mercredi 8 avril 2015

Légendes liégeoises.

Légendes liégeoises
sur la découverte de la houille.


Des mines de charbon étaient déjà exploitées en Angleterre dès le neuvième siècle; en Belgique, les traditions fixent la découverte de ce combustible à l'année 1198 ou à l'année 1213; en France, les documents connus ne remontent pas au delà du quatorzième siècle, quoique l'on s'y servit depuis longtemps de houille extraite d'Angleterre. On voit qu'il est, quant à présent, impossible de déterminer d'une manière précise l'époque à laquelle ce précieux minerai a été découvert et exploité.
Des nombreuses légendes belges sur ce sujet, nous ne rapporterons que les deux principales, celles qui placent à Liège le théâtre de ce grand événement.
La première, peu répandue, le raconte en ces termes:
"La cabane la plus rapprochée du trou des Sotays (ou Nutons, génies habitant des cavernes), à Saint-Walburge, était habitée par une pauvre veuve avec sept enfants en bas-âge. Pour éviter de périr de froid, elle avait brûlé dans son foyer jusqu'à la paille de leur commune couche. Une nuit que la pauvre mère croyait être la dernière de toutes pour elle et sa famille, tenant les plus jeunes de ses enfants groupés sous son corps, comme une poule ses poussins, elle entendit frapper doucement à sa porte. Vivement alarmée, elle crut que c'était un loup qui venait pour les dévorer, quand, rassurée par les sons d'une voix bien connue (c'était celle des Sotays) , elle alla tirer le verrou et ouvrit... Elle ne vit personne, mais elle resta frappée d'un merveilleux saisissement en apercevant près du seuil de sa porte un feu fait avec des pierres noires et donnant une chaleur supérieure à celle du brasier le plus ardent.
N'osant d'abord s'en approcher, dans la crainte que ce fut l'oeuvre d'un malin esprit, elle se hasarda cependant, après une hésitation prolongée, à enlever ce combustible et le porta dans son âtre, d'où bientôt se répandit une chaleur qui réchauffa ses membres et ceux de ses enfants engourdis par le froid. Ce bienfait ne devait pas se borner là. Lorsque le jour fut venu, elle vit avec surprise un sentier nouvellement tracé et tout couvert de poussière noire, qui de sa porte conduisait à une élévation de terrain peu distante de sa demeure. Elle le suivit, et quelle joie n'éprouva-telle pas lorsqu'elle vit une légère excavation récemment faite dans un bloc de quatre pieds d'épaisseur, de même nature que le charbon de terre qui lui avait été miraculeusement apporté la nuit précédente! Elle et ses enfants se mirent soudain à extraire le précieux minerai, elle alla le vendre dans la ville, et ne divulgua le secret de ce trésor que lorsqu'elle en eut retiré une somme qui la rendit riche à jamais."
La légende suivante est plus populaire:
"Vers l'an 1198, un pauvre forgeron du village de Plainevaux (à dix kilomètres de Liège), nommé Houllos, se trouva bien empêché: il n'avait plus de bois pour chauffer sa forge, plus d'argent pour acheter du bois, plus de pain, plus de ressources. Tandis qu'il se lamentait, un mystérieux personnage survint, l'interroge, lui parle avec un air de bonté:
"- Maître, dit l'inconnu, prenez un hoyau, une grande hotte; allez à Publémont (la montagne du Peuple, aujourd'hui le mont Saint-Martin, dans l'enceinte de Liège) ; creusez la terre à trois pieds de profondeur; vous verrez qu'ainsi découverte, elle paraîtra noire et pierreuse. Détachez quelques blocs de cette terre, revenez ensuite ici, cassez-en un en cinq ou six morceaux que vous placerez à votre foyer, et tâchez d'allumer cela.
" A ces mots, l'inconnu disparaît.
" Le forgeron resta d'abord quelque temps ébahi. -Faut-il aller ou non? se demandait-il. Le conseil avait bien l'air d'une moquerie... Bref, il se décida, fit la route, trouva ces pierres, en tira un beau feu rouge et ardent. De son nom, ce combustible s'est appelé la houille. Depuis lors, Liège est riche."
Telle est la légende; on croit pouvoir l'expliquer de la manière suivante:
Les premiers narrateurs qui l'écrivirent après l'événement assurèrent dans leur latin que l'inconnu était un Anglus (Anglais). Comme la houille était exploitée depuis longtemps en Angleterre, il se peut que le bienfaiteur du forgeron ait été un Anglais en voyage. Mais l'histoire, de telle sorte,  n'était pas assez belle. Dans les récits postérieurs, l'Anglais est devenu un ange, Anglus s'est transformé en Angelus. Le P. Bouille, carme chaussé, historien liégeois, bachelier de la Sorbonne, mort à Liége en 1743, partage cet avis.

Magasin pittoresque, octobre 1877.

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