L'Ecole polytechnique.
L'Ecole Polytechnique marche à la tête de nos grandes institutions nationales. A une époque où les sciences exactes sont appelées à jouer un rôle de plus en plus considérable, l'importance de cette école est appelée à grandir tous les jours. C'est la pépinière de nos ingénieurs, de nos officiers du génie; c'est de là que sont sortis pour la plupart nos plus éminents savants.
C'est au milieu de la Révolution, que l'Ecole polytechnique fut crée. Les événements graves de l'époque avaient interrompu tous les cours. La guerre a de cruelles nécessités; un décret de la Convention avait appelé sous les drapeaux toute la jeunesse studieuse qui, par goût ou par besoin, se destinait à l'enseignement.
Quelques écoles seules n'avaient pas fermé leurs portes. On citait entre autres le génie militaire à Mézières, l'école des mines créée quelques années avant la Révolution.
Un savant illustre, Monge, fils d'un marchand forain de Beaune, auteur de la géométrie descriptive, comprenant que l'instruction scientifique négligeait par trop le côté pratique, pour ne s'occuper que de la théorie, conçut le plan d'ouvrir une seule et même école à tous les corps d'ingénieurs. Monge fit part de ce projet à deux membres du Salut public qui avaient été ses élèves, Carnot et Prieur de la Côte-d'Or.
Ceux-ci firent introduire dans la loi un article additionnel, constituant une Ecole centrale des travaux publics, et chargeant une commission spéciale de composer le programme des concours qu'il faudrait subir pour être admis à suivre ces cours.
La commission des travaux publics choisit le Palais-Bourbon pour y installer la nouvelle école. Fourcroy, membre du comité du Salut public, fut chargé de présenter le rapport sur la constitution de l'oeuvre.
Ce ne fut que le 7 vendémiaire an III (28 septembre 1794), que la loi fut promulguée. Elle déterminait les conditions de l'examen. Il fallut ouvrir une enquête sur la conduite des candidats. Ceux-ci devaient prouver leur attachement au gouvernement et posséder les premières notions de la géométrie, de la physique et des sciences mathématiques. On pouvait concourir entre seize et vingt ans; enfin le chiffre des admissions était fixé à quatre cents.
Zamblardie, directeur des ponts et chaussées, qui avait secondé Monge dans toutes ses démarches, fut chargé de diriger l'Ecole. Les élèves étaient logés en ville et recevaient une indemnité de 1.200 francs par an. Après avoir suivi les cours pendant trois ans, ils devaient être occupés par l'Etat comme ingénieurs et chargés des services publics.
Le niveau des sciences était si peu élevé à cette époque, que le chiffre des admissions après le premier concours ne s'éleva qu'à 349, quoique la loi autorisât la réception de quatre cents candidats. Pour compléter le chiffre qui répondant aux besoins de l'Etat, on dut en quelque sorte violer la loi et recevoir des élèves ayant dépassé la limite d'âge.
C'est le 1er septembre 1795 (15 fructidor an III) que le nom d'Ecole polytechnique fut donné à la nouvelle institution. Le mode d'admission fut changé et le chiffre des élèves fut réduit à deux cent cinquante.
En 1800 seulement, fut prise la disposition en vertu de laquelle les élèves sortant de l'Ecole polytechnique devaient compléter leurs études dans des écoles spéciales d'application. Le même décret instituait un conseil de perfectionnement.
Les conditions libérales de l'école portant ombrage à Napoléon 1er, un décret en date du 16 juillet 1804, caserna les élèves au collège de Navarre. Ils étaient divisé en compagnies et devaient former un bataillon sous les ordres du général Lamée.
Sous la Restauration, sous le monarchie de juillet, à la suite de révoltes ou d'actes d'indiscipline ayant presque toujours une origine politique, l'Ecole polytechnique fut plusieurs fois licenciée, mais elle fut toujours réorganisée peu de temps après son licenciement.
