vendredi 29 juin 2018

La polygamie en Orient.

La polygamie en Orient.


La peste n'est pas le fléau le plus funeste de l'Orient. Il en est un plus désastreux dans ses effets, et qui semble devenir plus meurtrier à mesure que la peste s'en va: c'est la polygamie. Au moment où les grandes puissances de l'Europe mettent sérieusement la main aux affaires de ces contrées qui furent le berceau de la civilisation, il n'est pas sans intérêt de signaler le principal obstacle que la civilisation doit y rencontrer à son retour.
Cet obstacle est le même que notre politique a trouvé en Afrique, et avec lequel elle a capitulé; il est le plus difficile, peut-être que le christianisme aujourd'hui, presque partout vainqueur dans le monde, ait à surmonter pour triompher de la barbarie. La polygamie traîne à sa suite plus de misères que la servitude même; elle frappe les générations dans leur constitution physique et dans leur existence morale; elle oppose une barrière invincible au progrès social et politique des nations qui en sont infestées; il faut qu'elle disparaisse avec l'esclavage, ou que la civilisation s'arrête devant elle.
C'est de près, et sur la terre même où elle règne, qu'il faut voir agir cette fatale institution pour se faire une idée juste des fléaux de tout genre dont elle a inondé l'Orient. Aucune peinture ne saurait rendre la sauvage énergie de son action sur l'homme, sur la femme, sur les enfans, sur la société toute entière. Elle les dégrade tous depuis le berceau jusqu'à la tombe, sans leur laisser un seul instant de répit, sans qu'il leur reste aucun asile contre tous les genres d'opprobre qui se multiplient chaque jour sous ses pas. On dirait qu'elle-même est déchue, si elle pouvait déchoir encore au sein des ruines physiques et morales qu'elle a faites et qui l'entourent de toutes parts. On lui a sacrifié tant de femmes que les femmes ont fini par lui manquer, et la polygamie s'éteindra bientôt faute d'alimens, si le principe que la soutient n'avait conservé assez de vigueur pour arrêter le flot montant et civilisateur de l'invasion chrétienne. C'est là qu'il importe qu'on sache bien en Europe, afin qu'une sainte opposition s'organise dans les esprits contre ce principe et l'anéantisse à son tour, comme la servitude et la traite des noirs. Mais pour le bien apprécier, il faut le juger par ses œuvres.
La loi musulmane permet à l'homme d'épouser quatre femmes, et leur accorde à toutes le rang d'épouses légitimes; tel est le point de départ de la polygamie. L'usage, autant que la loi, a autorisé plus tard l'addition d'un supplément à ce nombre déjà fort raisonnable, et peu à peu les harems des princes et ceux des personnages assez riches pour l'entretien d'un personnel aussi dispendieux ont compté jusqu'à cent femmes. Aujourd'hui que l'empire  et les grands sont devenus pauvres, ce luxe est fort restreint, et les pachas les plus hardis n'ont guère plus de trente femmes; la plupart même dépassent rarement le nombre des quatre épouses autorisées par la loi religieuse. Mais, afin de garder de toute atteinte ces rassemblemens dangereux, et c'est ici que commencent les misères de la polygamie, les musulmans ont été obligés d'inventer pour l'homme, au mépris des lois de la nature, une condition inférieure à celle de l'esclave même, une existence sans nom, comme tous les crimes qui sont le fruit de cet odieux principe. Ils se sont flétris en flétrissant la femme, et chaque jour ils descendent à de plus grandes ignominies, qui frappent les populations au coeur et qui précipitent leur ruine politique en même temps que leur décadence sociale.
De toutes les ignominies, celle qui a produit les effets les plus funestes, c'est la vente des femmes, dont le marché existe encore aujourd'hui même, au moment où nous parlons, à Constantinople, à quelques centaines de pas des hôtels de tous les ambassadeurs des puissances chrétiennes. D'infâmes recruteurs parcourent les contrées les plus renommées pour la beauté du sang, pour l'élégance des formes, pour la vivacité du caractère des femmes. dans certaines provinces, comme en Circassie, les pères se sont accoutumés à vendre leurs filles, heureuses d'être vendues et de trouver chez de riches pachas le rang d'épouses légitimes. Ailleurs de jeunes enfans sont enlevés par la ruse ou par la force; sur quelques points connus de l'Orient, on paie les impôts en femmes comme ici en écus, et l'on trouve des connaisseurs patentés pour distinguer dans cette monnaie vivante l'or de l'argent, le cuivre du billon. 
