lundi 15 janvier 2018

Celles de qui on parle.

Mme Liane de Pougy.


Mme Liane de Pougy est actrice, mime et femme de lettres. C'est Mme Mariquita qui lui a appris le métier des planches. Je ne sais qui lui a appris à écrire, mais je ne crois pas que ce soit M. Anatole France.
Elle débuta à vingt-et-un ans aux Folies-Bergère dans la Magie noire, puis partit pour la Russie où elle joua la pantomime, l'opérette, voire la comédie littéraire, comme le Passant et le Baiser. Son séjour en Russie ne dura que deux ans; encore l'interrompit-elle quelque temps pour créer l'Araignée d'or aux Folies-Bergère.
De retour en France, en 1896, Mme Liane de Pougy aurait pu prétendre à interpréter chez nous comme elle l'avait fait là-bas, nos grands auteurs dramatiques; elle eût pu aspirer à jouer aux Variétés les opérettes de Meilhac ou au Français les drames de François Coppée. Un engagement à l'Olympia contenta son ambition, et la haute société de Saint-Pétersbourg fut très mortifiée de voir qu'une actrice qu'elle avait sacré grande comédienne persistait à n'être en France qu'une artiste de music-hall. C'était là un manque d'égards absolu envers nos bons amis les Russes. La diplomatie faillit intervenir... Par malheur, mais fort à propos pour la paix de l'Europe, Mme liane de Pongy tomba malade et dut quitter la scène pendant plusieurs années. C'est à l'Olympia qu'elle reparut pour créer Watteau, puis Duel de femmes (1901). Elle alla également faire une création au Palace-Théâtre de Londres, dans Yacheska.
Entre temps, elle publiait ses romans: l'Insaisissable, Myrrhille. Elle a même écrit une pièce en un acte: l'Enlizement.




Mme Liane de Pougy a connu tous les succès: succès de théâtre, succès littéraires, succès de beauté, et ces derniers n'ont peut être pas été étrangers aux autres. pourtant, malgré les apparences, ce n'est pas une personne chanceuse, comme dirait l'autre.
Gravement malade en 1897, elle fut l'an dernier victime d'un accident d'automobile: l'auto versa dans un fossé, et Mme Liane de Pougy fut prise sous la voiture. Ses blessures étaient profondes et lui occasionnèrent une sorte de délire pendant lequel elle manifesta une intention bien arrêtée de ne pas mourir.
- Le lion, disait-elle. Où est le lion? On m'a pris tout mon sang. C'est le lion...
Elle ne fut sur pied qu'au bout de plusieurs mois.
Quatre ans auparavant, Mme Liane de Pougy avait été victime d'un malheur moins pénible, mais cependant regrettable: on lui vola un collier de perles d'une valeur de cinq cent mille francs, qui se trouvait sur sa table de toilette.
Afin de savoir sur qui pouvaient se porter les soupçons, le juge d'instruction commis demanda à Mme de Pougy si ce collier avait été vu, à cette place, par beaucoup de personnes.
- Est-ce que vous croyez, répondit-elle avec humeur, qu'on entre dans mon cabinet de toilette comme dans un moulin?
Le juge insista, avec douceur, et finit par apprendre que Mme Liane de Pougy, le jour du vol, avait reçu un couturier et une dame du monde "qu'elle ne pouvait nommer". Les domestiques furent interrogés aussi et l'on sut que le même jour la femme de chambre recevait sa fille, le maître d'hôtel, un petit garçon "dont il refusa de donner le nom" et la cuisinière "un homme quelconque". Étonnez-vous, après cela, que le collier de perles ait disparu!
Je suppose qu'il doit être infiniment désagréable d'être subitement privé d'un bijou d'une valeur d'un demi-million. Cette perte dut affecter d'autant plus vivement Mme Liane de Pougy qu'elle avait déjà arrêté ses intentions au sujet de l'emploi du collier disparu; elle comptait le vendre quelque jour et, avec le produit, acheter... devinez quelle emplette pouvait bien tenter la sympathique artiste: acheter... une charge de notaire! Parfaitement! Pour M. de Pougy fils. Voilà, n'est-il pas vrai, un placement de bonne mère de famille. Espérons que Mme de Pougy fera d'autres économies avec lesquelles elle pourra s'offrir l'étude convoitée. Mais la mère de Maître de Pougy reparaîtra-t-elle à l'Olympia?

                                                                                                                          Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 2 juin 1907.

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