Un décret du 30 novembre 1863 et un règlement ministériel du 5 mars 1857, régissent aujourd'hui cette institution. Le chiffre des promotions s'est élevé dans ces derniers temps de façon considérable. Il faut former des cadres nouveaux. La promotion de 1872 s'élève au chiffre de 260 à 280. Sous le règne de Napoléon III, le chiffre ne dépassait jamais 140 par an.
C'est qu'il y a de nombreux vides à combler. Les élèves de l'Ecole polytechnique n'ont pas en effet marchandé leur vie dans la dernière guerre. Comment un français jeune et courageux pourrait-il se livrer froidement à l'étude des sciences mathématiques, tandis que ses frères se font tuer. L'Ecole polytechnique qui s'était réfugiée à Bordeaux pendant la guerre fut vite délaissée. On ne pouvait empêcher ces jeunes gens d'aller faire le coup de feu, et on utilisa leur connaissance dans l'armée.
L'Ecole polytechnique prépare des élèves aux concours suivants: les ponts et chaussées, les mines, le corps d'état-major, les manufactures de l'Etat, les télégraphes, le génie militaire, le génie maritime, la marine nationale; les élèves ne peuvent être admis dans les services publics qu'après avoir passé les examens de sortie.
Les cours d'étude durent deux ans. L'Ecole est dirigée militairement, la discipline est sévère. Chaque élève paye une pension de 1.000 francs et doit être pourvu d'un trousseau de cinquante francs au moins.
Les concours d'admission ont lieu tous les ans et comportent deux genres d'épreuves: les épreuves écrites et les épreuves orales.
A Paris, les examens commencent en général du 10 au 15 juillet. Un décret inséré au Journal officiel fixe les dates choisies pour les examens dans les départements.
On ne peut concourir que de seize à vingt ans. Une faveur spéciale est accordée aux sous-officiers qui ont fait deux ans de service avant la limite d'âge fixée par la loi. Ceux-là peuvent subir les épreuves de l'examen, jusqu'à de vingt-cinq ans.
Les élèves de l'Ecole polytechnique forment, comme sous le premier empire, un bataillon composé de quatre compagnies ou deux divisions. La première division contient les anciens, la seconde est composée des nouveaux venus. Les cours oraux se font dans de vastes amphithéâtres. Chaque compagnie est commandée par un capitaine, un adjudant, un sergent-major, un fourrier, deux sergents. Les sous-officiers sont choisis parmi les élèves. Le général désigne ceux qui ont les meilleures notes.
Chaque salle d'études est surveillée par un élève gradé qui est le chef. Les élèves doivent sans cesse être en tenue. On se lève à six heures; l'appel commence à six heures et demie. Les professeurs doivent tenir une comptabilité très-exacte, des notes qu'ils distribuent à la fin de chaque interrogatoire, car ces notes comptent pour moitié dans les classements qui se font à la fin de l'année. A la fin de chaque cours, quelques élèves sont interrogés.
Les élèves de la première division suivent un cours d'école de peloton et se rendent, à la fin de l'année scolaire, à Vincennes, pour y apprendre les premiers éléments d'artillerie. Les élèves peuvent sortir deux fois par semaine: le mercredi de deux heures et demie à dix heures du soir et le dimanche de neuf heures du matin à dix heures du soir. L'appel est fait le soir à la rentrée et des peines sévères sont appliquées aux retardataires.
On passe des examen pour entrer d'une division dans l'autre, et le classement des places obtenues a une immense importance, parce que les premiers ont le droit de choisir leur profession. L'Ecole polytechnique compte très rarement des fruits secs. Les élèves sont stimulés par l'espoir de conquérir les premières places dans les examens, et par conséquent, de pouvoir choisir la carrière qui leur paraîtra la plus avantageuse. Ils sont, au bout de deux ans, rompus à toutes les théories scientifiques et peuvent suivre avec fruit les cours d'application des différentes écoles qui ont été instituées dans un but pratique.