Le croirait-on? il existe des gynécées de femmes élevées pour l'esclavage, à qui l'on apprend surtout ce qu'il importe d'ignorer, et qui s'étudient à charmer par la dégradation comme les nôtres charment sans effort par la modestie. Dans les bazars où l'on vend ces femmes, chacun peut consulter le catalogue de leurs agrémens personnels, et, puisqu'il faut le dire, il y a des cas rédhibitoires prévus, déterminés; il y a d'insolens experts, des matrones hideuses, chargés de prononcer en dernier ressort sur toutes les contestations entre courtiers et acheteurs. Voilà ce que la polygamie dans ce pays de la compagne de l'homme!
On devine aisément les conséquences d'un tel mépris des plus saintes lois de l'humanité. Ainsi frappée de honte à son entrée dans la famille, la femme n'y peut rien apporter de ce qui donne ailleurs une juste influence de son sexe. Esclave, ou traitée comme telle, elle garde ou elle acquiert les vices de l'esclavage; elle les transmets à ses enfans, auxquels elle ne saurait transmettre autre chose, car elle n'a rien reçu ni rien appris qu'elle ose leur apprendre. Et puis, qui peut se faire une idée exacte des misères de la vie des harems, de tout ce que les femmes en éprouvent de tortures physiques et morales, dont Dieu seul a le secret. Combien de nobles cœurs sentent l'horreur de cette position infime, et portent avec dégoût le joug de la promiscuité! On n'a qu'à consulter en Orient les médecins admis à pénétrer dans ces lieux de douleur, et l'on verra ce qu'ils en pensent. Aucune langue n'a de terme pour exprimer l'immense ennui, le profond désespoir qui pèse sur des infortunées chez qui le feu sacré n'a pas été étouffé par l'atmosphère impure qu'elles respirent, et surtout sur celles qui ont vécu de la vie libre, de la vie de nos heureuses femmes! Combien de jeunes Grecques, par exemple, n'ont-elles pas été enlevées pendant la guerre de l'indépendance, et vendues à l'encan après avoir connu dans leur pays les douceurs de la famille chrétienne! Ce que celles-là ont souffert dans les harems, où elles ont été forcées d'abjurer leur religion et leur patrie, nul ne saurait le concevoir.
La femme est donc descendue en Orient de toute la hauteur où le Créateur l'a placée près de l'homme. Elle est devenue sur le marché une marchandise, dans le harem moins qu'une courtisane: elle n'a réellement plus de place dans l'ordre social. Elle ne s'appartient point à elle-même; on ne peut même pas voir ses traits quand on l'épouse, lorsqu'elle n'est point esclave; on ne la consulte pas plus pour la marier que pour la vendre. Le voile qu'elle porte n'est pas seulement l'emblème de la sépulture où elle doit vivre dans le monde, il est aussi la livrée du despotisme qu'exerce sur elle la jalousie d'un maître ombrageux. L'homme qui se partage entre quatre femmes et un nombre infini de suivantes exige pour lui seul une affection dont son ubiquité le rend indigne, et il l'exige avec d'autant plus de susceptibilité qu'il mérite moins d'être aimé. Le harem est une prison dont il est le geôlier, et où il ne permet à ses prisonnières d'autre occupation que celle de lui plaire. Aussi, rien ne saurait égaler la déplorable nullité de ces femmes, leurs futiles caquetages, les soins grossièrement minutieux qu'elles prennent de leur personne, l'abjection matérielle et intellectuelle où elles sont forcées de végéter. les musulmans ne souffrent même pas que l'on parle d'elles, et rien ne serait plus indiscret de la part d'un étranger vis-à-vis d'un Turc, qu'une simple question au sujet de ses femmes. On ignore leur nom, on ne le prononce jamais. La politesse exige qu'on n'adresse jamais la parole à une femme sans l'autorisation de son mari, et qu'on ne la regarde point de face de peur de rencontrer sous le voile la prunelle de ses yeux. Les plus avancés disent quelquefois elle, tout court; d'autres ajoutent avec restriction: Ma femme, sauf votre respect, ce qui est fort peu respectueux.
