mardi 13 février 2018

Lou Gascou.

Lou Gascou.


Ce n'est pas pour rien qu'il tient du Basque par le nom: le Gascon tient du Basque aussi par la race, par le tempérament et par le caractère. Tout le pays, jusqu'à la Garonne et même au-delà, a été mêlé des vieux Ibères (Basques) et des Celtes; puis des sarrasins, dont il s'est perpétué plus d'un trait. Taille moyenne, brun de teint, yeux et cheveux noirs, physionomie ouverte et mobile, passionnée, démarche hardie: tel est l'homme au physique, et le moral y correspond. Il est naturellement gai, ami du plaisir, des fêtes, des festins et des danses; il s'énivre, même sans boire, de mouvement et de bruit.
Le seul nom de Gascon est devenu, dirait-on, synonyme de fanfaron et de craqueur. Mais la hâblerie gasconne n'est point l'emphase espagnole; c'est une exubérance de langage qui tient pour quelque chose aux expressions imagées et aux tournures poétiques de la langue méridionale, un cliquetis de mots, une inoffensive figure de rhétorique qui ne prétend point être prise à la lettre, et n'entend tromper personne, que chacun doit savoir rabattre d'autant, sans s'étonner davantage. Il y a de la bonne humeur, dans la gasconnade, une gaie raillerie de soi-même et d'autrui; c'est la vive et spirituelle hyperbole dont le rire bon enfant s'épanouit dans cette jolie chanson de la Garonne, qui n'est elle-même qu'une piquante gasconnade:

Si la Garonne avait voulu,
Lanturlu!
Elle aurait arrosé le monde!...

Or si les riverains de cette brave Garonne qui a bien voulu laisser une part aux autres fleuves... sont, en paroles, quelque peu matamores, ils sont vaillants en réalité, personne ne le niera, même volontiers aventureux. On pourrait plutôt, ce me semble, leur reprocher quelque légèreté de caractère, de faciles oublis... En somme le type est assez bien représenté par "l'originale figure" de ce leste Béarnais qui vainquit à Arques: le roi Henri IV, brave comme chacun sait, spirituel, hâbleur et bon diable, Gascon s'il en fut, et qui sut assez bien faire son chemin dans le monde.
Le patois gascon est un dialecte de la langue d'oc, varié selon les lieux, coloré, sonore, avec quelques articulations un peu rudes.
Quoique le pays ait toutes les caresses du soleil, avec la vigne, le mûrier, le blond maïs, le paysan gascon n'est généralement pas riche, excepté dans le Bordelais, qui est un pays à part; illettré, intéressé, économe à l'excès, dur pour lui-même, pour les siens et pour ses bêtes, il a certains traits de mœurs rudes, des goûts sauvages pour les combats d'animaux et les luttes. L'habitant du Bordelais est plutôt homme d'affaires: resté longtemps Anglais, et depuis en relation avec l'Angleterre, à qui il envoie ses vins, Bordeaux a pris une physionomie sérieuse. Toute cette bande de terre le long des rives de la Gironde vit de la vigne, et vit bien; les gens sont aisés, laborieux, économes; cela se sent dans la physionomie des terriens, et jusque dans le costume actuel des paysans, surtout dans celui des paysannes, qui est sans originalité, un peu sévère, avec leur coiffure serrée sur les bandeaux plats, mais étoffé et cossu.




Les Peuples de la terre, Ch. Delon, 1890, librairie Hachette.

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