samedi 15 novembre 2014

Recherche historique sur les enseignes. 2 ème partie.

Recherche historique sur les enseignes. 2 ème partie.



L'ouvrage intitulé: Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris (t. III) , par Henri Sauval, donne quelques détails sur les enseignes ridicules:

"A la Roupie", une pie et une roue.
"Tout en est bon", c'est la Femme sans tête.
"A l'Assurance ", un A sur un ance (anse).
"La Vieille science", une vieille qui scie une ance (anse).
"Au Puissant vin", un puits dont on tire de l'eau.
"Les Sonneurs pour les trépassés", des sous neufs et des poulets morts;

Sauvel ajoute: "L'enseigne de la Truie qui file, qu'on voit à une maison du marché aux Poirées, rebâtie depuis peu, est fameuse par les folies que les garçons de boutique des environs y font à la mi-carême, comme étant sans doute un reste de paganisme."




Ce bas-relief de la Truie qui file existe encore à la maison qui porte le n° 24, au coin de la rue de la Cossonerie.
Cette enseigne a eu la vogue en son temps, car on la voyait à Amiens, à Caen, à Chartres, à Dieppe, au Mans, au Mont saint-Michel; Un relief, représentant ce sujet, existait aussi à l'intérieur de la cathédrale de Chartres, sur une console placée au-dessus de "l’Âne qui vielle."
Le même auteur fait connaître qu'autrefois, à Paris, les marchands de divers métiers avaient la coutume de mettre à leurs fenêtres et sur leurs portes des bannières en forme d'enseignes, où il s'y trouvait figuré le nom et le portrait du saint ou de la sainte qu'ils avaient choisi pour patron. Cependant on rencontrait aussi parfois, au lieu d'une figure de moine ou de vierge martyre, divers emblèmes ou rébus du genre de ceux que nous venons de citer.
On voyait jadis à Troyes une enseigne avec ce titre: "Le Trio de malice"; elle représentait un singe, un chat et une femme.
Souvent on  employait pour emblème un animal ou un objet quelconque, une idée bizarre ou absurde, comme "le Chien qui rit"; ou une épigramme, comme "le Grand passe-partout", représenté par un louis d'or.
Le Signe de la Croix est une enseigne en forme de rébus encore assez commune aujourd'hui: c'est un cygne surmonté d'une croix, ou bien d'une croix seulement.
Quelquefois la marque ou l'insigne de la profession de l'habitant était reproduite en sculpture. Un ou plusieurs barils indiquaient un tonnelier ou un cabaret, etc.
Nous avons vu à Rouen, sur la maison de bois occupée par un taillandier, rue des Bons-Enfants, un bas-relief représentant un sac d'où sortaient des outils de serrurier ou de maréchal.
A Caen, trois fers à cheval sont sculptés sur la clef de l'arche d'une maison, rue de Bayeux. C'est évidemment l'enseigne d'un maréchal ferrant.
A Pont-Audemer (Eure) , une maison bâtie dans le siècle dernier, place Maubert, par un maréchal ferrant, ainsi que le constate une inscription, porte, à sa façade, un bas-relief relatif à la profession du propriétaire, et les outils aux clefs de voûte des fenêtres.
A Strasbourg, dans une petite rue aboutissant à la place Kléber, la maison en pierre d'un boulanger a pour enseigne un écu des derniers temps du moyen âge, chargés de trois brechstel, ou petits pains enlacés, de manière à figurer un trilobe.
A Graçay, à 24 kilomètres de Vierzon, un écusson du dix-septième siècle, avec deux moutons, une tête de bœuf, un soufflet, des couteaux, semble indiquer que la maison qui le porte appartenait à un boucher.
Sur l'une des premières maisons bâties au Havre, on voyait au poteau d'encoignure un bas-relief en forme d'enseigne, représentant une barque à rames avec un batelier et un passager. On croit qu'elle était la demeure du batelier qui passait d'un bout à l'autre de la crique séparant les quartiers Notre-Dame et Saint-François. Ce poteau est déposé dans le Cabinet des modèles relatifs aux travaux du port. On croit que la maison auquel il appartenait, démolie en 1823 pour faciliter l'accès au pont Notre-Dame, a été bâtie en 1523. (Voy. l'Histoire des travaux du port du Havre, par M. Frissard.)
Il existe à Rouen, rue des Hermites, n° 23, une maison portant le millésime de 1607, et décorée de trois bas-reliefs: elle était sans doute occupée, comme elle l'est encore aujourd'hui, par un tanneur. A la gauche du spectateur, on voit sculpté en pierre un saint Jean-Baptiste, patron du propriétaire constructeur; à droite, une sainte Marguerite, patronne de sa femme, et au milieu un arbre, qui est un chêne, dont l'écorce s'emploie dans les tanneries, symbole de la profession du maître de la maison.
Nous trouvons dans la même ville un chiffre curieux, que nous ne pouvons expliquer, sculpté sur la boutique de la maison, rue Écuyère, n° 22, avec la date de 1603. Des chiffres de même genre, où l'on aussi quelquefois un 4, ont été employés par des imprimeurs dans les marques de leurs livres, lesquels, fort souvent aussi, leur servaient d'enseignes, et vice versa. Peut-être la maison dont il s'agit était-elle habitée par un imprimeur.
La marque que l'imprimeur Adam Cavelier avait adoptée pour les livres qu'il éditait, se retrouve, comme enseigne, à la façade de la maison qu'il habitait à Caen, rue des Jésuites, présentement rue de la Préfecture. Cette maison porte le millésime de 1628 et le n° 30. C'est un grand médaillon en bas relief, parfaitement conservé et très-bien exécuté, représentant un cavalier armé de toutes pièces, ayant sur la poitrine le monogramme du nom de Jésus avec la légende: IN NOMINE TVO SPERNEMVS INSVURGETES IN NOBIS. Psa. 43. (Voy. la gravure)




