mercredi 30 juillet 2014

Lavoirs anciens.

Lavoirs anciens.

Les petites fontaines en faïence ou en cuivre que l'on rencontre en si grand nombre chez les marchands de curiosités, et qui ne sont point encore rares dans les vieux logis et les hôtelleries de province, sont les derniers vestiges d'une sorte de meubles fort répandus au moyen âge et dont l'usage s'est perpétué jusqu'au siècle dernier.
On voyait, en effet, jadis, dans les réfectoires des établissements monastiques, dans les salles à manger des châteaux, des palais, des auberges ou dans quelque pièce voisine, des lavoirs, tantôt (ce sont les plus anciens) de grande dimension et établis à demeure, en plomb, en pierre, en marbre, en bronze; tantôt mobiles et placés dans de petites niches pratiquées dans la muraille, soutenus par une console, ou posés sur un pied de fer. Les grands lavoirs, consistant en un large bassin ou une auge munie de robinets ou gargouilles, convenaient aux abbayes où un grand nombre de personnes à la fois venaient laver avant et après le repas. Dans les châteaux et logis, une aiguière et un bassin suffisaient aux besoins ordinaires; on les présentait aux maîtres de la maison et à leurs convives quand ils allaient se mettre à table et au moment d'en sortir; toutefois, les niches qui existent encore dans beaucoup de salles d'anciens châteaux témoignent que les lavoirs étaient quelquefois des meubles de dimensions assez considérables et auxquels une place particulière était assignée.
Pour comprendre combien ces meubles étaient indispensables, il faut se rappeler que jusqu'à une époque assez récente, on ne voyait pas de fourchettes, même sur les tables les plus richement servies, et que longtemps aussi on a eu l'habitude de manger à deux dans la même gamelle et à plusieurs dans le même plat. "Au moyen âge, comme de nos jours en Orient, dit M. de Laborde, on tenait plus à l'éclat qu'à la propreté. Par la même raison, on avait pour puiser dans son assiette les mets liquides, des cuillers, mais en petit nombre, une par personne pendant tout le dîner, et pas de fourchette. On mangeait la viande, le poisson, tous les mets solides, avec ses doigts, et les délicats donnent des règles pour s'en servir proprement. on avait, dès le treizième siècle, des fourchettes pour quelques mets exceptionnels, on n'en avait pas pour la règle commune. Or, je parle de la cour la plus élégante, de la cour de France et de ses satellites, les cours des princes d'Anjou, de Bourgogne, de Berri, d'Orléans, etc. Dans les classes aisées, on n'en avait d'aucune sorte." Ce n'est qu'au dix-septième siècle que la fourchette devint d'un usage plus général.
A cette époque appartient le lavoir vénitien de la collection de M. d'Yvon, dont nous offrons le dessin, et que l'on peut rapprocher du trépied vénitien en fer forgé de la collection Sauvageot. 



Il est semblable par le travail. Ce lavoir faisait partie du Musée rétrospectif, réuni l'automne dernier au palais de l'Industrie. Le bassin, l'aiguière et le petit plateau en forme de coquille que l'on voit en dessous sont en cuivre; le support est en fer forgé, ainsi que la hampe couronnée par des ornement en fleur de lis qui forment une double croix en se traversant. Les fleurons placés à l'extrémité des rinceaux qui entourent l'aiguière sont dorés et coloriés. La tige de fer transversale que l'on voit au-dessus était vraisemblablement destinée à tenir un essuie-main suspendu. La girouette, qui offre l'image d'un cavalier en costume du temps, paraît être une enseigne, et il est par conséquent probable que ce lavoir a été fait pour quelque hôtellerie.

Magasin Pittoresque, 1866.

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