Ce langage est à la hauteur des institutions; mais les coutumes sont encore pires que les lois. La polygamie n'a pas seulement empoisonné l'existence des femmes dans les harems, où leur agglomération nécessitait une surveillance vigilante; elle a flétri la condition même des épouses qui n'ont point de rivales, et quelques unes de ses conséquences ont atteint jusqu'au femmes chrétiennes qui forment la grande majorité en Orient. L'un des effets les plus meurtriers de la polygamie a été d'associer presque toujours des femmes très jeunes à des maris très vieux, et l'on pourrait citer tel pacha de soixante ans qui n'avait pas dans son harem une seule femme au dessus de l'âge de vingt ans. Quand ces tristes époux sont décidément trop cassés, ils donnent une partie de leurs femmes lorsqu'ils n'en ont pas eu des enfants, ou il les marient à des complaisans, ou ils les imposent à des subalternes. Mais la population ne gagne rien en quantité ni en qualité à ces unions mal assorties, même dans les rangs élevés, en dépit du choix brillant des femmes. C'est ainsi qu'à la fin de ses jours, il n'était resté au sultan Mahmoud, de ses trente enfans, que deux fils et deux filles d'une constitution assez délicate. Le terrible Hussein, l'exterminateur des janissaires, qui comptait, il y a quelques mois, dans son harem, vingt-huit des plus belles femmes de l'Orient, n'avait qu'un seul fils de quinze ans, auquel on n'avait encore appris à cet âge qu'à lire et à fumer.
Il n'en saurait être autrement sous le régime de la polygamie. L'enfance est atteinte par ce principe fatal jusque dans son existence, elle l'est encore plus dans sa moralité. Quelles peuvent être les leçons du harem pour de malheureux enfans, trop souvent témoins des jalouses fureurs, des sombres ressentimens, dont ces tristes demeures sont ordinairement le théâtre? leur santé n'y court pas moins de dangers, à cause de la rareté des médecins et des difficultés infinies qu'on oppose à leur admission auprès des femmes. Ainsi la mortalité est-elle extrême chez les enfans, et même chez les mères. Il n'a fallu rien moins que ces avertissemens sévères de la mort pour déterminer les musulmans à se départir de leurs vieilles susceptibilités. Les médecins chrétiens commencent à pénétrer dans l'enceinte des harems, où plus d'une scène ridicule témoigne encore de la terreur qu'ils inspirent: c'est le premier châtiment de la polygamie. Tantôt un époux consulte sur les maladies de ses femmes comme s'il s'agissait de lui-même; tantôt il consulte par hypothèse; quelques-uns font passer la langue de l'épouse malade par une ouverture pratiquée dans son voile; on en voit qui tremblent encore à l'idée des dangers qu'une femme peut courir en se faisant tâter le pouls. Mais la réaction suit sa marche, et la médecine tuera la polygamie, Dieu aidant, avant que la diplomatie et la religion prennent part à l'attaque.
Il convient de rendre aux femmes de l'Orient la justice de reconnaître qu'elles se prêtent de bonne grâce à la réforme constitutionnelle des harems. Pendant les dernières années du règne de Mahmoud, elles avaient pris si volontiers leur part du hatti-shériff de Gulhané que déjà les voiles commençaient à s'abaisser; l'affluence était plus grande dans les bazars, dans les promenades publiques, dans les cafés. On ne peut dire jusqu'où le mouvement parti de la capitale aura pénétré dans les provinces, lorsque le gouvernement turc publia l'édit qui supprimait ces libertés.