Le nombre des élèves de nos lycées qui se présentent est considérable, le nombre des élus est restreint. La difficulté qu'on éprouve à être admis est grande. Aussi, est-ce un véritable titre de science, de pouvoir dire qu'on sort de l'Ecole polytechnique. Un grand nombre d'anciens élèves qui n'ont pas voulu entrer dans les différentes administrations ont mis, ces dernières années, leurs capacités au service des industrie privées. La plupart ont acquis des fortunes importantes.
Créée par la Convention, suspecte à tous les gouvernements, l'Ecole polytechnique n'a cessé de persévérer dans les traditions libérales des Monge et des Carnot.
Guy de Binos.
Le Musée universel, revue hebdomadaire illustrée, premier semestre 1874.
Ceux-ci firent introduire dans la loi un article additionnel, constituant une Ecole centrale des travaux publics, et chargeant une commission spéciale de composer le programme des concours qu'il faudrait subir pour être admis à suivre ces cours.
La commission des travaux publics choisit le Palais-Bourbon pour y installer la nouvelle école. Fourcroy, membre du comité du Salut public, fut chargé de présenter le rapport sur la constitution de l'oeuvre.
Ce ne fut que le 7 vendémiaire an III (28 septembre 1794), que la loi fut promulguée. Elle déterminait les conditions de l'examen. Il fallut ouvrir une enquête sur la conduite des candidats. Ceux-ci devaient prouver leur attachement au gouvernement et posséder les premières notions de la géométrie, de la physique et des sciences mathématiques. On pouvait concourir entre seize et vingt ans; enfin le chiffre des admissions était fixé à quatre cents.
Zamblardie, directeur des ponts et chaussées, qui avait secondé Monge dans toutes ses démarches, fut chargé de diriger l'Ecole. Les élèves étaient logés en ville et recevaient une indemnité de 1.200 francs par an. Après avoir suivi les cours pendant trois ans, ils devaient être occupés par l'Etat comme ingénieurs et chargés des services publics.
Le niveau des sciences était si peu élevé à cette époque, que le chiffre des admissions après le premier concours ne s'éleva qu'à 349, quoique la loi autorisât la réception de quatre cents candidats. Pour compléter le chiffre qui répondant aux besoins de l'Etat, on dut en quelque sorte violer la loi et recevoir des élèves ayant dépassé la limite d'âge.
C'est le 1er septembre 1795 (15 fructidor an III) que le nom d'Ecole polytechnique fut donné à la nouvelle institution. Le mode d'admission fut changé et le chiffre des élèves fut réduit à deux cent cinquante.
En 1800 seulement, fut prise la disposition en vertu de laquelle les élèves sortant de l'Ecole polytechnique devaient compléter leurs études dans des écoles spéciales d'application. Le même décret instituait un conseil de perfectionnement.
Les conditions libérales de l'école portant ombrage à Napoléon 1er, un décret en date du 16 juillet 1804, caserna les élèves au collège de Navarre. Ils étaient divisé en compagnies et devaient former un bataillon sous les ordres du général Lamée.
Sous la Restauration, sous le monarchie de juillet, à la suite de révoltes ou d'actes d'indiscipline ayant presque toujours une origine politique, l'Ecole polytechnique fut plusieurs fois licenciée, mais elle fut toujours réorganisée peu de temps après son licenciement.
Un décret du 30 novembre 1863 et un règlement ministériel du 5 mars 1857, régissent aujourd'hui cette institution. Le chiffre des promotions s'est élevé dans ces derniers temps de façon considérable. Il faut former des cadres nouveaux. La promotion de 1872 s'élève au chiffre de 260 à 280. Sous le règne de Napoléon III, le chiffre ne dépassait jamais 140 par an.
C'est qu'il y a de nombreux vides à combler. Les élèves de l'Ecole polytechnique n'ont pas en effet marchandé leur vie dans la dernière guerre. Comment un français jeune et courageux pourrait-il se livrer froidement à l'étude des sciences mathématiques, tandis que ses frères se font tuer. L'Ecole polytechnique qui s'était réfugiée à Bordeaux pendant la guerre fut vite délaissée. On ne pouvait empêcher ces jeunes gens d'aller faire le coup de feu, et on utilisa leur connaissance dans l'armée.
