Si les domestiques se mettaient en grève.

Si les domestiques se mettaient en grève.

Si les domestiques se mettaient en grève!...

     Ça c'est un rêve...

chantait-on jadis, et cependant, ça pourrait arriver.

c'est ça qui serait rigolo!

Voyez-vous M. Rostand nettoyant ses chaussures

En compagnie de Madame, née Rosemonde-Gérard?

Ou S. A. le prince de Sagan et S. A. la princesse épluchant

leurs légumes pour faire le pot-au-feu familial.

M. Le Bargy, arbitre des élégances, balayant

sa chambre, avant d'aller jouer son rôle de don Juan.

Mademoiselle Sorel (Cécile) obligée de battre

ses tapis... C'est ça qui serait un rêve pas banal!...

M. et Madame Deschanel, contraints d'aller chercher

leurs provisions, chez le fruitier d'en face.

M. Henri de Rostchild en train de panser ses chevaux

de courses... Honny soit qui mal y panse!...

On irait au restaurant, ça n'est pas plus difficile que ça...

susurre ce petit espiègle de Môssieu Bérenger...

C'est bien joli, mais si les garçons de cafés et de restaurants

se joignaient à leurs collègues? Pauvres patrons, 

les voyez-vous, débordés, servant leurs clients?...

M. Marguery lavant sa vaisselle après ses repas du

soir. Quel joli sujet de tableau pour le prochain salon...

Et M. Meyer Ar... thurenne aux petits soins

pour sa progéniture. Quel joli groupe pour

tenter Rodin...  ou un Puech.

Si la grève s'étend et que le personnel de l'Elysée

 s'y joigne? Diable, que deviendra M. Fallières, 

avec ses réceptions royales?

Un dîner à l'Elysée marquera dans l'histoire.

Voyez-vous Edouard VII se croyant obligé d'aller

 prendre à la cuisine les plats des mains de Mme Fallières?

Et que, dans l'attente d'une visite de ce genre, 

M. Antonin Dubost soit forcé de cirer le

parquet du Sénat.

Et chaque ministre de balayer son ministère: par exemple

M. Dujardin-Baumetz encaustiquant les parquets de la rue de Valois.

Ce serait le règne de la Terreur et, pour ses domestiques,

plus d'un ménage ferait des concessions...

Autrement, nous ne répondons de rien, la grève engendrera

des disputes dans les ménages et de là, au divorce, 

il n'y a qu'un pas.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 25 octobre 1908.