Superstitions druidiques en Basse-Normandie.

Superstitions druidiques en Basse-Normandie.

D'épaisses forêts couvraient autrefois le bocage bas-normand, et leurs sombres profondeurs voyaient s'accomplir les sanglants sacrifices de la religion de Teutatès; mais depuis quinze siècles, les druides ne sont plus; les forêts ont disparu, et des temples du terrible dieu des Gaulois, à peine s'il reste quelques pierres éparses et mutilées. Cependant le paysan bas-normand a conservé vivace, indestructible le souvenir de la religion de ses pères, et le kromlech est encore pour lui la demeure d'un dieu inconnu qu'il vient fréquemment invoquer.

L'enceinte druidique de la Primaudière, en la commune de Montchauvet, est le but de nombreux pèlerinages de paysans qui y apportent leurs enfants malades et prient le dieu païen de les guérir.

C'est cette scène que j'ai essayé de reproduire.

Voici quelques détails extraits de l'histoire de Condé par M. l'abbé Barette:

"La pierre Dyallan, située dans le bois de feu M. le maréchal Grouchy, sur le territoire de la commune de Jurques, au midi de l'église de la Bigne, est en silex et a près de trois mètres de haut, cinq de long et trois de large; la table repose sur quatre supports aussi en silex, disposés pour la soutenir. Les alentours offrent les débris d'une douzaine de pierres de moins grande dimension et formant une enceinte circulaire. La pierre Dyallan a la forme d'une table brute sut toute sa surface; mais on croit remarquer au centre une certaine excavation, peut-être naturelle, d'où partent deux espèces de rainures ou fissures qui s'étendent jusqu'aux parties les plus inclinées de la pierre. Les eaux de pluie suivent cette direction pour s'écouler à terre; et, s'il y eût jamais, comme on le prétend, des sacrifices humains sur ces autels grossiers, le sang des victimes a du très-bien s'écouler par ce point.

"On a jadis pratiqué des fouilles sous la pierre Dyallan pour y trouver des trésors; et les grand'mères y vont encore, comme en un lieu de pèlerinage, pour obtenir que leurs petits fils ne fassent pas partie de ceux que le sort appelle sous les drapeaux. En voyant ces villageoises prosternées auprès d'une pierre druidique et priant avec ferveur pour obtenir que leurs enfants ne soient pas enrégimentés, ne se reporte-t-on pas par la pensée à ces siècles barbares où les femmes gauloises, échevelées et baignées de larmes, allaient aussi, il y a deux mille ans, se prosterner au pied de cette même pierre et prier Teutatès de délivrer leurs enfants de la mort cruelle qui les attendait, sur ce dolmen, sous les coups de la hache de la druidesse, si le sort fatal les désignait comme victimes?

"En suivant la route d'Aunay à Vire, à deux kilomètres de l'église de Danvou, on trouve, au couchant, sur le territoire de Montchannel, les restes d'une enceinte druidique ou kromlech, jusqu'ici non décrite, et digne de l'être cependant sous bien des rapports. Ces pierres druidiques s'élèvent dans un champ cultivé connu sous le nom de champ du Hou; le nom significatif de la Primaudière (primordium), que porte cette localité, témoigne qu'elle a été habitée dès l'antiquité la plus reculée. Ces pierres sont de grès, plates, la plupart plus larges à leur sommet qu'à leur base, et l'on y reconnaît dès le premier aspect ces obélisques grossiers qu'élevait jadis la main puissante de nos pères, dans un but et avec des intentions qui n'ont pu nous être bien expliquées encore jusqu'à ce jour. En approchant un peu de ces monuments, on voit qu'ils sont disposés en demi-cercle. La plus élevée de ces pierres a environ trois mètres de hauteur et sept de circonférence à sa base. Six autres d'une moindre dimension forment une partie de l'enceinte sur soixante-six pas d'étendue du nord au levant. Quelques pierres du même genre, renversées ou à demi brisées, se trouvent dans le même champ et à peu de distance, et dans les champs voisins. D'autres ont été enterrées et brisées à diverses époques. On ne peut douter qu'il n'en ait disparu beaucoup que les laboureurs auront enfoncées ou enlevées pour cultiver le champ qu'elle avaient envahi. L'on ne peut évaluer dès lors, le nombre auquel elles se sont montées jadis. Si l'on suppose qu'un nombre à peu près égal à celles qui existent encore ait entièrement disparu sans laisser de traces, il se trouvera qu'il n'y avait pas en ce lieu moins de vingt ou vingt-cinq pierres monumentales formant une enceinte circulaire dont le diamètre devait être d'environ cent cinquante pas.

"Les lieux voisins de la Primaudière portent des noms significatifs: les Châteaux des druides, qui se trouvent dans le bois du Parc-Huet; la Druame, petite rivière qui y prend sa source et dont le nom est formé de deux mots celtiques: an, près, drus, des druides.

"On appelle Teutaquerie, rie: habitation de Teutatès et Vorie, rie: habitation et vo: de dieu, les deux villages environnants."

L'Illustration, 13 janvier 1855.