Une enseigne-rébus, "le Petit cornet d'or", existait encore, il y a moins de trois ans, à Rouen, rue Saint-Nicolas, sur la maison qui fait aujourd'hui l'encoignure de la rue de la République. On lisait ces mots: AV PETIT, gravés sur la pierre, et au-dessous se trouvait un cornet sculpté.
On disait autrefois d'un méchant portrait, qu'il était bon à faire une enseigne. Les choses ont bien changées depuis un siècle. Watteau fit pour une marchande de modes du pont Notre-Dame, à Paris, une enseigne qui obtint les honneurs de la gravure. A peu près dans le même temps, on admirait, à la descente du Pont-Neuf, l'enseigne du "Petit-Dunkerque". Sous Louis XIV, celle d'un armurier du pont Saint-Michel fut achetée, comme tableau, par un riche financier.
Au commencement du dix-neuvième siècle, on citait parmi les enseignes remarquables celle d'un marchand de cristaux dans la rue qui a repris le nom de rue Royale, près de la porte Saint-Honoré. Malheureusement, cette enseigne était peinte sur des volets, et le marchand ayant changé de domicile, elle fut effacée.
En 1804, "la Fille mal gardée", enseigne d'un marchand de cotonnades, attira la foule rue de la Monnaie. En 1808, "la Toison de cachemire", rue Vivienne, obtint les suffrages de tous les connaisseurs. Bientôt après parurent dans la même rue "les Trois sultanes"; puis "le Couronnement de la Rosière", encore dans la même rue; "le Comte Ory", sur les boulevards. Communément ce sont ainsi des pièces de théâtre qui fournissent aux marchands les sujets de leurs enseignes. Dès qu'une pièce a la vogue, c'est à qui, le premier en fera peindre une scène; quelquefois l'enseigne est un contre-sens. Comment ne pas sourire quand on voit comme enseigne, au magasin de deux associés, "les Deux Gaspard", qui se filoutent à qui mieux mieux? Quel fonds devrait-on faire, si l'on prenait au sérieux les enseignes, sur un établissement de commerce qui s'annoncent sous les auspices des Danaïdes, ces stériles travailleuses qui s'épuisent à remplir un tonneau toujours vide? Est-ce enfin pour encourager les gens qui achètent, que cet autre marchand a fait peindre M. Guillaume laissant emporter ses dix aunes de drap marron par "l'Avocat Patelin"?
Des enseignes parfaitement analogues à leur objet, sont: "les Architectes canadiens", au-dessus de la boutique d'un marchand de chapeau, et "le Débarquement des chèvres du Thibet", au-dessus d'un magasin de châles.
Outre les tableaux, il y a les enseignes parlantes; et comme chacun veut enchérir sur son voisin, vous voyez des gants dont chaque doigt est de la grosseur du bras, et des bottes qui contiendraient autant de liquide qu'un muid. Quand tous veulent se distinguer, personne ne se distingue.
Il y a soixante-dix ans, c'était encore pis. Un moraliste, qui écrivait au milieu du dix-huitième siècle, dit: " j'ai vu suspendre aux boutiques des Volants de six pieds de hauteur, des Perles grosses comme des tonneaux; des Plumes qui allaient au troisième étage". La police fit réduire ces enseignes à une grandeur raisonnable; (Dictionnaire des proverbes français, 2e édition, Paris 1821, p. 167 à 169).
En 1826 parut un livre de 160 pages, intitulé: Petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris, ou un batteur de pavé; in-32, deux feuilles et demie; imprimerie de H. Balzac (le fameux romancier) , rue des Marais-Saint-Germain, n° 17, avec cette épigraphe: "A bon vin, point d'enseigne".
