vendredi 30 décembre 2016

La maison de Christophe Colomb à Calvi.

La maison de Christophe Colomb à Calvi.


Colomb est né à Calvi, en Corse; cela n'est pas douteux et le fait a été démontré depuis 1880 par M. l'abbé Martin Casanova dans le livre qu'il a consacré au grand navigateur. On peut donc être surpris de voir ces jours-ci quelques Français retardataires s'émerveiller, comme d'une nouveauté, d'entendre parler d'une chose connue de tous. 



Si le document décisif, si l'acte de baptême de Christophe Colomb manque aux archives de Calvi, cela ne signifie pas qu'il ne s'y soit pas trouvé à une époque ancienne. Mais les Génois si longtemps dominateurs de l'île, n'avaient-ils pas intérêt à brûler ou même simplement à enlever cette pièce, eux qui faisaient de l'amiral des mers leur concitoyen? En outre, pendant l'occupation de la Corse par les Anglais, ceux-ci n'ont-ils pas également détruit ce qui restait de ces malheureux registres?
L'objection tirée de la non-existence actuelle de cette pièce n'a donc pas grande signification par elle-même. Elle a encore moins d'importance, si l'on tient compte des déclarations sous serment, faites par plusieurs habitants de Calvi; il en résulte que des papiers, attestant la naissance de Christophe Colomb dans cette ville, se trouvaient encore en 1841 entre les mains d'un Calvais, M. Giubega. Qu'en a-t-il fait? Les a-t-il perdus? C'est probable, car il ne les a pas publiés, comme il en avait le projet. Il en résulte de même que ces papiers ou d'autres, analogues,  ont été vus et lus par plusieurs personnes dans la première moitié du XIXe siècle, notamment MM. Flach, Octave Colonna Ceccaldi, Rocca Castellani, Pierre Capifali, Jean Sanguinetti, descendants de vieilles familles calvaises et dépositaires fidèles des traditions locales.




Parmi ces déclarations, deux, que l'on retrouvera plus loin, sont curieuses aussi à un point de vue un peu différent, c'est à dire en ce qui concerne la maison natale de l'illustre marin. Cette maison subsiste, ou du moins ses ruines, dans la rue Colombo, autrefois le caruggio del Filo, ou rue des Tisserands. On sait que le père de Christophe Colomb était tisserand. L'abbé Martin Casanova donne, au sujet de cet édifice, des renseignements très complets... 
"Sur le haut de la citadelle de Calvi, dans la rue Colombo, maintenant occupée par le génie militaire, il y a plusieurs maisons qui ne sont plus qu'un monceau de ruines. Vers le milieu de cette rue, au-dessus de la maison du génie militaire, on voit le premier étage d'une belle maison qui devait en avoir eu quatre comme les autres qui la serraient du nord au sud et qui sont encore debout. Elle avait deux entrées. La première, élégante et large, s'ouvre sur un escalier travaillé avec soin; mais la pierre qui la surmontait n'y est plus; nous la trouvons sur une autre porte, qui est à l'autre extrémité de la maison. On constate qu'elle n'est pas à sa place, car cette porte n'a qu'une largeur d'un mètre tandis que le linteau en question, a une longueur de près de deux mètres et une hauteur de près de trente centimètres... Cette pierre était recouverte de chaux et la porte murée.




C'est au mois d'octobre 1882, grâce à l'initiative de MM. le docteur Bartoli, Gaëtan Flach, Octave Franceschini et l'abbé Peretti, curé de Sainte-Marie de Calvi, que l'on a eu l'heureuse inspiration de polir le linteau et que l'on y a trouvé les sculptures suivantes. Au milieu, il y a un beau cadre dans lequel est sculptée la boussole de Flavio Gioia... A droite, une tour, une sphère et l'étoile polaire; à gauche, une autre tour, surmontée d'une colombe, une croix ornementée et une seconde sphère..."
Cette décoration, insolite en cet endroit, si elle ne se rapporte pas à Christophe Colomb, était une preuve de plus. Aussi qu'arriva-t-il? Ecoutez bien.
"Dès que l'on eut appris que la pierre avait parlé et que son témoignage était irrécusable, les ennemis de nos gloires nationales voulurent détruire ce grand témoin. Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1884, des mains criminelles ont brisé avec le marteau, les reliefs des armoiries de Christophe Colomb."
Quels furent les auteurs de cet attentat? Vers le 12 juillet, on avait vu arriver trois Italiens dont les allures intriguèrent beaucoup les Calvais. Mais les honnêtes insulaires ne pouvant soupçonner le forfait qui se préparait, négligèrent de surveiller ces individus qui, profitant de cet oubli et de l'obscurité, essayèrent de supprimer un document gênant. dérangés au milieu de leur scélérate entreprise, ils durent s'enfuir et s'embarquèrent, en un point désert de la côte, sur un petit bateau que l'on avait remarqué louvoyant depuis trois ou quatre jours à quelque distance de Calvi.
Les restes de ces armoiries ont été déposés dans une des salles de la mairie.
En 1746, cette maison était encore habitée par la famille Colomb. Sa ruine doit dater du siège de Calvi par les Anglais, époque à laquelle l'explosion d'un magasin de poudre situé à côté la jeta par terre. Deux Calvais, MM. Jean Sanguinetti, mort à 96 ans, et Joseph Mastagli, mort plus qu'octogénaire, qui avaient assisté au siège, se rappelaient fort bien cet accident. Ils ajoutaient ce détail d'une très grande valeur.
Les Corses d'autrefois, qui savaient d'un manière indiscutable l'origine exacte de l'amiral, avaient élevé à sa mémoire, en face de sa maison natale, un monument significatif. Il se composait d'une architrave soutenue par deux piliers, et portant, en son milieu, une ancre sculptée. A droite, sur un pilier, un animal exotique; à gauche, sur l'autre, un cocotier. ce monument tomba en même temps que la maison, mais heureusement, son souvenir n'a pas été perdu, et il aide à relier à travers les siècles, les phases d'une merveilleuse épopée.
Au mois de juin 1886, c'est-à-dire stimulés par la publication de M. l'abbé Martin Casanova, les concitoyens de Christophe Colomb, organisèrent de très belles fêtes en son honneur. En particulier, une cérémonie touchante fut celle de l'apposition, sur la maison natale, d'une plaque commémorative, avec cette inscription:

ICI EST NE EN 1441

CHRISTOPHE COLOMB

IMMORTALISE PAR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU MONDE
ALORS QUE CALVI
ÉTAIT SOUS LA DOMINATION GÉNOISE
MORT A VALLADOLID, LE 20 MAI 1506.

Inclinons nos fronts devant ces vestiges augustes et répétons en les contemplant, ce que disait M. Casanova:"C'est donc dans cette maison ruinée, ouverte au soleil et à la brise des golfes, qu'a vu le jour le Héros des mers; c'est de là que son regard planait sur les flots et qu'il demandait, encore enfant, aux ondes et aux vents impétueux de l'emporter vers ces plages éloignées d'où ils venaient jusqu'à lui (1)...

                                                                                                   Maurice Letellier.

(1) Il est assez surprenant de constater, sur deux rivages, éloignés l'un de l'autre, celui de la Corse et celui de la Charente-Inférieure, une certaine ressemblance entre les maisons natales de Christophe Colomb et de Samuel de Champlain. Toutes deux sont d'ailleurs, réduites au premier étage et ruinées. Malheur ici, incurie là, ont produit les mêmes effets.

Le Magasin pittoresque, 15 juillet 1913.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire