jeudi 13 novembre 2014

Jamais malade, jamais mourir.

Jamais malade, jamais mourir.

Au risque de contrister le savant docteur Pierre, médecin en chef et "gracieux" de cent mille lecteurs de "Mon Dimanche", il nous faut bien reconnaître que tous les hommes ne croient pas en l'excellence de la médecine. Nos maîtres ont beau triompher de la rage, du croup, de la tuberculose même, ils ne sauraient convertir à la science les envoûtés de la sorcellerie et de certaines religions.
En France on blague les médecins, mais on les paye! En Amérique, nombre de sectes plus ou moins chrétiennes enseignent à leurs adeptes le mépris et surtout la haine des médecins. A entendre les prêcheurs sur bornes du nouveau monde, la foi seule guérit, une foi spéciale, la leur.

Une réclame pas banale.

Le plus original de ces charlatans est le fameux Dowic, qui a inventé ou perfectionné une nouvelle église "Zion Christian Catholic Church". Tous les fidèles de Zion s'engagent, lors de leur baptême, à ne jamais mander un médecin. La prière seule doit les médicamenter, extirper leurs tumeurs, suppléer à toute intervention chirurgicale...
Mais il faut citer le "boniment", lancé par Dowic contre tous les "morticoles" du monde:
"Les docteurs, de part leur profession même, continuent l'oeuvre de Satan. L'enseignement médical est merveilleusement propre à arracher du cœur humain les dernières parcelles de vertu... (Quelle belle opération à tenter!)
"Sans doute, parmi ceux qui exercent la profession médicale on rencontre d'honnêtes gens, des hommes même de grand caractère; mais ils sont aveuglés par l'orgueil, la confiance en leur savoir. Autour d'eaux c'est la désolation. Leurs femmes et leurs sœurs prient, pour que soit atténuer leurs fautes.



"Quand ces messieurs prétendent que la médecine est une science, ils mentent sans vergogne. Plaisante science, en vérité! Transcrivez, je vous prie la recette qu'un de leurs ancêtres recommandait comme le remède universel."

Qui veut suivre l'ordonnance?

Le fameux médecin anglais Sydenham imposait à ses malades, il y a 140 ans, un breuvage qui empruntait ses vertus à ces ingrédients divers:

Pou de cochon,
Chair de vipère,
Chair humaine séchée,
Cœur de taupe,
Yeux de crapaud,
Cendres de hibou,
Cendres d'hirondelle,
Sang de chat noir,
Sang de petit chien blanc,
Excréments de brebis et de chien,
Salive de roi régnant,
Peau du ventre de reine morte (!)

"Cet énoncé vous fait rire, remarque le pasteur Dowic, et la drogue vous semble répugnante. Mais dites-moi, la lymphe de Koch et le sérum antidiphtérique ne sont-ils pas de la même cuisine abominable?
"Donc, exterminons les médecins... en leur imposant la diète absolue. Nous ne verrons plus de jeunes gens, livrés aux horreurs de la salle de dissection, tailladant les corps qui furent les temples de nos âmes. Il n'y aura plus de citoyens qui, sous le manteau de la science, oseront empoisonner leurs femmes, rechercher d'un scalpel audacieux sur des chairs de malades les secrets de la vie et de la mort. Guerre aux médecins. La foi seul guérit!"
C'est à peu près, ce que dit en France M. Brunetière, membre de l'Académie française, quand il proclame "la faillite de la science". Seulement il se montre moins drôle que le pasteur Dowic!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 23 août 1903.

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