dimanche 1 février 2015

Chronique du Journal de Dimanche.

Chronique.


Hier, à la tombée du jour, une magnifique crinoline, qui cherchait dans une des avenues de la ville de la fraîcheur, la solitude et peut-être autre chose, a été bien involontairement le théâtre d'un duel qui n'a pas eu heureusement de conséquences funestes.
Pendant que cette splendide futaille, cerclée de volants en dentelle, se balançait sans penser à rien à l'ombre des tilleuls, un jeune toutou courait éperdu dans l'allée, poursuivi par un chien beaucoup plus gros, qu'il avait eu l'imprudence d'agacer. Le roquet, ne sachant à quel refuge se vouer, profite d'un moment où la crinoline est relevée par un de ces balancements gracieux que tout le monde connait, et il se glisse sous le dôme de baleine, d'où il nargue en jappant son ennemi.
Celui-ci tourne autour de la place; la dame à la crinoline, désirant se débarrasser au plus vite de l'hôte inattendu qui vient de violer le sanctuaire, lève imprudemment sa jupe pour chasser le roquet; mais, hélas! le gros chien profite à son tour du passage qui lui est ouvert; il se précipite sous la cloche, où s'engage alors une lutte désespérée avec accompagnements d'aboiements et de soubresauts furieux. Dire les péripéties de ce duel homérique, les cris d'effroi de la dame, les convulsions de la crinoline agitée par cette tempête intestine, c'est impossible... Nul n'a pu pénétrer non plus les mystères des désordres intérieurs causés par ce combat mémorable.
Ce fait, qui nous est garanti par un témoin oculaire, est un trait de plus à l'histoire des malheurs de la crinoline. On se demande s'il ne serait pas possible de parer à cet inconvénient en armant le bas des jupes d'un cercle de pointes de fer comme celles qui défendent l'entrée des parcs. Cela mérite réflexion.

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L'autorité judiciaire de Lot-et-Garonne vient de commencer une instruction sur un crime entouré de circonstances affreuses.
Une servante a mis au monde un enfant vivant, et, le soir, le croyant mort, dit-elle, elle la fait brûler dans le four de son maître.
L'analyse des cendres a révélé, en effet, la présence d'ossements calcinés.

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Un bien malheureux accident est arrivé dimanche dernier, dans l'après-midi, à Saint-Hymer.
Un jeune homme de dix-huit ans, M. Ferray, commis au bureau de l'enregistrement de Pont-l'Evêque, était sorti sur les quatre heures pour chasser dans une propriété voisine de la demeure de son père. Obligé de traverser la route pour rentrer, et n'ayant pas de permis, il introduisit son fusil dans la haie qui sépare sa maison de la propriété  où il se trouvait. De retour chez lui, il voulut retirer son fusil de la haie en le prenant par le canon en avant. Mais, le chien s'était accroché aux broussailles, le coup partit, et le malheureux reçut la charge en pleine poitrine. Il expira sur-le-champ.
Cet événement a produit une profonde sensation dans la commune de Saint-Hymer, où M. Ferray jouissait de l'estime générale.

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M. Victor Pagès, maire de Pradelles-Cavardès, a péri dernièrement victime d'un accident contre lequel auraient dû le prémunir de regrettables et trop nombreuses expériences. Etant à la chasse du lapin dans les broussailles, il eut l'imprudence de prendre son fusil par les canons. Le chien s'étant abattu, l'arme fit feu, et M. Pagès, atteint par la charge, fut tué sur le coup.

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Une jeune femme, tenant dans ses bras un petit enfant, sortit à l'entrée de la nuit la semaine dernière, pour faire rentrer les oies qui s'était introduite dans un fossé, à peu de distance de sa maison. 
Sur le bord du fossé, elle aperçut un chien bouledogue cherchant à mordre des oies, et en même temps elle vit un oison qui mourait. Elle ne doute pas dès lors que ce chien ne l'ait tué et cherche aussitôt à le faire fuir et à ramener les oies dans la basse-cour; mais, le chien se précipitant sur elle, elle se défend avec la main droite et les pieds, heureusement alors armés de sabots; dépose avec la main gauche, en le laissant tomber doucement, son enfant, et, s'armant de toute l'énergie que Dieu a mise dans le cœur d'une mère, prend cet animal par les pattes de devant, le renverse sur le dos en les lui croisant sur le cou, lui pose son genou sur le ventre et se met à crier au secours, tenant toujours dans cette situation ce féroce animal par terre.
Le mari de cette femme était absent, et personne dans ce moment là n'était à la maison. Une voisine, entendant ses cris de détresse, accourt, prend un gros pieu, frappe sur la tête de ce dangereux animal jusqu'à ce qu'il ait cessé de vivre. Ce chien était atteint d'hydrophobie.
Des personnes accourues déclarèrent qu'il était arrivé de côté de Navailles, commune limitrophe de Bournos, et avait mordu plusieurs autres animaux, notamment des oies et des canards.
La femme avait été mordue elle-même aux deux poignets avant qu'elle ait pu prendre l'animal par les pattes, et le sang était sorti en abondance par les plaies qu'il lui avait faites.

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Le nomme P... , compagnon maçon, entra hier au soir dans un bureau de tabac de la rue de Bretagne. Il feignait d'être en affaire pressée avec un individu qu'on ne voyait pas: "Je ne vous demande qu'un instant, un seul, dit-il à cet être imaginaire; je suis à vous dans une minute."
Puis, s'avançant vers le comptoir,: "Madame, dit-il à la marchande, servez-moi vite pour deux sous de tabac, et préparez-moi la monnaie de cinq francs, car je n'ai pas de temps à perdre." Il retourna vers la porte, comme pour causer avec son homme; un instant après, il revint, prit le paquet de tabac, ramassa la monnaie, jeta une pièce de cinq francs et sortit précipitamment. On s'aperçut bientôt que la pièce était fausse; on se mit à sa poursuite et il fut arrêté.
Il a prétendu qu'il ignorait que la pièce fut de mauvais aloi; mais les précautions prises par lui pour la faire passer semblent révéler le contraire. Il a été arrêté, et des recherches sont faites pour savoir si c'est lui qui a fabriqué la pièce fausse ou s'il est seulement l'agent d'individus se livrant à cette fabrication.

Journal du Dimanche, 4 octobre 1857.

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