L'auteur de cet ouvrage ne s'est occupé que des enseignes modernes peintes, qu'il a rangé par ordre alphabétique, et qu'il critique ou loue plus ou moins. Il cite l'enseigne: "A l’Épi scié", boulevard du temple, n° 4, débit d'eau de vie, etc. (un moissonneur, une faucille à la main, vient de couper un épi que l'on voit sur le sol) ; et une "Fontaine de jouvence", magasin de nouveautés , rue des Moineaux, n° 3.
Une ordonnance de Moulins de 1567 prescrit à ceux qui veulent obtenir la permission de tenir auberge, de faire connaître au greffe de la justice des lieux leurs noms, prénoms, demeurances, affectes et enseignes.
Plus tard l'enseigne fut exigée par l'article 6 de l'édit de Henri III, de mars 1577, qui ordonne aux aubergistes d'en placer une aux lieux les plus apparents de leurs maisons, "à cette fin que personne n'en prétende cause d'ignorance, même les illettrés".
Sous Louis XIV l'enseigne devint purement facultative, et l'ordonnance de 1693 permet aux hôteliers de mettre, pour la commodité publique, telles enseignes que bon leur semblera, avec une inscription contenant les qualités portées par leurs lettres de permission (1).
Nous avons vu des modèles d'armatures, potences et cadres d'enseigne du seizième siècle, composés par Jacques Androuet du Cerceau, et gravés, en 1570, dans ses Détails de serrurerie.
Les enseignes des boutiques des marchands de Paris et autres lieux étaient jadis suspendues à de longue potence en fer ou en bois au-dessus de la rue, au grand péril des passants. Pour remédier à cet inconvénient, le lieutenant de police de Sartines publia en 1761, le 17 septembre, une ordonnance qui enjoignait à toutes personnes se servant d'enseignes de les faire appliquer sous forme de tableaux contre le mur des boutiques ou maisons, et de telle sorte qu'elles n'eussent pas plus de quatre pouces de saillie (2)
Cette mesure de police fut successivement adoptée par les autres grandes villes du royaume, et, depuis bien longtemps, il n'y a guère que les petites villes et les bourgs qui aient conservé l'ancien usage des enseignes pendantes.
Antérieurement à l'année 1728, les noms des rues de Paris n'existaient que dans la mémoire des habitants. On prescrivit par une ordonnance de cette année que les noms des rues seraient inscrits sur des feuilles de tôle à toutes les encoignures des rues. On voit encore de ces plaques où le millésime de 1728 est ajouté au nom de la rue.
Les autres grandes villes de France durent imiter ce qui venait de se pratiquer à Paris.
Il existe aussi à Rouen quelques unes de ces premières inscriptions sur plaque de tôle ou de fer blanc, repoussées en bosse, et dont l'ancienneté se marque par l'emploi de V au lieu de U, et vice versa.
Après l'usage de la tôle vint la gravure en creux sur la pierre même des maisons ou des murs peinte en noir; puis l'écriture sur la pierre, en lettre de couleur sur un fond d'une autre couleur; et en dernier lieu l'emploi de plaques de porcelaine, dans quelques villes où des fabriques de ce genre d'industrie sont établies ou près desquelles il s'en trouve comme à Bayeux et Caen.
