vendredi 12 août 2016

Le port Saint-Nicolas à Paris.

Le port Saint-Nicolas à Paris.


La grande ambition des Parisiens serait de voir les navires remonter jusqu'en vue des tours de Notre-Dame. Le but commercial est bien pour quelque chose dans ce désir, mais il y a aussi une raison que l'on avoue pas tout haut et qui, peut-être, parle plus fort que les autres. On voudrait que Paris n'eût rien à envier à Londres.
Ah! si Paris était port de mer! Quel est le Parisien le moins ambitieux qui n'a pas prononcé cent fois cette phrase.
Depuis qu'il est question du canal maritime, dont les journaux se sont tant occupés il y a quelque mois, toutes les espérances assoupies se sont réveillées plus vivaces que jamais, et ce n'est plus, sans un profond mépris, que le vrai Parisien, l'indigène, regarde ce bateau qu'il avait décoré du nom de frégate-école. C'est tout au plus si la Seine et Tamise, un vrai vaisseau celui-là, qui fait régulièrement la traversée de Paris à Londres, chaque semaine, trouve grâce à ses yeux.
Il y a quelques jours, bon nombre de Parisiens, en passant sur les quais, se frottaient les yeux dans la crainte d'être les jouets d'une illusion. Cinq, six, huit bâtiments, des vrais vaisseaux, se balançaient mollement dans le port Saint-Nicolas. Des vapeurs! des voiliers! c'était à n'y pas croire.




Aussi tous les bons patriotes s'empressèrent-ils d'aller vérifier la chose. Pendant huit jours, le port Saint-Nicolas eut un faux air de Marseille et du Havre, et devint le but de promenade de tous les amateurs de marine. Les gamins connaissaient déjà la manœuvre et nommaient avec emphase chaque partie des navires de son nom technique.
Hélas! la gloire du port Saint-Nicolas n'a pas été de longue durée. Ce mouvement inusité était causé par une interruption de la navigation sur le canal Saint-Martin; les navires sont retournés à la mer, et comme les bâtiments qui peuvent remonter jusqu'à Paris sont peu nombreux, qui sait quand la Seine reverra de pareilles splendeurs?

                                                                                                                             A. H.

Le Monde illustré, 16 avril 1864.

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