lundi 15 juin 2015

La suite des inondations.

La suite des inondations.

Les eaux des fleuves et des rivières rentrent peu à peu dans leur lit, mais en laissant de terribles traces de leur passage derrière elles. Il y a  dans le val de la Loire de vastes espaces qui sont ensablés à un mètre de hauteur. Or, comme ces sables reposent sur un terrain superposé déjà aux sables des précédentes inondations, il est presque impossible de songer à rendre ces terrains à la culture. Ce sont des espèces de Sahara créés par les eaux.
Cette remarque répond d'une manière péremptoire à ceux qui prétendent que les inondations indemnisent elles-même les propriétaires des terrains qu'elles envahissent, par le dépôt de limon qu'elles laissent après elles. Si elle ne laissaient que du limon, la remarque pourrait être juste; mais on n'a jamais regardé le sable et les cailloux comme un engrais. Maintenant que l'inondation semble arrivée à son terme, le moment est venu d'examiner les moyens de prévenir le retour de ce fléau dévastateur. Les Hollandais arrêtent la mer, ne parviendrons-nous pas à arrêter les rivières et les fleuves dans leurs débordements? pour la Loire, comme le fait observer M. Dussieux dans sa nouvelle et excellente Géographie universelle, elle ne fait que reprendre le lit que l'industrie humaine a peu à peu usurpé sur elle. Encore aurait-il fallu, en s'en emparant, ne pas oublier les précautions nécessaires pour empêcher les retours offensifs de ce terrible fleuve. Il n'est jamais trop tard pour réparer de pareilles fautes; que l'expérience du passé serve du moins à préserver l'avenir.
Mgr Dupanloup, dont la voix éloquente se fait toujours entendre dans les grandes circonstances, ne pouvait garder aujourd'hui le silence, lui l'évêque des inondés, car son diocèse a eu particulièrement à souffrir du fléau. Comme le noble évêque a commencé par demander du pain pour la population affamée, un triste journal qui cherche à faire des éloges mêmes que lui arrachent le talent et le caractère des évêques, des récriminations contre la religion, le Siècle, a fait remarquer qu'il n'était pas question dans le premier mandement de l'illustre prélat de neuvaines ni de prières; que l'évêque d'Orléans n'établissait aucun lien entre les fléaux qui nous frappent et le débordement des idées, et qu'enfin il avait le bon goût de donner en exemple aux catholiques un pays protestant, la Hollande, dont les digues arrêtent la mer.
Le Siècle avait parlé trop vite. Mgr d'Orléans qui sait que les bras levés vers le ciel sont les plus puissants de tous, prescrit, dans un second mandement, des prières pour la cessation des calamités qui nous frappent; il signale cette levée de boucliers de l'athéisme qui a eu lieu dans ces derniers temps, et cette déclaration de guerre à Dieu comme plus menaçantes pour la société que tous les débordements des fleuves. Enfin, sans s'écarter en rien de cette parfaite politesse qu'il montre en toute chose, il indique au Siècle, en passant, la remarquable bévue que commet le journal libre penseur en attribuant au protestantisme la construction des digues hollandaises. Les catholiques ont construit en Hollande les digues comme les églises, car ce n'est pas depuis Luther seulement que la Hollande est plus basse que la mer: les protestants ont hérité de leurs travaux.

                                                                                                                      Nathaniel.

La Semaine des Familles, n° 3, samedi 20 octobre 1866.

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