" Les femmes turques sortent trop, portait l'édit, elles rentrent trop tard, même après le coucher du soleil. Celles qui se promènent en voiture ont de jeunes cochers, même chrétiens, d'une mise trop soignée pour ne pas être suspecte. Elles ont l'audace d'entrer dans les boutiques, surtout dans celles des apothicaires, elles y restent outre mesure pour causer, et elles ont poussé l'oubli de toute pudeur jusqu'au point d'aller se rafraîchir avec des glaces dans le quartier des Francs."
On peut juger, par la gravité de ces imputations officielles et par l'ordre impérial qui en fut la conséquence, des périls que l'orthodoxie conjugale croyait avoir courus, et de la ténacité des préjugés musulmans sur ce sujet délicat. Les Turcs n'ont point d'expression pour qualifier l'infidélité; ils n'ont que la peine de mort pour la punir. Ce qu'on appellerait rivalité parmi nous, galanterie, coquetterie, ils le traitent comme un attentat à la propriété, et ils font pendre le voleur sans miséricorde, la femme est cousue dans un sac et jetée à la mer. On pouvait voir encore, à Constantine, il y a quelques années, la trace du sang de plusieurs malheureuses femmes précipitées du haut d'un rocher de 800 pieds d'élévation, sur un simple soupçon. Telle est la justice sommaire de la polygamie.
Il n'y a qu'un asile pour la femme en Orient, contre les rigueurs de cet impitoyable régime, c'est la maternité. Toute femme devenue mère acquiert aux yeux de son époux ou de son maître un titre imprescriptible qui lui confèrent certains privilèges, et qui semble la remettre en possession de sa dignité personnelle. Aussi, le plus grand malheur qui puisse arriver à une femme, c'est de n'avoir point d'enfans. C'est par les enfans qu'elles se réhabilitent à leurs propres yeux. Elles prennent dès lors une sorte de part aux détails intérieurs du ménage, et quelquefois aux intrigues du maître. Il y en a même qui ont droit à sa bienveillance exclusive un jour particulier de la semaine, et qui se trouve flattées de cette distinction particulière.
Dans les régions inférieures de la société musulmane, la règle n'est pas moins sévèrement observée par ceux à qui leur pauvreté ne permet d'avoir qu'une femme. Les mendiantes accroupies au coin des rues de Constantinople tiennent leur voile baissé comme les femmes du sultan et se croiraient déshonorés si  quelque main indiscrète en soulevait le moindre lambeau. Elles parcourent les bazars, les rues et les promenades avec liberté; mais il existe une telle solidarité entre toutes les jalousies qu'il n'est pas un seul homme qui ne fasse la police conjugale au profit de la communauté. L'abaissement de la femme leur semble une condition naturelle de la domination de l'homme, de sorte qu'il faut ranger encore la délation et l'espionnage universels parmi les corollaires de la polygamie.
Le célibat avec ses dépendances en est encore une autre conséquence forcée. La cherté des femmes, et la dépense assez considérable qu'elles occasionnent, ne permettent pas à tous les musulmans d'en entretenir, à titre d'épouses, un grand nombre, ou même une seule, et il y a beaucoup de célibataires en Orient. De là souvent l'enlèvement des jeunes filles chrétiennes et des tentatives plus criminelles encore, contre lesquelles la justice turque se montre rarement disposée à sévir, de manière que peu à peu, ce sont les chrétiens eux-mêmes qui souffrent dans le repos et l'honneur de leurs familles, de la barbarie musulmane et des excès de la polygamie. Pour ne point partager le mépris dont les Turcs accablent les femmes, les rayas ou sujets chrétiens de la Porte ont imposé aux leurs des servitudes peu en harmonie avec les principes du christianisme. Le sac et la corde que les fiancées serbes et bulgares déposent aux pieds de leurs époux le jour de leur noce, sont des emblèmes peu équivoques de l'état social de la femme dans tout l'orient. Cette lèpre de la polygamie s'est répandue comme une maladie contagieuse, souillant tout ce qu'elle touche, attaquant le physique et le moral de l'enfance, abrutissant les adultes, achevant les vieillards, avilissant la femme et semant dans sa marche des crimes inconnus au reste du monde. Pour en bien apprécier toute la portée, il suffit de savoir en qui se résume, dans ce pays, la puissance sociale: l'un de ses représentants est le bourreau, l'autre, celui qui marche le premier à la suite de l'empereur, n'est même pas un homme!
