samedi 31 janvier 2015

L'électricité au théâtre.

L'électricité au théâtre.


Aujourd'hui, tous les théâtres de Paris sont éclairés à la lumière électrique; à la suite du terrible incendie de l'Opéra-Comique, et, par ordre supérieur, le bec de gaz a fait place à la lampe d'Edison: le lustre, les girandoles, les cintres et jusqu'au "feu de la rampe", tout est à l'électricité.
Outre les accidents devenus impossibles, ce mode d'éclairage offre un autre avantage: la salle entière et la scène peuvent être illuminées d'un seul coup; il suffit de mettre les fils conducteurs en communication avec la machine à vapeur produisant l'électricité, et l'étincelle jaillit.
Mais, au théâtre, on a fait une autre application de l'électricité, et c'est de celle-ci que nous voulons vous dire un mot:
Il est certains effets de mise en scène que l'on obtenait autrefois que difficilement; aujourd'hui, grâce à l'électricité, ils sont d'un usage courant. C'est, d'abord, le clair de lune, que l'on produit en promenant derrière une toile, une boule d'acier sur laquelle on projette un rayon électrique blanc ou rouge suivant les circonstances. Les étoiles s'obtiennent en plaçant une lampe à incandescence derrière un écran noir où sont découpées des étoiles; pour les faire scintiller, il suffit de varier rapidement l'intensité de la lumière.
Les couchers de soleil sont produits par l'interposition devant la lampe, de verres de couleur, qui donnent aux objets des tons rouges, jaunes, violets. La lumière électrique, renvoyée par un puissant réflecteur, et passant entre deux prismes, produit un arc-en-ciel. Un écran noir strié de raies parallèles, donne l'image de la pluie; ces raies sont-elles en zig zag, elles imitent les éclairs. Tout cela, on le comprend, est fort simple; c'est ce que nous pourrions appeler l'enfance de l'art. Mais voici des phénomènes plus compliqués:
Qui n'a été surpris, en assistant à une féerie, de voir les fleurs éclore sous la baguette magique des fées et des insectes multicolores jeter des lueurs phosphorescentes. C'est au moyen de lampes à incandescence placées dans les corolles et dans le corps des insectes que s'obtient ce résultat. Les machinistes, cachés dans les coulisses allument ces lampes, en tournant une roue, ou en posant les doigts sur les touches d'un clavier.


Si c'est le génie du mal qui est en scène, une sorte de Lucifer sous les doigts duquel tout pétille, tout s'enflamme, qui fait jaillir des étincelles de tout ce qu'il touche, c'est qu'il tient dans sa main, entouré d'une matière isolante, un fil conducteur d'ou l'électricité jaillit, chaque fois qu'il rencontre un autre fil, dissimulé sous les objets qu'il doit toucher.
Et les duels livrés par ce génie contre de simples mortels! aussitôt que sa terrible épée, forgée par quelque génie du noir séjour, rencontre celle de son adversaire, l'éclair jaillit; souvent même, l'épée flamboie!


Pour arriver à un tel effet, on a tout simplement disposé sur le plancher de la scène, deux plaques de tôle auxquelles aboutissent les conducteurs. Les chaussures des acteurs sont munies de semelles métalliques d'où partent des fils dissimulés sous les vêtements et qui viennent aboutir dans la main droite.
Dès que les combattants saisissent leurs épées, le fil se trouve en contact avec la lame. Or, comme l'une est chargé d'électricité positive, et l'autre d'électricité négative, de leur choc jaillit l'étincelle.
Et les merveilleux ballets dont les danseuses scintillent de lumière: leurs vêtements en sont constellés; toutes les pierreries de leurs parures sont autant de petites lampes à incandescence qui s'allument sous la simple pression d'un bouton, grâce à un appareil dissimulé sous leurs vêtements.
Les applications de l'électricité au théâtre sont innombrables, on pourrait dire illimitées; c'est en Amérique qu'on l'emploie surtout à la scène; et, grâce à ce merveilleux auxiliaire, on obtient des résultats véritablement étonnants.

                                                                                                                       de B.

La petite revue, premier semestre 1889.

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