dimanche 16 juillet 2017

Les traditions de la place Maubert. (part I)

Le couvent des carmes. (part I)


On a dit longtemps, et l'on répète, en parlant d'un homme grossier et impoli, "qu'il a appris à faire des compliments à la place Maubert." Cela ressemble à un proverbe.
D'autre part, quel dédain affectent les gens comme il faut, à l'égard des faubouriens en général, et particulièrement à l'égard des habitants du faubourg Saint-Marceau!
Laissons gloser ces beaux messieurs, nous qui avons pris naissance dans cette portion du Paris méridional; qui n'avons pas oublié l'antique notoriété de ce quartier populeux, où tant d'hommes célèbres ont étudié, parlé, agi, depuis Maître-Albert jusqu'à Michelet.
Ce coin que l'on n'a pas cessé de nommer la Place Maubert, malgré ses transformations radicales, ne laisse pas d'intéresser par les plus charmants souvenirs.
Soyons son historien, et reconstituons autant que possible son passé en ruines.
De même que nous avons retracé les plaisirs de l'ancien boulevard du Temple, efforçons-nous de décrire, à toutes les époques, la ruche de travailleurs dont le bourdonnement partait de la place Maubert pour se faire entendre dans les autres quartiers de la capitale.
Ce lieu formait, dans le principe, un centre actif placé à l'extrémité de ce qu'on nommait l'Université, une des trois grandes divisions du Paris ancien. Dès le treizième siècle, il s'y trouvait un grand nombre de maisons, quelques-unes bâtie en 1210, lorsque, aux environs, le territoire restait couvert de chardons, d'où le nom "du Chardonnet" donné plus tard à l'église de Saint-Nicolas.
Il était dans la justice et censive, dans l'étendue des terres roturières qui dépendaient de l'abbaye de Sainte-Geneviève. Mais tout auprès s'élevait l'église de Saint-Victor, qu'Israël Silvestre nous montre encore debout au milieu d'une véritable campagne, comme il nous présente une perspective de Notre-Dame, vue du quai de la Tournelle, avec la rivière entièrement libre, des terrains qui vont jusque là en descendant, et des rues qui aboutissent à la place Maubert. Le peintre Charles Lebrun avait alors sa maison rue des-Fossés-Saint-Victor.
Pendant le moyen âge, la place Maubert servait de rendez-vous aux écoliers, bateliers, oisifs et tapageurs de toute espèce. François Villon, qui demeurait, en 1455, rue du Cloître-Saint-Benoit, aux environs, devait chercher dans les cabarets voisins des Carmes, le moyen de faire

... ses repues franches
Tant jours ouvriers que dimanches.

Les hérauts du roi y dénonçaient à tous les publications de paix, sans doute parce que si quelque sédition menaçait de troubler la tranquillité de Paris, on pouvait être certain qu'elle prendrait naissance à la place Maubert. Les bandes qui firent les massacres des prisons, en 1418, s'y sont assemblées avant d'agir.
Une boucherie y fut établie, dès 1245. Elle contint quatre étaux. De temps immémorial un marché s'y trouvait, très-suivi, d'autant plus qu'à ce carrefour aboutirent les rues de la Montagne-Sainte-Geneviève, des Noyers, Galande, de Bièvre, de Saint-Victor, Perdue, des Lavandières et du Pavé.
D'après le plan de La Caille (1714), on y comptait soixante deux maisons, dans les premières années du dix-huitième siècle. Au milieu, se voyait une fontaine, auprès de laquelle était situé la Barrière des Huissiers et Sergents, longtemps célèbre.
Au marché de la place Maubert, nombre de boulangers trafiquaient sur le pain, les mercredis et vendredis; principalement sur le pain de Gonesse, bon pour les estomacs délicats. La foule y achetait aussi toute sorte de vivres, marée, poisson d'eau douce, goujons, si recherchés par les Parisiens, fruits et verdure. Après les Halles, aux Innocents, c'était le mieux approvisionné des marchés de la capitale.
Il a beaucoup perdu de son importance, depuis que les vendeuses ont été parquées dans un bâtiment couvert.

(A suivre)

Le Musée  universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1875.

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