vendredi 10 octobre 2014

Les animaux favoris de nos grands écrivains.

Les animaux favoris de nos grands écrivains.


Parmi les hommes de lettres, il en est peu qui n'aient aimé les bêtes. Beaucoup d'entre eux leur ont consacré des pages émues et nombreuses; beaucoup aussi les ont admises à partager l'intimité de leur foyer avant de les décrire et de les "raconter";
Nous savons, par exemple, que l'auteur de la "Comédie Humaine", Balzac, témoigna une affection toute particulière à un gros chien nommé Turc; ce fut, il est vrai, le seul animal qu'on lui connût. Par contre, Zola possédait, dans sa propriété de Médan, aux environs de Paris, toute une basse-cour. On se rappelle avec quelle émotion, il a conté la mort d'un chien dans la "Joie de vivre", celle d'un cheval dans "Germinal". Zola avait pour compagnon habituel un chien poméranien de petite taille dont il ne se séparait jamais, et qui couchait au pied de son lit. Ce fut un malheureux et fidèle toutou qu'on trouva étendu auprès du cadavre de son maître, également asphyxié.
Les frères de Goncourt furent les seuls hommes de lettres, croyons-nous, qui possédèrent un singe. Cette bête, dont ils ont parlé longuement dans un de leurs plus beaux livres, "Manette Salomon", avait nom, Vermillon. Lorsque Vermillon, qui, à force d'avoir observé son premier maître, un artiste, avait contracté le goût de la peinture, apercevait une poule, il se précipitait sur elle, et lui arrachait une poignée de plumes qu'il promenait ensuite sur tout ce qu'il trouvait d'à peu près blanc, après les avoir trempées dans le ruisseau.
Ce singe était peut être "impressionniste" à sa manière!

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C'est toute une ménagerie que l'illustre auteur de la "Vie de Jésus", Renan, logeait dans son appartement; une grosse chienne, Corah, un perroquet, Coco, et un affreux petit chat de gouttière que le philosophe, pris de pitié, avait recueilli dans la neige de la rue, un soir d'hiver.
Mais l'écrivain qui affectionna le plus les animaux, qui leur consacra non seulement de longues et belles pages, mais encore un livre tout entier, ce fut Léon Cladel, le chantre inspiré des paysans du Quercy. Tout ami des bêtes devrait posséder dans sa bibliothèque ce très intéressant ouvrage qui s'appelle "Léon Cladel et sa kyrielle de chiens" et qui est bien fait pour nous affermir dans cette idée que les bêtes sont bien nos frères inférieurs plus proches de nous que nous le croyons.
A plus juste raison, les poètes devraient aussi aimer les animaux. Celui qui a écrit ce délicieux poème provençal: "Mireille", Frédéric Mistral, raffolait, en effet,  d'un magnifique angora nomme Macabrun; ce chat avait un compagnon de jeu toujours prêt en la personne d'un chien barbet, baptisé du curieux nom de Pain-perdu.
Un autre poète, Catulle Mendès, éleva jadis des rossignols, ces oiseaux divins par leur chant. Mendès eut aussi des chats, et, comme le poète est de plus et à la fois excellent conteur et critique dramatique autorisé, il donna à ses pensionnaires des noms empruntés à l'épopée wagnérienne; l'un s'appelait la Valkyrie, l'autre Faffner, un troisième Fasolt.
Aussi bien, qui ne connait Hamilcar, prince somnolent de la "Cité des livres", ce chat philosophe, immortalisé par l'auteur de ce livre d'un idéalisme si pur et d'une langue si impeccable: "Le crime de Sylvestre Bonnard" ?
Donc Anatole France adore les chats. Quand Hamilcar quitta un jour son maître pour gagner le paradis des chats fidèles, l'écrivain essaya de la remplacer par Pascal: mais Pascal n'était point Hamilcar, et Anatole France garde toujours un souvenir ému pour l'ami caressant qui, à chaque retour de voyage, venait"se frotter contre ses jambes en bavant de joie".
N'oublions pas Moumoutte Blanche et Moumoutte Chinoise, les deux chattes célébrées par Pierre Loti dans "Le Livre de la Pitié et de la Mort". Moumoutte Chinoise fut rapporté d'Orient par Loti, et, pendant la traversée, dans la cabine, la chatte étrangère, désemparée, dépaysée, ne voulait pas quitter les genoux de son nouveau maître. Arrivée en France, elle devint cependant moins sauvage, et partagea bientôt les jeux de son "ancienne": Moumoutte Blanche.
Si Léon Cladel avait pour les chiens une grande affection, il est un autre écrivain, Huysmans, qui eut pour les chats une sympathie presque exclusive. Le maître de "A Rebours", de "Là-Bas", a mis en scène, dans presque tous ses romans, un de ces tigres en miniature. Qu'on se rappelle le célèbre chat Barre-de-Rouille de "En Ménage".
Bien d'autres encore, peintres romanciers, poètes, savants, sans compter Baudelaire dont les vers sont connus de tous, et Willy, plus moderne, aimèrent passionnément les bêtes.
Pour terminer congrûment, un proverbe nous semble de mise: celui-ci est courant en Provence: "qui aime les bêtes aime les gens". On dit aussi dans le Midi: "Souvent les bêtes apprennent aux gens".
Mais tant de gens, du reste, ne savent pas "regarder" les bêtes et préfèrent s'admirer... béatement eux-mêmes!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 5 juillet 1903.

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