vendredi 10 octobre 2014

La ruade de la vieille.

La ruade de la vieille.
(La reguignado de la vièlo)


Les paysans du Midi ont remarqué que les trois derniers jours de février et les trois premiers jours de mars amènent toujours une recrudescence de froid, et voici comment leur imagination poétique, explique cela:
Une vieille gardait une fois ses brebis. C'était à la fin du mois de février, qui, cette année-là, n'avait pas été rigoureux. La vieille, se croyant échappée à l'hiver, se permit de narguer février de la manière suivante:

Adièu, Febrié! Emé ta febrerado
M'as fa ni péou ni pelado!
(Adieu Février! Avec ta gelée
Tu ne m'as fait ni peau ni pelée!)

La raillerie de la vieille courrouce Février, qui va trouver Mars:
- Mars, rends-moi un service.
- Deux, s'il le faut, répond l'obligeant voisin.
- Prête-moi trois jours et avec les trois que j'ai encore, je ferai à la vieille peau et pelée!

Presto-me lèu tres jours, e tres que n'ai.
Péu e pelado ie farai!

Aussitôt se leva un temps affreux: le verglas tua l'herbe des champs, toutes les brebis de la vieille moururent, et la vieille, disent les paysans, regimbait, reguignavo. Depuis lors, cette période tempétueuse porte le nom de reguignado de la vièlo, ruade de la vieille.
Cependant, quand la vieille eut perdu son troupeau de brebis, elle acheta des vaches, et, arrivée sans encombre à la fin du mois de mars, elle dit imprudemment:

En escapant de Mars e de Marséu
Ai escapa mi vaco e mi vedéu.

Mars, blessé du propos, va sur-le-champ trouver Avril:

Abrièu, n'ai plus que tres jours: presto-me-n'en quatre,
Li vaco de la vièlo faren batre!

Avril consentit au prêt. Une tardive et terrible gelée brouit toute végétation, et la pauvre vieille perdit sa vache et son veau. (1)

(1) voy. les notes des chants VI et VII de Mirèio, poëme provençal par Frédéric Mistral, avec la traduction littérale en regard; 1859


Le magasin pittoresque, 1865.




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