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mardi 10 septembre 2019

Ceux de qui on parle.

M. Bonvalot.


Dès qu'il eut passé son baccalauréat, Bonvalot* quitta le lycée de Troyes et partit, à seize ans, pour visiter l'Europe, mais non pas en explorateur: en historien. Il voulait comprendre comment les conquérants, de Charlemagne à Napoléon, avaient pu traîner tant de peuples à leur suite, connaître la cause de la prospérité des uns et de la décadence des autres. Mais Bonvalot n'était pas riche: son père lui donna cent francs, et il partit à pied, sac au dos. Ses repas, il les prenait sur la route, en buvant l'eau des rivières.
Il resta près d'un an à Heidelberg, où il suivait les cours de l'Université. Quand il rentra en France, il connaissait la langue allemande. Le voilà correcteur à la librairie Quantin, mais, dès qu'il a quelques économies, il repart. Il avait vu la Suisse et l'Allemagne: il parcourt cette fois l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre et, un peu plus tard la Russie. C'est un homme de ressource et quand il n'en a plus, il sait s'en procurer où il se trouve; selon les circonstances, il enseigna le français en Russie, les arts d'agréments en Angleterre, la géométrie en Prusse.
A vingt-sept ans, M. Bonvalot jugea qu'il pouvait étendre son champ d'études et fit son premier voyage en Asie, non plus seul, mais attaché à une mission qu'on envoyait au Turkestan. Le chef de la mission tomba malade et ce fut Bonvalot qui, grâce à son expérience et à son caractère énergique, assuma la direction de la troupe. Il eut bientôt l'occasion de montrer qu'il ne reculait pas devant une décision hardie. Les bêtes de somme de la mission étaient mortes en traversant le désert: Bonvalot ordonna aux hommes de s'emparer de celles de la première caravane venue: il y allait de la vie de tous. Au bout de quinze jours seulement, une caravane vint à passer: mais Bonvalot et ses amis n'eurent pas à la piller: ils reconnurent un marchand afghan avec qui ils avaient entretenu d'excellentes relations et qui leur prêta ses bons offices.




Bonvalot retourna plusieurs fois en Asie; après le Tukestan, il visita la Perse et le Pamir. il conduisit le prince Henri d'Orléans de la Sibérie au Tonkin, en traversant, au prix d'efforts inouïs, les plateaux glacés du Thibet. Il a rapporté de ses voyages une foule d'observations profondes, quelques objets curieux et des rhumatismes.
En 1890, il cessa pour quelque temps ses explorations et se consacra à la fondation du comité Dupleix, qui a pour but de répandre en France le goût de la colonisation. Il repartit en 1897 en Ethiopie afin de remplir une mission du gouvernement à Entotto. Personne mieux que M. Bonvalot n'est désigné pour servir de truchement entre deux peuples: il s'est familiarisé avec toutes les civilisations, sans en avoir adopté aucune. Il n'est pas plus à l'aise dans un salon parisien que dans la case d'un sujet de Ménélick ou sous le toit pointu d'un Annamite. Partout, il reste lui-même, c'est à dire un être d'une simplicité rare, presque primitive, d'une intelligence remarquable et d'une musculature puissante, sorte de Gaulois oublié par les siècles.

                                                                                                                                Jean-louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 mars 1906.

* Nota de Célestin Mira:


Gabriel Bonvalot,
par Nadar.


Bonvalot en Chine.



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