mercredi 21 décembre 2016

Modes d'hiver.

Modes d'hiver.


Les derniers jours de décembre arrivent sans que la saison d'hiver se soit manifestée par le côté brillant des réunions et des bals; beaucoup de familles, que des pertes cruelles à l'armée d'Orient ont plongée dans le deuil, d'autres auxquelles le ralentissement des opérations du siège de Sébastopol laissent de vives inquiétudes, ont prolongé plus que de coutume leur séjour à la campagne, laissant ainsi fermées à Paris les portes de leurs salons, ordinairement ouvertes à cette époque de l'année.
Les robes de soirées, les toilettes de bal et les parures de cour, ou s'élaborent encore dans le silence de l'atelier, ou n'attendent que l'annonce d'un heureux événement pour se produire avec éclat dans les réceptions et les fêtes dont cette solution désirée deviendra le signal.
Pour être véridique, la chronique de la mode doit donc en ce moment se borner à l'examen des toilettes de ville, seule manifestation visible des habiles travaux de nos artistes en mode et en couture.




L'industrie lyonnaise enrichit chaque jour sa fabrication de la soie d'étoffes et de dispositions nouvelles; aux moires antiques, aux damas, aux chinés, se sont ajoutés les droguets, les pékins et les brocatelles, le tout enrichi de dispositions en peluche simulant les plumes de perdrix, de faisan et d'autruche avec un ressort, un velouté et une vérité qui permettent à peine de distinguer l'art de la nature; ces étoffes, largement bouffantes, exigent dans les ornements de la jupe une simplicité qui fait prévoir la prochaine déchéance des volants, tout en admettant la richesse, et même la profusion des garnitures de toute nature.
Le manteau collet et le pardessus, devenus le complément nécessaire de la toilette de ville, justifient la faveur dont ils sont l'objet; le manteau convient mieux aux jeunes personnes, dont il drape avec avantage les formes frêles et délicates; le pardessus suit avec plus de souplesse la ligne serpentine, si célébrée par Hogarth, qui distingue particulièrement la taille des jeunes femmes; des peluches frisées et des drap fabriqués sans envers, et pouvant être employés sans doublures, sont, sous les dénominations diverses de ouatine, de peau de taupe, de loutre ou d'agneau, spécialement affectés à la confection de ces manteaux ou par-dessus; la couleur grise, plus généralement adoptée, se prête à recevoir toutes les garnitures de rubans, galons, velours et passementeries de couleurs assorties ou tranchantes; des pattes opèrent la fermeture des manteaux; elles sont remplacées, dans les pardessus, par un système de boutons et de boutonnières empruntés aux paletots d'hommes.
Quelle que soient la vogue dont elles jouissent ces confections doivent céder le pas à la fourrure, cachet distinctif de la femme élégante. Garni en martre, en renard bleu ou en petit gris, le manteau, le pardessus ou même le witchoura, auquel on revient insensiblement, seront toujours avec le manchon assorti, le complément le plus riche de la toilette d'hiver.
Les chapeaux commencent à se porter beaucoup moins renversés en arrière, et la passe s'allongeant fixe mieux le chapeau sur la tête, et dispense la femme de recourir à l'usage incommode des longues épingles, qu'un renversement exagéré rendait nécessaires. Cette heureuse modification se fait surtout remarquer dans les modes exposées dans ses salons de la rue de Richelieu, par Mme Tamburini, qui a conservé les traditions de distinction particulières à l'école de Baudrant, de laquelle elle est sortie.
De très-légers changements ont été apportés dans la forme des vêtements masculins; l'habit est un peu plus allongé, le pantalon un peu moins étroit, la grande redingote de couleur brune ou grise, avec mélange de blanc, ne se voit plus guère que sous la coupole et les colonnes de la Bourse, et Humann l'a complètement répudié pour le pardessus-paletot doublé en soie ou en velours, vêtement dont l'ampleur et la distinction ne pouvait échapper au coup d’œil de l'artiste qui consacre ses loisirs à la reproduction des têtes souveraines de France et d'Angleterre.

                                                                                                                             G. F.

L'Illustration, journal universel, 23 décembre 1854.

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