dimanche 29 mars 2015

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

Nulle part la tolérance ne paraît aussi admirable que lorsqu'on la rencontre dans un prêtre. Dernièrement, soixante Arabes, pèlerins de la Mecque, étaient débarqués au port de Joliette. Comme l'heure de la prière était venue, ces musulmans se sont agenouillés sur le quai et ont récités à haute voix des versets du Coran, avec toutes les génuflexions accoutumées. Ce spectacle a mis en gaieté les gamins de la ville, et l'un deux s'est oublié jusqu'à envoyer une pierre à la tête d'un des pèlerins. On ne sait ce qu'il allait advenir de cette attaque, sans doute une violente querelle, lorsqu'un ecclésiastique, l'abbé Durant, venant à passer, a dignement pris le parti des musulmans, et a dit aux gamins comme à toute la foule:
"Respectez toujours ceux qui prient Dieu, sans que les fatigues du voyage, ni les besoins du corps, ni l'arrivée sur une terre étrangère puissent les détourner de leur devoir: leur conviction est sincère."

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Il paraît que quelques personnes suppose encore que le corps d'un débiteur mort insolvable peut être donné en payement à ses créanciers, comme cela se pratiquait chez les anciens Juifs. Cette semaine, un homme de bonne tenue se présenta chez un restaurateur du boulevard de Strasbourg, et se fit servir un excellent dîner, accompagné de tous ses accessoires. Ensuite il demanda l'addition. Au moment où la note était posée sur la table, il prit un couteau et se l'enfonça d'une main ferme dans le cœur en disant:
"Payez-vous."
Une lettre trouvée sur cet homme indiquait qu'il était privé de ressources, ayant mangé toute sa fortune. Mais avant de mourir, il avait voulu manger jusqu'à son corps, qu'il laissait en payement au restaurateur.

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Au nombre des choses que nous ne pouvons comprendre est la durée si différente de la vie des animaux. Par exemple, comment se fait-il que, lorsque la conformation d'un perroquet et d'un pigeon présente si peu de dissemblance, l'un vive cent ans et l'autre dix ans? Pourquoi les carpes vivent quatre cents ans et plus, tandis que d'autres poissons de même taille ne vivent pas deux printemps?
Quoi qu'il en soit, voici sur la longévité animale des chiffres fort exacts: le chien et le loup vivent environ vingt ans; le chat et le renard quinze ans; le lapin sept ans; l'éléphant, le doyen des quadrupèdes, vit cinq cents ans; les poules vivent jusqu'à trente ans; les aigles parcourent un siècle; les perroquets en voient quelquefois jusqu'à deux; des cygnes ont vécu jusqu'à trois cent cinquante ans. Parmi les poissons, les marsouins infectent l'eau de leur personne pendant vingt ou trente ans; les carpes restent dans les fossés des châteaux pendant quatre à cinq siècles; enfin les baleines, les doyennes des mers, vivent mille ans.

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A propos d'animaux, voici ce que nous venons d'apprendre:
La gendarmerie d'une de nos banlieues et le commissaire de police de la commune, faisaient cette semaine une descente dans l'établissement d'un sieur X..., marchand de vin, et dans cet endroit ils arrêtaient... soixante-deux chiens!
En effet, dans une salle du premier étage, formant une espèce d'arène, deux bouledogues s'entre-déchiraient d'une horrible manière, tandis que les autres mâtins attendaient dans la coulisse le moment d'entrer en scène, et que plus de trois cents spectateurs applaudissaient à ce hideux et cruel spectacle.
Ce jeu affreux durait depuis longtemps; et le sieur X... percevait chaque soir un franc d'entrée par personne qui venait y assister.
La police a tout saisi, et dressé procès-verbal contre le maître de l'établissement, pour avoir ouvert, sans autorisation, un spectacle de combat d'animaux... Pendant qu'on y était, que n'imposait-on aussi un peu d'amende et de prison à des spectateurs d'un goût aussi stupide et féroce!

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Il vient de mourir, à l'âge de cent-trois ans, une femme qui se nommait Lec, et portait le titre de Reine des Bohémiennes. Elle a vaillamment tenu jusqu'à cette époque avancée le sceptre de l'une de ces peuplades répandues sur toute l'Europe. Décédée à Woodford, son corps a été vingt-quatre heures exposé sous sa tente, et ensuite porté en terre au milieu d'un beau cortège, accompagnés de huit pleureurs et des plus fidèles sujets de sa couronne.

                                                                                                                 Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 6 décembre 1857.



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