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vendredi 9 décembre 2016

Le branlebas de combat.

Le branlebas de combat.

Rien n'est plus saisissant et plus solennel qu'un vaisseau le jour d'une action.
Aussitôt que l'ordre: Se préparer au combat! est donné, les tambours, les fifres et les clairons se rassemblent sur le pont et font plusieurs fois le tour des gaillards en battant la générale. Immédiatement tous les hommes du vaisseau courent au poste qu'ils doivent occuper, et avec lequel ils sont familiarisés depuis longtemps. A voir, dans le premier moment, toute cette foule animée qui se croise, monte, descend, court de l'avant, de l'arrière, on dirait que le désordre et la confusion ont envahi le vaisseau; mais au bout de quelques minutes tout se régularise, l'ordre et le silence le plus imposant s'établissent comme par enchantement, et tout est prêt pour l'action.
Que s'est-il passé pendant ces courts instants et que se passe-t-il encore?
Les gabiers mettent en place, dans le gréement, des manœuvres auxiliaires destinées à tenir lieu des manœuvres les plus essentielles qui pourront être coupées pendant l'engagement; ils montent dans les hunes les mousquetons et les grenades dont ils feront usage si l'action vient à s'engager de trop près; ils disposent des grappins au bout des vergues pour accrocher l'ennemi si l'abordage est ordonné; ils disposent dans la hune des bailles et des sceaux remplis d'eau pour prévenir tout accident d'incendie, et l'éteindre s'il se manifestait dans les voiles ou dans la mâture.
Sur le pont, les hommes attachés au service de la mousqueterie, après s'être armés et équipés, se sont rangés sur la dunette, au centre et à l'avant du vaisseau, prêts à faire usage de leurs armes lorsque la distance sera convenable; le grand pavillon de poupe a été arboré comme dans un jour de fête, les timoniers se tiennent prêts à faire le service des signaux.
Toutes les batteries sont armés de leurs canonniers, approvisionnées en poudre et en projectiles, et prêtes à faire feu au premier ordre. Leurs murailles sont tapissées de filets en cordes, ayant pour but d'arrêter le plus possible les éclats de bois et les débris projetés à l'intérieur des navires par les boulets ennemis, si redoutables par la gravité de leurs blessures. Des filets du même genre ont été tendus au dessus des gaillards et de la dunette, pour préserver les hommes des fragments divers de bois, de feu ou de cordage qui pleuvront de la mâture, si le combat devient acharné.
On a éclairé les soutes à poudre au moyen de fanaux placés en dehors, établis à l'avance dans ce but, de manière à évier tout accident; on a dévissé les couvercles des caisses contenant les gargousses, et établi des chaînes d'hommes qui sont destinés à les passer et à les répartir dans les différentes batteries du vaisseau. L'approvisionnement des obus et des boulets est établi de manière analogue.
Les charpentiers et les calfats veillent à l'intérieur et au dehors, et se tiennent prêts à boucher les trous de boulets et à remédier autant que possible aux avaries de la coque. Toutes les pompes, soit d'incendie, soit d'épuisement, sont armées et prêtes à agir au besoin.
Les vaisseaux à vapeur, même lorsqu'ils combattent à l'ancre, ont toujours leur machine prête à fonctionner avec toute la puissance qu'elle peut développer.
Sur la plate-forme de la cale, au-dessous du niveau où peuvent pénétrer les projectiles ennemis, et hors de leurs atteintes, les chirurgiens du vaisseau et leurs infirmiers, afin de porter secours aux blessés, ont établi, dans le poste qui leur est assigné, des matelas et tous les appareils nécessaires aux pansements, ainsi que leurs instruments de chirurgie pour les opérations urgentes. Dans le même lieu, se tient l'aumônier du vaisseau, prêt à exercer son pieux ministère.
L'amiral et son état-major, le commandant du vaisseau et l'officier de manœuvre donnent leurs ordres et surveillent de la dunette les différentes phases du combat; le commandant en second se tient  sur le gaillard d'avant; les plus anciens officiers commandent les batteries, les autres officiers et les élèves sont appelés à les seconder ou à surveiller la manœuvre, le commissaire est préposé à la surveillance générale du passage des poudres. Tel est l'ensemble des dispositions qui constituent le branlebas de combat.

L'Illustration, journal universel, 30 décembre 1854.

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