mercredi 29 novembre 2017

Ceux de qui on parle.

Le lutteur Paul Pons.




Le célèbre lutteur a eu la bonne fortune de connaître, au moins une fois dans sa vie, l'opinion exacte de ses contemporains sur son compte. C'était le 20 février 1905: il venait de mourir pour la première fois. Les journaux aussitôt d'imprimer une de ces notices nécrologiques qu'ils tiennent toutes prêtes pour de semblables événements. Les notes étaient élogieuses et Paul Pons en fut flatté; mais tout en remerciant la presse, il l'avisa qu'une petite erreur s'était glissée dans ses articles et qu'il n'était pas mort à Orange des suites d'une fluxion de poitrine comme on l'avait dit. Le journal qui avait colporté cette nouvelle aussi précise qu'inexacte fut forcé de la démentir. Il le fit à peu près dans les termes suivants:
"Nous avons été les premiers à annoncer la mort de M. Paul Pons. Grâce à la même rapidité d'information, nous apprenons que cette nouvelle était fausse; nos lecteurs s'en réjouiront avec nous."



M. Paul Pons sait maintenant avec quelle facilité on peut passer dans l'histoire. Cette épreuve ne lui a pas été défavorable, mais je ne conseilleras pas à tout le monde de la tenter. S'il avait cultivé, au lieu de la lutte à main plate, la lutte électorale et les joutes parlementaires, il est bien probable qu'on eût jeté moins de fleurs et plus d'ordures sur sa tombe. Même mort, il y a plus de respect pour un athlète que pour un ministre.
Les parents de Pons ne le destinaient pas à être lutteur. Né à Sorgues (Vaucluse), il apprit l'état de forgeron et ne le quitta qu'à vingt-quatre ans, en 1883, date à laquelle il lutta pour la première fois en public, à Bordeaux. Dès sa plus tendre enfance, il avait eu le goût pour la lutte et s'y était exercé en amateur. Son maître fut Pietro Damasso.
Il ne tarda pas à se placer au premier rang des athlètes. En 1891, il "tombait" l'américain Tom Canon, jusqu'alors invincible. Trois ans plus tard, le géant turc Nouriah, plus grand, cependant, et plus lourd que Paul Pons, avait à son tour le dessous. A la même époque, il se rencontra au Cirque-d'Hiver avec un autre Turc: Youssouf, mais aucun d'eux ne put triompher de son adversaire, on dut proclamer le match nul. Paul Pons est d'avis que ce Youssouf était l'homme le plus fort qu'on ait jamais vu. Il espérait néanmoins parvenir un jour à le vaincre, mais le pauvre Turc a été victime d'un accident contre lequel ses biceps ne pouvaient rien: il a péri dans le naufrage du transatlantique La Bourgogne*.
Le premier championnat du monde de lutte, organisé à Paris en 1898 par le Journal des Sports eut pour vainqueur Paul Pons qui terrassa Pytlasinski et Gambier. Il entreprit alors de nombreuses tournées et traversa l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, l'Amérique, la Hollande, etc.: les meilleurs lutteurs d'Europe et d'Amérique se mesurèrent avec lui: aucun d'eux ne le tomba.
Non content de gagner le premier championnat et ceux qui le suivirent, Paul Pons remporta avec la même régularité le prix de la Ceinture d'Or, à partir du jour de la fondation de ce tournoi, créé en 1902 par M. Marius Dubonnet et disputé sur la piste des Folies-Bergères.
La première année, il battit le géant Antonitch, Laurent le Beaucairois* et Raoul le Boucher. En 1903, il triompha encore de ces deux derniers et du Danois Petersen. Par ces deux victoires successives, il devenait légitime propriétaire de la "Ceinture d'Or"; mais il eut la coquetterie de la remettre en jeu l'année suivante, pour la conquérir une fois de plus, après une heure de lutte.
Les succès de Paul Pons ne lui ont pas tourné la tête; il a des goûts paisibles et sobres; il boit peu et ne fume pas. Chaque été il va se reposer à Agen, dans une propriété qu'il a acheté avec ses économies et surveiller le travail de ses vignerons.
Pour ceux qui voudraient le connaître mieux encore je dirai que sa taille est de 1 m 95, son tour de poitrine de 1 m 31, que ses biceps mesurent 43 centimètres et ses mollets 45: la jarretière de Paul Pons pourrait servir de ceinture à nos plus élégantes Parisiennes.

                                                                                                                            Jean-Louis

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, dimanche 31 mars 1907.

* Nota de Célestin Mira:



Championnat du monde de lutte
à Madison Square Garden en 1901.



Championnat de France 1905.


Naufrage de La Bourgogne.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire