lundi 21 août 2017

L'aquarium de Brighton.

L'aquarium de Brighton.


L'aquarium est d'invention relativement récente. Autrefois, on n'avait pas, comme aujourd'hui, la curiosité de tout savoir et de tout connaître. Le Jardin des Plantes suffisait aux amateurs d'histoire naturelle. Quand on avait salué les lions, les tigres et les panthères dans la galerie des fauves, quand on avait vu les ours dans leurs fosses, les singes dans leur rotonde et les biches dans leur parc, on n'en demandait pas davantage. On ignorait les mille secrets de la mer; on ne connaissait les poissons que pour les avoir vu paraître sur les tables dans leur cadre de persil vert.
Les travaux de pisciculture commencés au quatorzième siècle par Dom Pinchon, moine de l'abbaye de Réome, abandonnés pendant de longues années, repris enfin dans le courant du dix-huitième siècle par Jacobi, de Golstein, et continués par J. Shaw, Boccius, Remy Gehin, Coste, Berthot, Detzem et Auguste Jourdier, dans ces derniers temps, ont montré qu'il était possible non-seulement d'élever des poissons dans de grands établissement comme celui d'Huningue, mais encore de pouvoir les conserver vivants dans des cages en verre.
L'aquarium était trouvé; et par ce moyen on put rapidement étudier la vie, les mœurs et les transformations des mille espèces de poissons que renferment la mer et les rivières; a travers la vitre, on épia tous leurs mouvements; on appris leurs habitudes. On les vit agir, comme s'ils étaient en liberté au fond des eaux. L'épinoche, en présence des savants qui l'examinaient, construisit son nid délicat; la pieuvre difforme étendit ses tentacules armés de ventouses, et jeta, pour échapper aux regards des curieux, cette liqueur noire qui l'enveloppe comme un nuage lorsqu'elle veut fuir un ennemi. Le Bernard l'ermite découvrit son amour pour la propriété d'autrui en s'installant dans les coquilles des autres après avoir préalablement dévoré leurs propriétaires naturels.
Toutes les personnes qui ont visité l'Exposition de 1867 ont admiré le bel aquarium qui fut construit dans le jardin. C'est le plus beau de tous ceux qui ont été faits jusqu'ici. Il est bien regrettable qu'il ait été détruit comme toutes les merveilles éphémères qui embellissaient le Champ de Mars. L'aquarium du Jardin d'Acclimatation, le seul qui existe en ce moment à Paris, est loin de présenter autant d'intérêt. Il est plutôt conçu dans un but pratique que dans un but scientifique pur.
L'Angleterre est plus riche que la France sous ce rapport. On cite l'aquarium de Liverpool qui est spécialement consacré à l'étude des batraciens. Toutes les espèces de grenouilles s'y trouvent représentées, depuis la grenouille verte jusqu'à la grenouille d'Amérique.
L'aquarium de Brighton contient des espèces variées de poissons, de mollusques et de coquillages. On peut regretter cependant que la galerie soit construite dans le style gothique, ce qui jure un peu avec la destination affectée à ce bâtiment. 



La disposition des cases affectées aux différentes variétés est heureuse et rappelle celle de l'aquarium de 1867. En outre, au milieu de la galerie, on a placé, sur des socles, une série d'aquariums visibles de tous les côtés.




L'aquarium a maintenant été mis à la portée de tout le monde. Le premier type de l'aquarium, c'est le bocal barométrique où l'on met des grenouilles qui montent sur une échelle de bois quand le temps devient beau. Maintenant on en fait qui sont très-élégants, avec des rocailles; on peut y mettre soit des goujons, soit des hippocampes, qui se conservent fort bien. Le poisson rouge tend à détrôner le serin traditionnel.
On a poussé ces derniers temps, la réduction de l'aquarium aux dernières limites de l'exiguïté. Une petite boule de verre, grosse comme une pomme ordinaire, suffit à contenir tout un monde de poissons nains. C'est plaisir à les voir s'agiter dans leur océan microscopique. Gracieux et légers, ils parcourent en tout sens leur étroite prison; ils font miroiter leurs armures de nacre, aussi simples qu'étincelantes. Leur donne-t-on quelque-uns de ces petits vers roses, mince comme des fils, aussitôt tous se précipitent sur la proie qui leur est offerte. C'est à qui sera le plus fort ou le plus adroit. Les grandes passions qui gouvernent tous les êtres de l'univers n'ont pas abdiqué leur empire sur la goutte d'eau, où végètent les infiniment petits.
Quelques-uns de ces petits poissons sont envoyés de fort loin. Il est assez difficile de trouver un moyen de transport commode pour eux. S'ils ont besoin d'être dans l'eau pendant la route, il faut aussi qu'ils aient de l'air frais, de l'air qui se renouvelle souvent. Des tentatives de toutes sortes ont été faites dans le but de résoudre ce problème. Presque toujours, si on laisse une ouverture pour l'introduction de l'air, l'eau s'échappe; si l'on ferme le récipient, l'air manque, et dans ces deux cas, le résultat est le même. Un des moyens les plus curieux consiste dans l'envoi par la poste. Les petits poissons sont placés dans de la mousse humide, et enfermés dans une enveloppe de toile. Il paraît que ce procédé réussit quelque fois, ou quand le timbre des employés de la poste ne s'abat pas sur les petits voyageurs.

                                                                                                                            R. D?

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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