jeudi 17 décembre 2015

Une rue à Alger.

Une rue à Alger.






Plus d'un de nos lecteurs a rencontré quelques scènes semblables dans une des rues montantes du vieux Paris: seulement les enfants n'étaient pas Arabes, et les oranges n'étaient que des pommes. La même turbulence, le même tempérament batailleur, doivent amener chaque jour, des deux côtés de la Méditerranée, les mêmes querelles tragi-comiques.
Mais l'intérêt et le charme du tableau que notre gravure reproduit ne sont pas dans cette petite bataille qui, un moment, a mis en rumeur un quartier ordinairement plongé dans ce silence profond qu'on savoure à Alger pendant les heures chaudes du jour.
Lorsqu'on a la peinture sous les yeux, ce qui attire et arrête surtout le regard, ce sont les jeux magiques de la lumière qui resplendit dans cette pauvre ruelle, c'est le contraste de cette muraille chauffée à blanc et de la paroi plongée dans l'ombre, c'est l'opposition entre ces oranges aux tons d'or, ces pastèques roses et vertes, ces vêtements bariolés, et la large pénombre où, à gauche, se repose la vue et, au fond, la sombre voûte. Ces merveilleux effets, transportés sur la toile avec un art savant et sincère, sont inconnus des habitants du Nord. Dans nos paysages septentrionaux, même en été, une vapeur légère estompe et amortit tous les objets et empêche qu'ils n'apparaissent avec la netteté de lignes, avec la franchise de tons si saisissantes en Orient, en Afrique, et même dans le sud de l'Europe. En compensation, peut-être, nous avons plus de finesse et de dégradations nuancées de teintes: chaque climat a ses beautés; la nature est partout admirable. c'est pourquoi l'art a raison de ne pas se circonscrire dans une seule contrée, et nous devons de la reconnaissance aux peintres qui, depuis Marihat et à son exemple, nous initient aux splendeurs des pays du soleil.

Le Magasin pittoresque, juin 1875.

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