samedi 5 décembre 2015

Le pays de Racan.

Le pays de Racan.

On inaugure aujourd'hui, à Tours, le buste de Racan. Je conseille aux touristes de ne pas séjourner en Touraine sans faire une excursion au pays de Racan. Ils y découvriront de jolis sites et de précieuses œuvres d'art.
Ils descendront à Saint-Paterne, un petit village bien rustique, blotti dans la verdure, dont l'église est un véritable musée de sculpture. Ce fut l'église paroissiale de Racan.
En sortant de l'église, il leur faudra se procurer une voiture qui leur permettra de poursuivre sans fatigue leur excursion dans le pays de Racan, admirable à faire, surtout par une belle journée de mai, lorsque la campagne est pleine de lumière et de parfums, et que les bouquets blancs des arbres fruitiers et les flammes ardentes des genêts lui font une parure d'or et d'argent.
Le paysage a là quelque chose de plus agreste qu'aux environs immédiats de Tours. Et, en effet, on se trouve à l'extrême limite du département; quelques centaines de mètres plus loin, on entrerait dans la Sarthe.
Voici un village dont les maisons toutes blanches grimpent gaiement à l'assaut d'une colline. C'est Saint-Christophe. Les ruines d'une forteresse moyenâgeuse racontent un passé bien oublié par cette paisible bourgade. L'église est célèbre par une gigantesque statue de Saint-Christophe, deux ou trois fois plus grande que nature, fort laide en vérité, mais très populaire dans toute la contrée. Car il parait qu'il suffit aux jeunes filles de gratter la jambe de ce monstre pour se marier dans l'année.
Quelques kilomètres plus loin, et l'on arrive à Bueil. On sait que Racan était seigneur de Bueil. On demeure donc toujours sur son domaine. 



L'église du village est des plus curieuses. Elle se compose de deux églises contiguës qui communiquent l'une avec l'autre. La plus vaste, la collégiale, date de la fin du quatorzième siècle. Elle renferme de belles statues tombales. L'autre église, plus modeste, est l'église paroissiale. Elle fut consacrée en 1512. Les fonds baptismaux sont une véritable merveille de bois sculpté. En ce moment, le soleil emplit la nef d'une lumière blonde qui en fait un morceau de couleur à ravir un peintre.
Il faut ensuite, rendre visite au château qui fut la résidence de Racan. En revenant sur ses pas, un peu avant de rentrer à Saint-Paterne, on aperçoit l'élégante et majestueuse silhouette du château de la Roche-Racan. Ce monument a grand air. 



Racan le fit construire lorsqu'il eut hérité de sa cousine, la duchesse de Bellegarde. A ce moment, il passa de la gêne à l'opulence.
"Ce fut alors, nous dit-il lui-même, que je voulus, dans les bastiments laissé les marques d'avoir esté. La succession de Mme de Bellegarde, qui avait augmenté ma fortune de 15.000 livres de rente, me donna le pouvoir de dépenser 60.000 livres dans la moindre de mes maisons, qui est celle que mon père m'avoit laissée, où j'avois esté nourry: je voulus honorer et relever dans ma bonne fortune la maison qui m'avoit aidé et soutenu dans ma misère; mais la despense que j'y fis, quoiqu'elle fut au-dessus de mes forces, estoit au-dessous de celles des favoris de la fortune dans leurs superbes maisons: c'est ce qui me fit mépriser mon ouvrage."
Le bon Racan était trop exigeant. Cette architecture est-elle l'oeuvre de l'un des Gabriels? Cela est possible, puisque les architectes des colonnades de la place de la Concorde étaient nés à Saint-Paterne, et qu'ils étaient en relation d'amitié avec Racan. Ce qui est certain, c'est que ce château est digne d'eux. 



Lorsque l'on découvre sa blancheur altière entre les feuillages frissonnants des peupliers, on pense voir surgir devant soi quelque palais de contes de fées. Le poète qui l'a entrevu rêve d'y revenir quelque jour

Commencer son repos et finir son tourment...

                                                                                                                Henri Guerlain.

Les Annales politiques et littéraire, Revue universelle paraissant le dimanche, 30 juin 1907.

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