L'usage de numéroter les maisons est tout à fait moderne. Ce n'est qu'en 1788 qu'eut lieu pour la première fois, à Rouen, le numérotage qui avait été ordonné à Paris vingt ans auparavant, dit-on, mais qui ne fut mis à exécution que beaucoup plus tard, puisque, même en 1788, on ne voit encore que des exemples partiels de numérotage sur des maisons de libraire.
Pour aider à trouver la demeure des habitants, souvent on divisait une rue en plusieurs parties auxquelles on donnait un nom différent. Mais le moyen qui facilitait le plus la reconnaissance des maisons était l'emploi d'enseignes appartenant en propre à un grand nombre d'entre elles, comme on en voit encore de nos jours aux hôtelleries. Ces signes ou enseignes étaient sculptés sur la pierre ou le bois, ou bien étaient figurés sur une feuille de tôle peinte, pendant à une potence mobile fixée à la façade, comme cela se pratique encore de nos jours aux auberges qui sont hors des grandes villes.
Richard Goupil, célèbre imprimeur du commencement du seizième siècle (1510), habita la maison de la "Tuile d'or" que nous avons vu rue Malpalu, n°24, à Rouen. Ce bout de la rue Malpalu s'appelait alors, "rue de la Tuile d'or". Il est aujourd'hui compris dans la rue de la République. l'enseigne consistait en une tuile d'or figurée sur une feuille de tôle, non plus libre à sa potence, mais clouée à la muraille, comme toutes les autres.
Une des plus vieilles enseignes peintes sur panneau de bois (elle doit avoir quelque cent vingt ans) , existe à Rouen, à la maison n° 26, rue des Bons-Enfants. C'est celle d'un fabricant de pompes à incendie avec cette inscription: "A la Pompe royale"; et autour: "Ns Thillaye, fabricevr de pompes par priuilége du roy".
On voit dans la même ville plusieurs curieuses enseignes exécutées en bas-relief.
Nous citerons d'abord celle de la rue Etoupie, indicative d'une maison qui n'était pas habitée par un commerçant, et qui est gravée dans la Description historique des maisons de Rouen. Cette enseigne représente une ville en perspective cavalière ou à vol d'oiseau entourée de son fossé plein d'eau, de ses murailles garnies de tours, et dans le sein de laquelle on voit deux églises avec leurs clochers, des rues et des portes fortifiées. Deux voyageurs ou pèlerins de très-grande taille, relativement,se dirigent vers la ville. Cette maison a conservé le nom de la cité de Jérusalem, de son bas-relief qui est daté de 1580.
Les autres enseignes sont les suivantes:
"La Samaritaine", rue Caquerel, n°13 (date de 1580) ; "Le Havre de Grâce", rue Ecuyère, n° 20, représentant un port de mer, exécuté à la fin su seizième siècle;  
Une figure de l'Espérance, avec cette suscription gravée: "Bon espoir", et le millésime de 1622, a donné le nom de Bon-Espoir à la rue où on la voit servant de  décoration à la maison n° 11.
Le Musée d'antiquités du département de la Seine-Inférieure a recueilli trois bas-reliefs qui étaient des enseignes de maisons.
Le premier provient d'une maison en bois rue Grand-Pont, n° 36, appelée la Barge (barque) , d'après un titre qui remontait à l'année 1458.
Le deuxième a été retiré d'une maison faisant face à la place Saint-Ouen, et dont l'entrée est rue de l'Hôpital, n° 2. Une femme a les pieds appuyés sur une conque traînée par deux chevaux marins et pourtant une voile enflée. 