L'Ecole polytechnique prépare des élèves aux concours suivants: les ponts et chaussées, les mines, le corps d'état-major, les manufactures de l'Etat, les télégraphes, le génie militaire, le génie maritime, la marine nationale; les élèves ne peuvent être admis dans les services publics qu'après avoir passé les examens de sortie.
Les cours d'étude durent deux ans. L'Ecole est dirigée militairement, la discipline est sévère. Chaque élève paye une pension de 1.000 francs et doit être pourvu d'un trousseau de cinquante francs au moins.
Les concours d'admission ont lieu tous les ans et comportent deux genres d'épreuves: les épreuves écrites et les épreuves orales.
A Paris, les examens commencent en général du 10 au 15 juillet. Un décret inséré au Journal officiel fixe les dates choisies pour les examens dans les départements.
On ne peut concourir que de seize à vingt ans. Une faveur spéciale est accordée aux sous-officiers qui ont fait deux ans de service avant la limite d'âge fixée par la loi. Ceux-là peuvent subir les épreuves de l'examen, jusqu'à de vingt-cinq ans.
Les élèves de l'Ecole polytechnique forment, comme sous le premier empire, un bataillon composé de quatre compagnies ou deux divisions. La première division contient les anciens, la seconde est composée des nouveaux venus. Les cours oraux se font dans de vastes amphithéâtres. Chaque compagnie est commandée par un capitaine, un adjudant, un sergent-major, un fourrier, deux sergents. Les sous-officiers sont choisis parmi les élèves. Le général désigne ceux qui ont les meilleures notes.
Chaque salle d'études est surveillée par un élève gradé qui est le chef. Les élèves doivent sans cesse être en tenue. On se lève à six heures; l'appel commence à six heures et demie. Les professeurs doivent tenir une comptabilité très-exacte, des notes qu'ils distribuent à la fin de chaque interrogatoire, car ces notes comptent pour moitié dans les classements qui se font à la fin de l'année. A la fin de chaque cours, quelques élèves sont interrogés.
Les élèves de la première division suivent un cours d'école de peloton et se rendent, à la fin de l'année scolaire, à Vincennes, pour y apprendre les premiers éléments d'artillerie. Les élèves peuvent sortir deux fois par semaine: le mercredi de deux heures et demie à dix heures du soir et le dimanche de neuf heures du matin à dix heures du soir. L'appel est fait le soir à la rentrée et des peines sévères sont appliquées aux retardataires.
On passe des examen pour entrer d'une division dans l'autre, et le classement des places obtenues a une immense importance, parce que les premiers ont le droit de choisir leur profession. L'Ecole polytechnique compte très rarement des fruits secs. Les élèves sont stimulés par l'espoir de conquérir les premières places dans les examens, et par conséquent, de pouvoir choisir la carrière qui leur paraîtra la plus avantageuse. Ils sont, au bout de deux ans, rompus à toutes les théories scientifiques et peuvent suivre avec fruit les cours d'application des différentes écoles qui ont été instituées dans un but pratique.
Le nombre des élèves de nos lycées qui se présentent est considérable, le nombre des élus est restreint. La difficulté qu'on éprouve à être admis est grande. Aussi, est-ce un véritable titre de science, de pouvoir dire qu'on sort de l'Ecole polytechnique. Un grand nombre d'anciens élèves qui n'ont pas voulu entrer dans les différentes administrations ont mis, ces dernières années, leurs capacités au service des industrie privées. La plupart ont acquis des fortunes importantes.
Créée par la Convention, suspecte à tous les gouvernements, l'Ecole polytechnique n'a cessé de persévérer dans les traditions libérales des Monge et des Carnot.
Guy de Binos.
Le Musée universel, revue hebdomadaire illustrée, premier semestre 1874.
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