mardi 10 octobre 2017

Orgon.

Orgon.


La petite ville d'Orgon, dans le département des bouches-du-Rhône, est situé sur une colline, qui ne laisse entre elle et la Durance qu'une lisière pour le passage de la grande route. Cette lisière elle-même, a été formée partie aux dépens du rocher, et partie aux dépens de la rivière, dont on a encaissé le lit par des comblements et des travaux considérables, lesquels se continuent encore.
La ville est entourée de remparts; en plusieurs endroits, ils ont été percés pour donner du jour aux maisons qui y sont adossées. Cinq cents maisons environ occupent l'intérieur des remparts et forment des rues assez régulières; quelques habitations anciennes se font remarquer par des restes de sculpture d'un assez beau travail. L'église paroissiale est en haut de la ville, sur un perron: c'est un vieil édifice bien orné et entretenu avec soin; l'Hôtel-de-Ville au contraire tombe de vétusté. Les archives sont importantes, les pièces qu'on a pu classer remontent à l'année 1305.
Au sommet de la cité se trouvent de belles sources qui alimentent une fontaine auprès des remparts; en dehors de la ville plusieurs auberges et quelques maisons forment un commencement de faubourg. Les alentours d'Orgon sont agréables, pittoresques, comme tout le beau pays de Provence; les ponts sur lesquels passe la grande route, les chaussées le long de la Durance, les écluses, le canal de Boisgelin, la voûte sous lequel passe ce canal pour se rendre à Saint-Andiol, les plantations d'arbres qui se multiplient, tous ces objets attirent l'attention du voyageur, et procurent autant d'agrément que d'utilité aux habitants du pays.
La voie Aurélienne venant d'Apt passait à Orgon, et il en existe des vestiges dans ce qu'on appelle le chemin Arlatan. Tout ce pays avait été distribué à des familles romaines; elle y avaient des maisons de campagne, dont on trouve encore des restes à plusieurs endroits, notamment à Valdition. C'est là où se voient les ruines d'un aqueduc; on en a tiré plusieurs inscriptions, dont une paraît dédiée à l'empereur Antonin. 



Les aqueducs romains sont excessivement nombreux dans le département des Bouches-du-Rhône; on peut les diviser en trois classes; les uns conduisaient les eaux dans les villes, et étaient faits aux dépens du public, les autres portaient l'eau dans les maisons de campagne, et avaient été construits par les propriétaires des villæ; enfin les troisièmes étaient destinés au dégorgement et à l'écoulement des eaux stagnantes, et semblent avoir été bâtis aux dépens de plusieurs associations; L'aqueduc d'Orgon entre dans la seconde de ces catégories, il conduisait les eaux d'une campagne à une autre. Les aqueducs particuliers sont innombrables dans ces contrées; si on voulait en faire le dénombrement, il faudrait nommer la plupart des fermes et des bastides de la Provence, car il y a bien peu d'endroits qui n'aient été cultivés et habités par les Romains; partout il y a des restes d'aqueducs, tous construits de la même manière.
Le vieux château d'Orgon paraît dater des derniers temps de l'empire romain. C'était probablement une citadelle élevée pour la défense du passage le plus important de la voie Aurélienne. D'après une vieille histoire manuscrite de la ville d'Arles, Euric, roi des Wisigoths, prit d'assaut le château d'Orgon et y logea ses troupes. Ce fait est mentionné dans un autre manuscrit, avec une note qui dit en substance que cette forteresse s'appelait anciennement castrum Druentiæ, et quand elle fut passée sous la domination des Goths, on l'appela urbs Gothorum. C'est peut être de là qu'est venu, par contraction, le nom de Orgonum, Orgon.
Quoi qu'il en soit, on a la certitude que ce château fut possédé par tous les souverains qui ont régné dans la Provence; ils le considérèrent toujours comme une place forte et très-importante par sa position. Il en est souvent parlé dans les ouvrages des troubadours des XIIe et XIIIe siècles; il servait alors de prison à des seigneurs du Languedoc capturés dans les guerres. Les sires de Sault possédaient la seigneurie d'Orgon en vertu d'une donation du roi Robert; par diverses concessions des années 1424, 1435 et 1438, Orgon fut donné à Antoine Hermentery; mais il ne tarda pas à être réuni au domaine des comtes de Provence.
Il faut remarquer que cette seigneurie avait été déclarée, à différentes époques, devoir être maintenu à perpétuité dans le domaine de la couronne; et même la reine Jeanne et Louis 1er avaient donné aux habitants d'Orgon le privilège de repousser à main armée tous ceux à qui cette seigneurie pourrait être donnée ou vendue par le souverain. Le roi René, en mariant sa fille aînée à Frédéric de Lorraine, lui donna en dot la seigneurie d'Orgon, qui depuis n'est plus sortie de la maison de Lorraine. Le prince de Lambesc la possédait encore à l'époque de la révolution.
Le château d'Orgon fut démoli en 1483 par ordre du sire de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, envoyé à Marseille par Louis XI. A peine était-il reconstruit, qu'il fut compris, sous le règne de Louis XIII, dans le nombre des châteaux dont le cardinal de Richelieu ordonna la démolition, comme favorisant la révolte des seigneurs féodaux. 
Les ruines du château consiste en une grande citerne bien conservée, et en des restes de murailles dont la construction est de différentes époques. Au-dessus de ce château, et sur la montagne dite de Notre-Dame, on voit aussi les débris de l'ancienne forteresse. Le nom de Notre-Dame, donné à cette citadelle, vient d'une ancienne église dédiée à la Vierge, à côté de laquelle était un ermitage. Dans le XVIIe siècle, des moines Augustins remplacèrent l'ermite, et construisirent un couvent, maintenant en ruines.
L'ancien village était immédiatement en dessous du château, dans le quartier appelé aujourd'hui la Savoie; il était fortifié, et ne renfermait que des gens de guerre, des bergers et des familles attachées au seigneur du lieu. Le territoire n'offrait qu'un grand pâturage dans le bas, et des bois dans les parties montagneuses.
Dès le XVe siècle, le sire commença à donner des portions de la terre inculte aux habitants, moyennant une redevance fixe; la population s'accrut alors si rapidement, qu'on construisit un faubourg qui devint plus considérable que la cité. Le quartier de Savoie et le faubourg réunis, ont formé la ville actuelle d'Orgon.

Le Magasin universel, juillet 1837.




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