lui parlez pas de la rattacher au continent par le plus étroit tunnel, par le plus arachnéen pont, vous perdiez votre temps et votre salive.
Ce parti pris d'insulariat quand même (passez-moi le mot) est tellement ancré au cœur des vieux Angliches que, jadis, lorsqu'il s'agit de relier l'Angleterre au continent au moyen de simples câbles télégraphiques, beaucoup de ces messieurs protestèrent avec la plus sombre énergie.
On obtint l'acquiescement de ces entêtés en leur persuadant que, s'il n'était pas solidement attaché à la terre ferme, leur pays bientôt prêt à flotter s'en irait à la dérive par les océans les plus variés.
Avouons-le, les Anglais ont raison.
Sans pénétrer en de fastidieux détails, constatons ceci: à moyens égaux, une île est infiniment plus prospère et plus tranquille que toute nation placée dans d'autres conditions.
Cela est fort bien, mais la France doit-elle donc se contenter de reconnaître cette supériorité, sans chercher à l'acquérir pour son compte, si la chose est possible?
Et la chose est possible, élémentairement possible.
Qu'est-ce que c'est qu'une île, s'il vous plait?
Une île est une terre environnée d'eau de toute part.
Environnons la France d'eau de toutes parts, et la France deviendra une île, ni plus ni moins que l'Angleterre.
C'est une question de canal à creuser, une simple question de canal.
De canaux, devrais-je plutôt dire, car il nous faudra créer deux canaux distincts:
1° Le canal Est, le plus important, celui qui, réunissant la mer du Nord à la Méditerranée, nous séparera de la Belgique, du Luxembourg, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie (je cite au hasard)
2° Le canal Sud, qui nous séparera de l'Espagne.
Voilà-t-il pas une entreprise grandiose et bien capable de faire battre les cœurs français et d'attirer les capitaux?
Simplification de la défense nationale: quelques braves torpilles dormant au gazouillis de l'onde du canal, et nous voilà tranquille en cas de conflit.
Au point de vue industriel, l'heureux résultat ne saurait être moindre, car, ainsi que l'a très bien fait observer M. Paul Leroy-Beaulieu: l'invention du canal est une des concurrences les plus réussies que l'homme ait faites à la nature.
Hésiter serait coupable, conclut M. Aurice.
C'est également mon avis, car la réalisation de ce projet, ferait perdre à Gibraltar beaucoup de son importance.
Or, l'idéal du vrai Français n'est-il pas de faire perdre à Gibraltar beaucoup de son importance et, si même on le peut, toute son importance.

                                                                                                          Alphonse Allais.

Mon Dimanche, Revue populaire illustrée, 26 avril 1903.