dimanche 22 novembre 2015

Le lit en Hiver et en Été.

Le lit en Hiver et en Été.


Au lit!
Tout le monde a pu remarquer que l'on dort plus ou moins bien selon la température du lit et le poids des couvertures.
Couvertures lourdes, édredon trop pesant et le sommeil est agité. Température trop basse sous les draps ou température trop haute, et l'on a beaucoup de peine à s'endormir. Le lit d'hiver de doit pas être, évidemment, le lit d'été. Quand arrive le printemps, on s'aperçoit vite qu'il faut se découvrir. En hiver, on supporte deux couvertures de laine, une couverture ouatée et même un édredon, et les débiles acceptent volontiers une bouillotte d'eau chaude; quelques-uns vont même jusqu'à deux bouillottes. Puis on s'allège progressivement pour ne plus conserver, en été, qu'un simple drap. Et ces habitudes sont instinctives. On s'arrange pour être à son aise. La règle, c'est de placer sur soi le poids le plus petit et de se garantir contre le froid nocturne selon la température extérieure. C'est tout simple.
Le poids des édredons et des couvertures ouatées doit être réduit au minimum pour ne pas gêner les fonctions du corps, les mouvements du cœur et des organes respiratoires. On dort très mal quand il y a surcharge. Il y a aussi une température optime qui convient le mieux à chaque personne: aux biens portants, aux nerveux et aux malades. On sommeille avec d'autant plus de calme que le lit atteint cette température. Pour les valétudinaires elle doit être assez élevée.
J'ai eu la curiosité de faire quelques déterminations de la température dans le lit, en priant diverses personnes d'installer près d'elles, à vingt centimètres du corps, dans le voisinage de la poitrine, un thermomètre sensible. Ces expériences, assez délicates à réaliser, donnent des résultats variables selon les individualités et selon les couvertures. La température intérieure du lit s'élève, un quart d'heure après le coucher, à trente-quatre et trente-cinq degrés, et plus, vers le tronc, et à peine à trente degrés du côté des jambes. Mais, si le lit porte plusieurs couvertures et un édredon, on obtient trente-six et trente-sept degrés; avec bouillotte simple, l'instrument marque souvent trente-neuf degrés. Cette température s'abaisse de quelques degrés vers la fin de la nuit. Elle varie sensiblement si le sujet pendant les froids, ne serre pas ses draps autour du cou, de façon à empêcher l'air de la chambre de pénétrer dans le lit. On suppose, ici, que la chambre est peu ou très peu chauffée.
L'atmosphère du lit est toujours légèrement toxique, par suite des émanations de la peau et de la respiration cutanée; aussi doit-on laisser pénétrer l'air nouveau en écartant un peu le drap à quelque distance des voies respiratoires. Ce renouvellement de l'air s'effectue toujours plus ou moins par diverses portes d'entrée et amène sans cesse une déperdition de calorique. J'ai recherché sur moi-même quelle était la température qui était la plus favorable au bon sommeil en hiver. En ce qui me concerne, c'est la température du sang; au-dessus de trente-sept à trente-huit degrés, on éprouve, dans les dernières heures de la nuit, une impression de refroidissement; au-dessus de trente-huit à quarante, on a trop chaud. On tend à se découvrir et, vite, le froid extérieur vous rappelle à l'ordre. Il vaut mieux chauffer plus que moins, parce que les diverses parties du lit étant à des températures différentes, les membres instinctivement se déplacent et choisissent la température qui lui convient.
En été, on commence à trouver gênante la température extérieure de vingt-trois à vingt-quatre degrés; on dort mal à partir de vingt-cinq à vingt-six degrés. C'est qu'alors la déperdition de calorique du corps est très faible, même sous un simple drap, et le milieu trop chaud est franchement nuisible à l'organisme. Quand on supprime aussi le drap, il y a toujours danger de refroidissement. La pratique de se découvrir la nuit complètement est à proscrire, surtout si, comme on le recommande aujourd'hui un peu partout, on dort avec une fenêtre entr'ouverte et masquée par les rideaux.
Donc, en hiver, lit chaud et même chauffé pour bien dormir. En été, c'est le contraire, notre corps a besoin de perdre le calorique qu'il fabrique en excès, et il recherche la fraîcheur. Il faut se couvrir au lit un peu comme on s'habille: légèrement ou beaucoup, selon les saisons, sans dépasser la mesure utile. Le système nerveux peut être excité d'abord par la grande chaleur, mais l'effet prolongé le calme et nous incite à dormir. Un bon équilibre de température nous est favorable, et nous devons toujours le rechercher dans les conditions ordinaires de l'existence.

                                                                                                                         Henri de Parville.

Les Annales politiques et littéraires, Revue universelle paraissant le dimanche, 9 juin 1907.

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