dimanche 8 mars 2015

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

Tous nos lecteurs ne savent pas peut-être quel est le vin le plus précieux du monde ni que ce vin coûte onze millions la bouteille... C'est cher, mais c'est bon.
Ce vin est celui de Rosenwein, ou simplement vin de la rose. Il est enfermé dans la cave de l'hôtel de ville de Brème, en Allemagne, et tire son nom d'une rose sculptée au fronton de cette cave.
Le précieux liquide est là depuis deux cents ans, où il fut apporté dans l'édifice, qui était alors une abbaye. Les caves adjacentes, qui portaient alors et qui ont conservé les noms des douze apôtres, contenaient aussi des vins merveilleux; et, à mesure qu'on a tiré quelques bouteilles du vin de la rose, on les a remplacés par ceux-ci, qui étaient du plus grand prix; de sorte que le vin actuel de la rose a absorbé ces caves entières; ce qui le fait monter aujourd'hui, en y joignant grand nombre d'autres frais, au prix fabuleux que nous avons indiqué.
Un bourgeois de Brème a le droit d'en obtenir une bouteille lorsqu'il reçoit chez lui un homme célèbre en Europe. La ville en envoyait une bouteille à Goethe le jour de sa fête.
La réunion des empereurs de France et de Russie, qui vient d'avoir lieu en Allemagne, a été l'occasion de vider grand nombre de flacons du vin de la rose.

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Chaque centre de population a ses intérêts propres, ses rivalités, qui vont quelquefois jusqu'à la frénésie; ainsi, sous les apparences si calmes des usines, des ateliers, il fermente des passions dignes de la Corse barbare.
Dans l'atelier d'un de nos principaux fabricant d'orfèvrerie, il se trouvait deux contre-maîtres. Un de ceux-ci, le nommé R... , était en hostilité déclarée avec son confrère B... , mieux placé dans la bienveillance du fabricant.
Un jour de cette semaine, R... cherche querelle à B... au sujet de quelques outils qui n'étaient point en place. Silence de B... , colère de R... , qui saisissant une cruche pleine d'acide sulfurique, la lance à la tête de B...
On transporte le malheureux B... à l'hospice, où il expire quelques heures après dans d'horribles souffrances, on conduit son meurtrier en prison. Et voilà deux existences perdues!

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Un touriste a copié, puis ensuite publié, des inscriptions qui se trouvent dans le domaine de Séricourt, appartenant à M. Scribe. Puisque ces vers intimes, que le poëte a composé à son usage, ont reçu de la publicité, nous espérons qui est permis de les reproduire ici.
On lit inscrit sur le moulin:

Artiste ou meunier, je te loue,
Dieu tout-puissant! toi dont la main
A son gré fait tourner la roue
De la fortune et du moulin.

Sur le chalet, on lit au levant:

Clairs ruisseaux, verts gazons, près de vos bords fleuris,
Le plus que vous pourrez, retenez mes amis.

Au midi, où coule un ruisseau rapide:

Image de mes jours, ruisseau qui dans ta fuite
Vers des bords inconnus cours te précipiter,
Image de mes jours, moins vite... va moins vite!
Ainsi que mon bonheur, je voudrais t'arrêter.

Au nord:

Le théâtre a payé cet asile champêtre:
Vous qui passez, merci... Je vous le dois peut-être.

Au couchant:

Adieu théâtre! adieu, tourment!
C'est ici mon oeuvre dernière;
Elle a pour titre la chaumière,
Et le bonheur pour dénouement.

Pour nous, chroniqueur, nous ajouterons seulement:
"Quelle douce chose que cette carrière littéraire où on fait fortune en donnant d'heureux moments aux autres!"

                                                                                                            Paul de Couder.

Journal de Dimanche, 15 novembre 1857.

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