C'est la Fortune, et non une Vénus marine, ainsi qu'on l'a dit par erreur (Description historique des maisons de Rouen, t. 1er, p. 145).
Le troisième bas-relief est la belle enseigne de l’Île du Brésil (3) que l'on voyait rue Malpalu avant le percement de la rue de la République; enseigne dont la sculpture sur bois était dépassée par les charmantes figurines, presque de ronde bosse, qui ornaient les montants ouvragés d'une très-remarquable façade perdue à jamais par l'incurie d'un charpentier.




Ce bas-relief se compose de deux parties, et représente l'exploitation et l'embarquement du bois du Brésil (4) , bois qui est employé dans la teinture, et probablement à la destination de Rouen, dont les négociants entretenaient des relations avec le Nouveau-Monde.




Il est très-vraisemblable que ce bas-relief fut exécuté vers l'année 1550, c'est à dire à l'époque où Henri II, roi de France, et Catherine de Médicis, sa femme, firent leur entrée à Rouen. Une relation du temps, extrêmement rare et curieuse, rapporte que, entre autres divertissements, le corps municipal les régala du singulier spectacle de la représentation du pays et des naturels du Brésil, dans lequel figurèrent plusieurs espèces de singes et grand nombre de perroquets et autres oiseaux, que les navires des bourgeois de Rouen avaient apportés du pays pour la circonstance, ainsi que trois cents hommes façonnés et équipés à la mode des sauvages parmi lesquels il y avait bien, dit la relation, cinquante naturels sauvages.
Le style des figures de cette enseigne est imité de Michel-Ange, mais il est un peu outré.
Il y a soixante ans, la ville de Paris possédait une quantité d'enseignes dont beaucoup devaient être très-curieuses; depuis ce temps, il s'est opéré tant de changements, tant de maisons ont disparu et avec elles leurs enseignes, que de celles-ci il ne reste qu'en très-petit nombre. Avec l'aide de nos amis, nous en avons retrouvé quelques-unes, entre autres:
"La Gerbe d'or", sculptée en pierre, à la maison n° 2, rue aux Fèves, dans la Cité (seizième siècle).




"Le Fort Samson", rue du Dragon, n° 24, en face de la rue Taranne. (c'est un fort remarquable médaillon en faïence émaillée du seizième siècle, représentant Milon de Crotone).




"La Fontaine de Jouvence", rue du Four-saint-Germain, n° 67, jolie sculpture du seizième siècle. (On se rappelle que Jouvence était une nymphe que Jupiter métamorphosa en une fontaine aux eaux de laquelle il donna la vertu de rajeunir ceux et celles qui iraient s'y baigner, ou qui en boiraient).




"La Petite Hotte", rue des Prêcheurs, n° 30. (Dans une niche en pierre, on voit une petite hotte supportée par un cul-de-lampe orné de feuilles d'eau et surmonté d'un dais également sculpté. La hotte est remplie de fruits à pépins: c'est un travail du commencement du seizième siècle).
"La Chaste Suzanne", rue aux fèves; bas-relief de pierre que le propriétaire a vendu à un amateur; la perfection du style le faisait attribuer à Jean Goujon. c'est un moulage en plâtre de ce bas-relief qui en occupe aujourd'hui la place.
"Le Puits sans vin", près de l'église Saint-Magloire; enseigne d'un marchand de vin.
Rue de l'Arbre-Sec, n° 19, un cheval sculpté en ronde bosse, au-dessous duquel on lit en lettres gravées sur un marbre noir: "Au Cheval blanc", et plus bas la date de 1618. C'est une enseigne rapportée à une maison moderne.
Nous ne ferons qu'indiquer quelques enseignes de la rue Saint-Denis, comme le Chat noir, maison n° 82; le Centaure, maison n° 77; Hercule, au n° 100, lesquelles nous paraissent dater du siècle dernier, de même que le Chien rouge, rue de la Ferronerie; le Gagne-Petit, rue des Moineaux; le Cherche-Midi, rue du Cherche-Midi, n° 19, etc. ; mais nous arrêterons notre attention due le Puits d'amour, ancienne enseigne tirée d'une légende, et qu'on voyait il n'y a pas longues années au n° 15 de la rue de la Grande-truanderie, à l'angle de la Petite-Truanderie . Un boulanger qui n'occupait cette maison ayant transporté son établissement au n° 14, a enlevé l'enseigne et l'a replacée à son nouveau domicile. Cette enseigne du Puits d'amour a une origine toute dramatique, dont les détails sont racontés par Sauval (Antiquités de Paris), et aussi par Sainte-Foix (Essais sur Paris). Une jeune fille, nommée Agnés Hillebik, fille d'un haut personnage de la cour de Philippe-Auguste, ayant été abandonnée par son amant, de désespoir se précipita dans un puits, qui était originairement placé à l'angle des rues de la Grande et de la Petite-truanderie. Trois siècles après cet événement, un jeune homme, désespéré par les dédains d'une jeune fille qu'il désirait épouser, s'y jeta, mais avec une chance plus heureuse; car la rebelle, vivement émue de cet acte de désespoir, eut le temps de lui jeter une corde et de le soustraire au trépas dont il était menacé. Pour consacrer sa reconnaissance par un monument public, ce jeune homme fit refaire le puits à neuf et graver sur la margelle l'inscription suivante:


L'amour m'a refait
En 1523 tout à fait.

