samedi 31 octobre 2015

Malines.

Malines.
(Belgique)


Selon quelques historiens, Malines aurait été, dès le milieu du sixième siècle, le chef-lieu d'une seigneurie qui appartenait à Gui d'Ardenne. Celui-ci l'aurait vendu à Monulphe, fils du comte de Dinant et vingt et unième évêque de Tongres; et enfin ce prélat l'aurait cédé à l'église de Liège. Quoi qu'il en soit, les évêques de ce siège eurent de bonne heure une autorité souveraine à Malines. Elle ne leur fut donnée, s'il faut en croire d'autres écrivains, qu'en 910, par le roi Charles le Simple. A cette époque ce n'était qu'une faible agglomération de chaumières élevées autour d'une chapelle dédiée à saint Rombaut, qui y souffrit le martyre quelques temps après le milieu du huitième siècle, et à peine rétablies des désastres dont elle furent affligées pendant les incursions des Normands. Cette bourgade n'occupait à l'origine qu'un étroit espace situé sur la rive droite de la Dyle, et moins exposé, à cause de son élévation, aux débordements de cette rivière; c'était le monticule sur lequel fut bâtie par la suite l'église Notre-Dame.
Peu à peu, elle s'agrandit, grâce aux nombreux concours des pèlerins qu'attirait de toutes parts l'oratoire de Saint-Rombaut. En 970, l'évêque de Liège, Notger, l'entoura d'une enceinte de palissades. Cette première limite se rompit bientôt, et les maisons débordèrent sur la rive droite de la Dyle. Des chapelles, des églises, des monastères, des constructions de toute nature s'élevèrent peu à peu, et la ville fut munie, vers l'an 1300, d'une enceinte de murailles. Malines acquit bientôt une grande importance, et son industrie prit un développement si rapide, qu'en 1370 ses drapiers faisaient travailler trois mille deux cents métiers.
Malheureusement, en 1342, un terrible incendie vint la dévaster en partie, et dévorer les plus belles de ses splendides constructions et quatre paroisses toute entières. La cathédrale de Saint-Rombaud fut rudement atteinte par ce désastre
Cependant, dès le milieu du quatorzième siècle, Malines sortit par degrés de ses cendres et se réédifia de plus belle. Mais ce fut surtout au quinzième siècle que commença la grande période de la splendeur monumentale de cette ville.




Marguerite d'Autriche, à son retour de France, fut reçue à Malines en 1493, et y fixa sa résidence. Son palais, dont il ne reste plus qu'une humble tourelle, à côté de l'église des Jésuites, avait un vaste développement, et élevait audacieusement dans l'air sa tour façonnée en forme de quille, et ses pignons sur lesquels étaient accroupis des lions armés de bannières. Cette riche habitation, où la jeune princesse se consola longtemps de son triple veuvage, servit plus tard de demeure au jeune Charles-Quint, dont Marguerite fut la tutrice. Ce fut le rendez-vous des artistes et des savants dont la fille de Marguerite de Bourgogne se plaisait à s'entourer pour se distraire des chagrins qui affligèrent sa vie. C'est là que Bernard Van-Orley conçut ses plus gracieuses peintures; là que brillèrent tous ces musiciens célèbres dont le nom vivra autant par leurs propres œuvres que dans les pages immortelles de Rabelais; là qu’Érasme lui-même reçut l'accueil dû à l'esprit et à la science. 
Parfois le vieux palais remplaçait les fêtes calmes et silencieuses de l'intelligence par des fêtes plus bruyantes et moins sévères. On faisait venir du pays de Waas quelques-uns de ces joueurs de clairon si renommés alors par leurs poumons infatigables, et les portes de la royale demeure s'ouvraient toutes larges pour livrer passage à un cerf à dix cors, sur les traces duquel le futur empereur d'Allemagne lançait une meute acharnée. La chasse bondissait à travers les rues; les cors retentissaient, les chiens aboyaient de toutes leurs forces, les chevaux faisaient jaillir des étincelles du pavé des places publiques, jusqu'à ce que Charles-Quint eût forcé le noble animal et lui eût donné le coup de grâce. 
D'autres fois, c'étaient de grandes solennités poétiques, ouvertes par les chambres des rhétoriciens. On voyait arriver, de toutes les villes du Brabant, les membres de ces corporations littéraires, vêtus de soie, de velours et de drap d'or, ou montés sur des chars antiques, ornés d'emblèmes et d'allégories. Et du haut du balcon de leur palais, Marguerite et Charles-Quint applaudissaient aux soties et aux mystères que les rhétoriciens représentaient devant la porte de la demeure impériale.
Tous les grands seigneurs du pays s'étaient groupés autour de cette belle princesse, et ils commencèrent à ériger à Malines des palais ou des hôtels, dont la plupart ont été abattus depuis, mais dont d'autres survivaient encore au seizième siècle. Du palais d'Hoogdtræten, il ne reste qu'une tourelle, qui sert de belvédère au petit séminaire. Celui de Nassau fut confisqué en 1567; il est converti en hospice.
On remarquait encore à Malines, à la fin du dix-huitième siècle, deux hôtels très-remarquables du commencement du seizième siècle, l'hôtel d'Hoogdtræten et celui des comtes de Nassau. (1)

(1) Extrait de la Belgique monumentale et de l'Histoire de l'architecture en Belgique, par Schayes.

Le Magasin pittoresque, septembre 1866.

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