lundi 1 février 2016

Une tasse de thé, chère madame?

Une tasse de thé, chère madame?


- Vous souriez, donc vous acceptez!
Au dix-huitième siècle, vous n'auriez eu qu'à laisser votre cuiller dans la tasse que vous veniez de vider; cela signifiait que l'on pouvait à nouveau vous offrir du délicat breuvage.
A cette époque, les dames, les Anglaises surtout, faisaient de véritables orgies de thé. Il était de bon ton d'en prendre trois ou quatre fois par jour et d'en avaler une douzaine de tasses à chaque séance. Un cérémonial assez bizarre présidait à ces beuveries. D'anciennes lithographies dans la manière satirique des Hoggarth et des Rowlandson nous en ont transmis les rites. On y voit les buveuses de thé au nez vermeil, affublées de robes excentriques, installées autour d'une table ronde. Chacune d'elles, après avoir vidé sa tasse, la faisait passer à la maîtresse de maison. Si la petite cuiller était posée sur la soucoupe, c'était signe que l'on abandonnait la partie; la cuiller était-elle dans la tasse? on versait encore. Une provinciale, point au fait de ces habitudes, et qui ne laissait pas sa cuiller dans sa soucoupe, était condamnée à boire tasse sur tasse jusqu'à ce qu'elle se décidât à demander grâce, ce qui coûtait beaucoup à sa vanité.
Aujourd'hui, cette amusante coutume est disparue, et l'on boit moins de thé, même en Angleterre. L'économie n'est pour rien dans cette modération, le thé est loin de valoir aussi cher qu'autrefois. Sous Charles II cette boisson d'origine chinoise atteignit des prix fabuleux. Au dix-septième siècle, il se vendait de deux cent à deux cent cinquante francs la livre, prix qui représenterait plus de mille francs à notre époque. Selon toute vraisemblance, il ne fut introduit en Europe que vers 1650. Les plus grands consommateurs sont les Anglais, les Russes, les Hollandais et les Allemands. Nous ne venons qu'en dernière ligne, il est vrai que nous nous rattrapons sur le café!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 20 janvier 1907.

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