dimanche 5 novembre 2017

Ceux de qui on parle.

Max Dearly.


Le public des cafés-concerts et des music-halls doit aimer particulièrement les "numéros" anglais, puisque sur trois attractions, il y en a presque toujours deux qui viennent d'outre-Manche ou qui, tout au moins, se présentent sous un nom anglais. Tel fut le cas de M. Max Dearly, dont cette particularité facilita sans doute les premiers succès.
Aujourd'hui qu'il est classé au rang de nos célébrités, M. Max Dearly ne fait aucune difficulté pour reconnaître qu'il est Français, mieux encore, Parisien, étant né dans la capitale en 1874.
Il tâta très jeune du théâtre: il n'avait guère que quinze ans quand il fut reçu auditeur au Vaudeville. Mais il n'y reste pas longtemps et se met à courir la province. Le Havre, Rouen, Nancy, Bordeaux sont les villes où il fait l'apprentissage de son métier.
A dix-sept ans, il a déjà de l'expérience. Il crée à Lyon le Royaume des femmes. Il est ensuite engagé à Marseille, où il reste quatre ans. De là il vient à Paris, où son apparition au Concert-Parisien décide de sa gloire et de sa fortune.
Quel est à cette époque le genre de M. Max Dearly? Il serait difficile de le dire. Sans abandonner la chanson*, par quoi il a commencé, il s'est taillé des succès dans la pantomime et même dans la danse, et il a joué la comédie avec un égal bonheur. Les parisiens surpris l'applaudissent successivement au Concert-Parisien, où il ne reste qu'un an, puis à Ba-Ta-Clan et à la Scala.
Encore Max Dearly laisse-t-il volontairement dans l'ombre les talents qu'il a pour dresser des chiens, pour jongler, pour faire le saut périlleux et marcher sur les mains. 




Ce sont des cordes de réserve qu'il a mise à son arc et dont il ne sera probablement jamais obligé de se servir.
La revue Enfin seuls, à la Scala fut pour M. Max Dearly un grand succès, et mit en lumière ses qualités de comédien. Le directeur des Variétés jugea que ce serait pour son théâtre une excellente recrue, et plusieurs créations y furent faites par M. Max Dearly, notamment dans Le Beau jeune Homme.
A leur tour, les frères Isola jettent leur dévolu sur cet artiste et, sans attendre qu'il soit libre, ils l'enlèvent: il en coûta à M. Max Dearly soixante mille francs de dédit qu'il fut condamné à payer à M. Samuel, mais l'Olympia put jouer plus de cent cinquante fois Country girl (encore une attraction anglaise) avec le succès qu'on se rappelle.
Après de courts passages au Théâtre des Capucines, où il fit dans Chonchette une création remarquable, au Châtelet (le pickpocket Tom Pill), au Vaudeville, M. Max Dearly est rentré aux Variétés. Entre gens de théâtre, les conflits s'apaisent aussi vite qu'ils prennent naissance. Directeurs et acteurs savent qu'on n'emplit pas les coffres-forts avec des susceptibilités. M. Samuel n'avait qu'à rendre à M. Max Dearly ses soixante mille francs pour le reconquérir. Il lui a rendu beaucoup plus, car cet artiste est devenu une de nos plus grosses étoiles.
Ce n'est pas que son jeu soit bien savant. Le succès de M. Max Dearly vient de ce qu'il fait les parodies, les "charges" dans la perfection. C'est un don naturel qu'aucun professeur, fût-il du Conservatoire, ne lui aurait donné. Grâce à ce tempérament spécial, M. Max Dearly gagne davantage, à jouer la caricature de nos grands hommes, que la plupart d'entre-eux à jouer leur rôle au naturel. Constatation amère, dirait un moraliste.

                                                                                                                       Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 novembre 1908.


* Nota de Célestin Mira:


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