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lundi 6 juillet 2015

La vigne dans le Médoc.

La vigne dans le Médoc.

Le rendement des vignes en 1878 ne s'éloignera pas beaucoup des 50 millions d'hectolitres, chiffre des années moyennes.
En 1877, le rendement a été, d'après la statistique officielle, de 55.915.757 hectolitres. 1876 n'avait donné que 41.846.748 hectolitres; 1875 était allé jusqu'à 90 millions, chiffre merveilleux, presque inconnu dans les annales de notre viticulture.
Le département de la Gironde, justement célèbre par ses crus d'élite, consacre encore à la culture de la vigne environ 150.000 hectares, c'est à dire plus du septième de sa superficie totale, produisant, en moyenne, 400.000 tonneaux bordelais, soit 3.600.000 hectolitres, le tonneau se composant, en Gironde, de 4 barriques de 225 litres chacune.
Tous ces vins représentent de nombreuses variétés qui tiennent à la nature du sol, à sa constitution chimique, à son exposition, au choix des cépages et à leur mode de culture, aux différents procédés employés par la vinification;
Dans son excellente étude sur les vins de Bordeaux (1), M. Ch. de Lorbac partage la Gironde en régions viticoles distinctes: le Médoc, les Graves, les côtes ou coteaux, le Blayais et le Saint-Emilionnais, les Palus, l'Entre-deux-Mers et la contrée des grands vins blancs.
On comprend, sous le nom de Médoc, le triangle qui a pour base une ligne passant par Blanquefort et La Canan, pour sommet la pointe de Grave, et pour côtés, à l'ouest, l'Océan, et à l'est la Garonne et la Gironde.
Le Médoc consacre environ 25.000 hectares à la culture de la vigne. A 8 barriques par hectares, année moyenne, la récolte représente 50.000 tonneaux bordelais.
M. Jules Guyot a dit avec raison: "La viticulture du Haut-Médoc est la plus belle et la plus intelligente." Car, la meilleure culture est celle qui est basée sur le climat, la nature du sol et le choix des cépages.
Dans cette région privilégiée de la Gironde, on a substitué partout le labour des vignes à la culture à bras. Ce sont de grands bœufs garonnais ou bazadais qui sont employés à ces travaux, et rien n'est aussi bizarre et saisissant que de voir, au milieu des vignes basses et fragiles dont ils rasent le pied en respectant les bourgeons et les jeunes tiges, s'avancer majestueusement ces animaux gigantesques! "Le labour est le triomphe des vignerons bordelais," a dit un savant viticulteur; c'est aussi l'opinion de tous les homme spéciaux; dans les vignobles bien tenus, l'usage est de donner quatre labours et deux demi-façons à bras. 



Dans le dessin que M. Lallemand a fait d'une scène de labour en Médoc, c'est une charrue vigneronne qui fonctionne devant nous, dans la commune de Macou...
Mais voici la saison bénie, l'heure impatiemment attendue où tant de labeurs et de soucis vont recevoir leur récompense.

Dans une vieille écorce grise,
Jean Raisin, a passé l'hiver;
Il est en fleur, le voilà vert;
Jean Raisin ne craint plus la bise.
Il est joufflu, blanc et vermeil.
Le voilà vin! Toute sa force, 
Ruisselant de sa fine écorce,
S'échappe en rayons de soleil!

La Gironde n'étant soumise à aucun ban, l'époque des vendanges varie du 15 septembre au 1er octobre. Les grands crus du Médoc donnent le signal, puis viennent les autres crus rouges et, en dernier lieu, les grands vignobles de raisins blancs.
Le travail des vendanges commence de grand matin, et son organisation tient un peu de la discipline militaire. On place un certain nombre de coupeurs et de coupeuses sous les ordres d'un brigadier chargé de diriger la cueillette et de veiller à ce qu'il ne soit coupé que les grappes saines et arrivées à parfaite maturité. 



Au fur et à mesure que les paniers sont pleins, un vide-paniers fait tomber les raisins dans une baste, ou petit baquet de bois, pouvant contenir 4 paniers. On donne le nom de faiseurs de bastes à un homme dont les fonctions consistent à aider au dégarnissage des paniers et à préparer les bastes, tout en opérant un second triage des raisins. Les bastes remplies, deux porte-bastes les portent sur leur tête jusqu'à la charrette chargées de deux récipients, ou douils, de la contenance de 24 bastes. Les douils sont couverts avec des espèces de parapluies en grosse toile cirée, s'il pleut au moment des vendanges, afin que rien ne vienne altérer la pureté du vin.




Un commandant dirige la manœuvre; enfin, la charge faite, la charrette se met lentement en route pour le pressoir, traînée par deux grands bœufs et conduite par un jeune bouvier armé d'un long aiguillon...
Faut-il fouler le raisin, ou bien est-il préférable de faire le vin en grains non écrasés?... Chacun résout  la question à sa manière, et tout naturellement chacun croit avoir raison.
- Le vin fait avec des raisins non écrasés est plus fin, plus délicat! disent les uns.
- Nos pères foulaient et s'en trouvaient bien, répondent les autres; pourquoi ne pas faire comme eux?...
Et vite, au son du violon qui les égaie et les excite, hommes et enfants, pieds nus et barbouillés de lie, dansent sur le raisin et se trémoussent en cadence!




Ainsi foulée, la vendange est mise dans des comportes et montée dans les cuves, au moyen de grandes échelles, par deux hommes qui recommencent l'opération jusqu'à ce que chaque vaisseau vinaire soit presque plein, en ayant soin de laisser un vide de quelques centimètres, nécessaire à la fermentation.

                                                                                                       V.-F. M.

(1) Les Richesses gastronomiques de la France; in-4°, par Ch. de Lorbac, illustré par Ch. Lallemand.

La Mosaïque, Revue pittoresque illustrée de tous les temps et de tous les pays, 1878.

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