"Le Vert soufflet", est une enseigne qui appartient à Abbeville, et que l'on voit dans la rue des Jacobins, au n° 20 (dix-septième siècle). "Le Corbeau" est une autre enseigne de la même ville, rue des Lingers, n° 26: la maison porte la date de 1663. Toutes deux sont en pierre.
Nous avons fait à Amiens une assez ample moisson d'enseignes intéressantes; nous en citerons quelques unes.
"L'Espousée" (seizième siècle) recueillie au Musée d'antiquités de la ville. Cette enseigne appartenait au marché aux herbes.



"Av Noble d'or", rue des Chaudronniers. Le Noble d'or est une allusion à la monnaie de ce nom. 



C'est un personnage à mi-corps portant une couronne et tenant à la main gauche une espèce de sceptre. Deux écus non blasonnés l'accompagnent. Au-dessus de celui qui est à sa gauche se trouvent les lettres A. L.
"Au Sagittaire", rue des Vergeaux. C'est le signe du zodiaque qui existait aussi sur une maison d'Orléans.



"A l'Assurance", petite rue de Beauvais. Un A sur une anse. Sauval (Antiquités de Paris) parle de cette enseigne rébus que l'on voyait aussi à Paris.



Parmi les autres enseignes existant à Amiens, sont:
"Au Dromadaire", rue de la Hautoie. Un dromadaire est porté sur une console.
"Saint Jean-Baptiste", rue de la Hautoie. C'est une tête de saint Jean inscrite dans un cercle.
"Au Somon d'Argent", rue des chaudronniers. Au-dessus du poisson, on lit la date de 1731.
"Les Trois Cornets", rue des Chaudronniers.
"Au Blan bœuf", marché aux herbes, date de 1674.
"A la barbe d'or", marché aux herbes.
"A la Roue d'argent", rue Saint-Leu, date de 1657.
"A l'Anonciation", rue des Orfèvres (1680).
"A l'Agnus Dei", rue Saint-Leu (1716).
Outre ces vieilles enseignes, on en voyait beaucoup d'autres qui ont disparu depuis quinze à vingt ans seulement, appartenant au quinzième et seizième siècles, et dignes d'intéresser les antiquaires et les physiologues; tels étaient le Fourché (fourche) , l'Affligent, le Cappel de violettes, l'Espée Ogier, le Haubregon, le Blan Coulon, l'Estoile poinchineuse, le Heaulme, etc.
Le Blan Coulon ou Blanc Coulon veut dire le blanc pigeon. On se sert encore en Picardie de cemot, si vieux qu'il soit, et qu'il ne faut pas traduire par coulomb ou colombe. On y dit communément dans beaucoup de villages, "de biaux coulons" pour de beaux pigeons.
On voyait aussi, il n'y a pas encore bien longtemps, sur la Grande-Place d'Arras, l'hôtellerie du Heaume, dont la façade était décoré d'un Heaume.


(1) Traité des locations en garni, par M. Masson, Paris, 1846.
(2) Dictionnaire historique de la ville de Paris, par Heurtant et Magny; Paris, 1779, t. II, au mot enseigne.
(3) Dans les premières relations adressés du pays de Santa-Cruz en Portugal, ce vaste pays est désigné sous le nom d'île. Les navigateurs normands partageaient naturellement cette erreur avec les premiers explorateurs du pays. (Bulletin du bibliophile, 1849, p. 353).
(4) Le bois du Brésil fut pendant longtemps le seul objet commercial qui appelât les Rouennais dans l'Amérique du Sud. Moyennant quelques bagatelles, les Indiens allaient débiter ce bois dans les forêts lointaines, et ils le rapportaient toujours à dos d'hommes, malgré d'extrêmes fatigues. De grandes fortunes furent réalisées à Rouen grâce à ce trafic. (Bulletin du bibliophile, 1849, p. 384)

Le magasin pittoresque, mars 1850.

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