C'est ainsi que la population musulmane a été amoindrie et décimée au point qu'il ne lui reste plus aujourd'hui ni tête pour commander ni bras pour obéir. Les seigneurs des harems cessent d'être des hommes à trente ans. Ils n'ont plus d'enfans, ou ils n'ont que des enfans étiolés frappés du sceau fatal de la décrépitude comme leurs pères. La femme turque est devenue un objet de compassion pour tout homme qui comprend la sainteté du mariage et les douceurs de la famille. Elle ne peut rien enseigner à ses enfans, j'ai presque dit à ses petits, car elle ne sait rien, et, malgré la faveur qui s'attache à son titre de mère, elle n'en a jamais complètement la dignité. La polygamie a pu avoir un moment de grandeur, avant qu'elle n'eût porté ses fruits et déshonoré les deux sexes; elle n'est plus aujourd'hui qu'un élément de dissolution pour la société orientale. La civilisation chrétienne la cerne et la mine de toutes parts, rien que par le contraste de ses mœurs plus pures, et de ses populations plus vigoureuses. La Valachie, la Moldavie, la Servie, la Grèce sont émancipées et rentrées dans la grande communion politique chrétienne. La Bulgarie est prête; la Syrie se débat. Il n'y a plus d'hommes en Orient que dans la famille chrétienne. Encore quelques années, et le principe musulman n'aura plus à son service ni femmes ni soldats. Toutes les sources d'où il tirait ses esclaves sont taries: la Circassie est presque aux mains des Russes, l'Abyssinie est épuisée, la Grèce est victorieuse. Sur les 8 millions d'habitans dont se compose la Turquie d'Europe, à peine compte-t-on 1.500.000 musulmans. Tout le reste est chrétien, et ne subit qu'en frémissant le joug des invalides de la polygamie. sera-t-il long-temps donné à la décrépitude des uns de prévaloir sur la virilité des autres?
L'Europe a de grands devoirs à remplir dans cette partie du monde oriental. Elle a bien pu chasser l'esclavage des Antilles, elle se doit de même de chasser la polygamie des rives du Bosphore et des bords du Danube. Que si elle n'y pourvoit, le principe chrétien se chargera de faire à cet odieux régime des funérailles peut-être sanglantes! C'est une princesse chrétienne (la princesse Lioubitza, de Servie, épouse de Milosh), qui a inspiré, en sa qualité de femme, le premier essai de réaction dont le sol musulman a tremblé il y a quelques mois. J'ai eu l'honneur d'entendre cette femme héroïque prophétiser la fin des jours de honte où son sexe a gémi si long-temps. Épouse d'un prince chrétien qui osait lui donner des rivales, elle a brisé de sa main ces pâles imitations du régime des Turcs. Fière de ses droits, soumise à ses devoirs, intrépide et religieuse toute à la fois, elle semblait le précurseur d'une époque nouvelle et me disait un jour avec une tristesse pleine d'amertume:
"Vos femmes sont bien heureuses, en Europe! on ne les insulte pas, on ne les outrage pas impunément. Ah! si elles savaient à quel degré d'opprobre la polygamie condamne les femmes de l'Orient, il n'y aurait qu'un cri parmi vous pour mettre un terme à cet abominable régime!"
Cette princesse vient de tomber du trône; mais l'arène qu'elle a ouverte ne se fermera plus. Les chrétiens d'orient ont pour eux le nombre, le temps et notre honneur, désormais engagé sans retour à fermer tous les marchés d'esclaves. Vous ne voulez plus qu'on vende des noirs en Afrique; sachez donc qu'on vend des femmes blanches en Europe! Vous punissez la bigamie comme un crime à Paris; souffrirez-vous long-temps la polygamie comme une institution à Constantinople?

                                                                                                                         Blanqui.
                                                                                                              Membre de l'Institut.

Le Salon littéraire, jeudi 25 mai 1843.

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