mardi 24 mars 2015

Le château d'Usson en Saintonge.

Le château d'Usson en Saintonge.
                       (Charente-inférieure)



On n'a que peu de monuments de la renaissance en Saintonge. En quelques endroits on rencontre bien des constructions partielles, un pavillon dans un château, une chapelle dans une église romane; mais on ne cite guère d'autres édifices complets, élevés à cette époque de notre art national, que l'église de Lonzac et le château d'Usson.
Usson est situé dans la commune d'Echebrune, à six kilomètres de Pons, et à vingt-six de la ville de Saintes. A trois kilomètres d'Usson, sur une légère colline, est Lonzac. Les deux monuments, église et château, se touchent en quelque sorte. A peu de distance, à Arthenac, une nef de l'église et des chapelles datent aussi du seizième siècle. On pourrait chercher les causes de cette renaissance locale, circonscrite dans un rayon assez étroit, et l'on en trouverait peut-être une dans l'influence de Jacques Galliot de Genouillac, grand maître de l'artillerie sous François 1er.
Galliot de Genouillac, seigneur d'Acier et de Reillanet, baron de Capdenac, sénéchal d'Armagnac et de Quercy, a fait élever par Nicolas Bachelier, dont on a voulu faire un élève de Michel-Ange, le magnifique château d'Acier. En 1530, il fit bâtir aussi, par le même architecte sans doute, l'église de Lonzac, à la mémoire de sa première femme, Catherine d'Archiac. Cet édifice servit alors de type, et les maçons ou constructeurs de la région lui empruntèrent des motifs. Usson s'éleva peu après.
Il n'est pas inutile d'être averti qu'il y a là un monument à visiter; on pourrait passer auprès sans s'en douter le moins du monde. Il est situé dans un fond dont l'accès est difficile, et en hiver on n'est pas sûr d'y arriver.
Le château n'est pas, du reste, à l'abri de toute critique. Dans son ensemble il est défectueux; il est d'ailleurs aujourd'hui dégradé, mutilé, transformé en ferme. Une aile sert de hangar; la chapelle est une étable. Un pavillon central peu élevé, flanqué de deux ailes, composait le corps principal du logis. Une porte, peut-on dire un portail? s'ouvre sur la cour devenue jardin potager. Au milieu de cette cour se dresse la fraie, mot saintongeois qui signifie le pigeonnier. On ne saurait s'arrêter sans plaisir devant cette petite tour construite tout en belles pierres de taille, et terminée par une élégante lanterne que couvre un toit imbriqué et qu'arment blasons et sculptures. 


Quelles fines ciselures! Quels gracieux bas-reliefs! Quels délicats médaillons! Ses statues sont assez médiocres, parfois grotesques; par exemple, un Bacchus sur son tonneau, dévorant un jambon. On rencontre en grand nombre des inscriptions sacrées et profanes empruntées à Virgile et à saint Jérôme, à Sophocle et à la Bible, à la Bible surtout. Evidemment le maître était un seigneur huguenot, quoiqu'en dise la tradition du pays, qui veut qu'Usson ait été élevé par Henri II pour diane de Poitiers. On ne manque pas de montrer, à l'appui de cette opinion, des croissants sculptés sur la tour; mais on sait aujourd'hui que les croissants sont l'emblème de Catherine de Médicis, qui avait pour devise: Donec totum impleat orbem, jusqu'à ce que croissant devienne disque, allusion à l'ambition des Médicis. Il faut encore remarquer qu'il y avait là un écusson, une fasce accompagnée de six coquilles. Ce ne sont pas là les armes de Henri II. Or, ce sont précisément ces armoiries qui nous ont révélé le nom du fondateur et du propriétaire d'Usson. Les Robaine, famille connue dès l'an 1018, qui tire son nom d'un fief de l'île d'Oléron, et qui l'a donné au village de Robainières près de Saintes, portaient, en effet, d'argent à la fasce de gueules accompagnées de six coquilles de saint Michel de même, trois en chef, trois en pointe, posées en orles. Le premier des Robaine, désigné comme seigneur d'Usson, est Paul de Robaine, seigneur de Tanzac, Jazennes, Gemozac, Cozes, Briogne et Usson. Il eut trois femmes: Diane Stuer, de la maison de Stuer ou Estuer dont était Caussade de Saint-Mégrin, favori de Henri III, tué en 1578 par le duc de Guise; puis Louise de Beaumont, enfin Jeanne de Ramane. C'est ce Paul de Robaine qui a fait construire le château d'Usson, de 1536 à 1548, ainsi que l'indiquent divers dates gravées que j'ai relevées. La construction ou la décoration dura douze ans. La belle époque de la renaissance était déjà passée; le goût s'est affaibli.
Plusieurs amateurs ont eu le désir d'acheter, de démolir pierre à pierre l'admirable petite tour que notre gravure reproduit, pour l'aller reconstruire comme ornement à leur manoir; mais il est probable qu'elle restera debout, solide et belle, comme un des spécimens de l'architecture de la renaissance en Saintonge, et comme un des plus remarquables.

Magasin pittoresque, juillet 1877.

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