dimanche 18 décembre 2016

L'attentat d'Aniche.

L'attentat d'Aniche.
      mort de l'assassin.



L'homme qui, après avoir voulu tuer M. Vuillemin*, a tenté de renouveler les exploits anarchistes, est mort effroyablement victime de son crime.
Cette fin atroce est pareille à celle de Pauwells, qui périt aussi frappé par la bombe qu'il voulait jeter dans l'église de la Madeleine; vous savez que semblable trépas fut infligé au révolutionnaire anglais, à qui son chien trop bien dressé rapporta l'engin dont il avait essayé de se débarrasser.
Si ces exemples pouvaient décourager les ennemis de la société, bien qu'il soit impie de se réjouir de la mort d'autrui, je crois qu'il ne resterait aucune pitié pour Clément Decout, cet homme de vingt-six ans dont l'attentat a si terriblement troublé la fête offerte à M. Vuillemin à l'occasion de son cinquantenaire.
Le malheureux vieillard, il a soixante-quatorze ans, a reçu cinq balles de revolver. C'est miracle que sa vie ait été sauvée; il est extraordinaire même qu'il soit maintenant presque en bonne santé.
Directeur des mines d'Aniche, officier de la Légion d'honneur, on ne peut dire qu'il n'avait pas les sympathies de son personnel, puisque 23 seulement sur 4.000 mineurs avaient refusé de souscrire pour le cadeau qui lui a été offert.
A quel mobile a obéi Clément Decout? Il sera très difficile de le savoir, puisqu'il est mort.
A-t-il exercé une vengeance personnelle?
On l'a pensé, puisqu'il avait été renvoyé par M. Vuillemin, il y a deux ans. On ne peut s'empêcher de remarquer qu'il aurait pris le temps de la réflexion. D'autre part, on avait affiché, et il ne pouvait l'ignorer, qu'à l'occasion des fêtes tous les ouvriers renvoyés étaient autorisés à rentrer.
Était-ce donc un anarchiste? Très modéré, dans tous les cas, on le le signalait point parmi ceux dont il fallait redouter la violence. 
Il aurait, par conséquent, exécuté la sentence d'un comité quelconque; le sort l'aurait désigné pour accomplir tout seul le crime décidé par le groupe.
Ce qui est certain, c'est que Decout n'avait point été élevé dans les doctrines qui lui ont coûté la vie. Quand son père arriva sur le théâtre du crime, il s'emporta furieusement sur le cadavre gisant à ses pieds.
L'assassin avait d'abord tiré cinq balles de son revolver sur M. Vuillemin, après quoi il tenta de lancer une bombe cachée dans sa ceinture, ou peut-être la laissa-t-il involontairement tomber. Voilà ce qu'il a été impossible d'établir. Quoi qu'il en soit, la bombe éclata et le projeta, paraît-il à deux mètres du sol. Il retomba littéralement éventré: quelques minutes après, il expirait sans avoir prononcé une parole.





On a remarqué qu'un homme resté inconnu s'était emparé du revolver et l'avait emporté; il n'a pu être retrouvé.
Je ne sais ce que l'enquête apprendra, mais il est profondément triste de voir un homme d'aussi haute moralité, aussi universellement estimé que M. Vuillemin en butte à un attentat semblable; il n'est pas moins lugubre que des criminels, par des moyens cruels, retardent ainsi, au lieu de la faire avancer, la solution de la question sociale.

Le Petit journal, dimanche 18 août 1895.


* Nota de célestin Mira: Emile Vuillemin était directeur de la Compagnie des mines d'Aniche. On lui doit une carte des ressources du bassin minier du Pas-de-Calais.

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