dimanche 1 février 2015

Le lieutenant Wissmann.

Le lieutenant Wiessmann.


On a beaucoup parlé, ces temps derniers, de cet explorateur allemand qui a eu les honneurs d'une séance au Parlement, et dont le départ pour la côte de Zanzibar, en Afrique, est très prochain.
Wissmann est une des figures en vue de notre temps, et nos lecteurs sont sans doute désireux d'avoir quelques notes biographiques sur un homme qui est appelé à jouer bientôt un rôle marquant dans les événements de l'Afrique orientale.
Hermann Wissmann est né le 4 septembre 1859 à Francfort-sur-l'Oder, où son père occupait un poste officiel. Tout enfant, il faisait preuve de bravoure et de décision. Aussi le destinait-on à la carrière militaire. A vingt ans, il était officier dans un régiment d'infanterie mecklembourgeoise. Les grandes aventures de Livingstone, de Schweinfurth, de Stanley hantaient son imagination; la lecture de leurs ouvrages le passionnait; il admirait l'héroïsme de leurs entreprises, il sentait son cœur palpiter au récit de leurs dangers et il aspirait à les partager. Le hasard fit que Pogge, au retour d'une expédition en Afrique, vint à Rostock où Wissmann était en garnison; ils s'y lièrent et il fut convenu qu'à la première occasion ils repartiraient ensemble.


Le jeune officier s'adressa à cet effet à l'association africaine de Berlin, dont Schweinfurth (mort en 1885) était alors président. On n'acquiesça pas tout de suite à sa demande. On lui représenta que le courage ne suffit pas à un explorateur, qu'il doit être tout autant armé de connaissances, s'entendre en astronomie, en météorologie, en géologie, en zoologie, en topographie, en géodésie, et posséder sérieusement toutes ces sciences dont, le cas échéant, il doit savoir et pouvoir tirer parti. Il s'appliqua résolument à ces différentes études et put enfin, au bout de quelques mois, réaliser ses espérances.
Pogge et Wissmann quittèrent Hambourg le 19 novembre 1880 et arrivèrent le 7 janvier 1881 à Saint-Paul de Loanda. Puis ils se dirigèrent vers Lubuku "la Terre d'Amitié" qu'ils allaient explorer pour la première fois. Ils atteignirent Nyangwe, qui avait été le point de départ de Stanley. Là, ils se séparèrent. Pogge prit la route de Lubuku, Wissmann alla vers l'Orient. Le 14 novembre 1882 il eut le bonheur de voir l'Océan Indien. C'était la première fois qu'un Allemand avait traversé l'Afrique centrale et qu'un Européen avait fait cette expédition de l'Ouest à l'Est du Continent noir. 
Le lendemain, il était à Saadani sur la côte. A partir de ce moment la renommée de Wissmann était fondée. En 1883, le roi Léopold II le chargea d'explorer le bassin méridional du Congo; il partit le 16 novembre de la même année. Son expédition a été racontée par lui-même. Elle fut difficile et plusieurs de ses compagnons, appartenant presque tous à l'armée allemande, y périrent. Ceux qui survécurent purent s'enorgueillir d'avoir exploré les affluents du Kassaï, problème qui avait été proposé à leurs recherches. Le 9 juillet 1885, ils découvrirent un large cours d'eau où se jetait le Kassaï: c'était le Congo. Avec leurs longues vues, ils aperçurent sur l'autre rive un pavillon bleu orné d'une étoile d'or. Une salve de coups de fusils les accueillit. C'était deux Européens entourés de noirs qui leur apprenaient que la civilisation avait pris possession de cette terre. Wissmann venait de faire la rencontre de deux employés de cet Etat du Congo, dont il ignorait l'existence, et qui s'était fondé, pendant qu'il cherchait lui-même sa voie dans ces régions.
En septembre 1885, atteint de la fièvre, il dut quitter le Congo et se rendit à Madère. Mais à peine rétabli, il repartit, sur la demande du roi des Belges, et fit le voyage des bouches du Congo à celles du Zambèze. Il y fut témoin des horreurs de l'esclavage, et telle fut l'impression navrante qu'il en ressentit, que tous ses efforts tendirent à combattre ce fléau. Le gouvernement apprécia ses mérites. La mission qui vient de lui être confiée en est la preuve. On ne peut prévoir ce que réserve l'avenir, mais il est certain que ses hautes qualités le mettent au premier rang des pionniers contemporains.

                                                                                                                   Ch. Simond.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

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