samedi 1 novembre 2014

Hospice des incurables d'Ivry.

Hospice des incurables d'Ivry.
        (Département de la Seine)



C'est en 1634 que le premier hospice d'incurables fut fondé à Paris, par suite d'un don que le cardinal de la Rochefoucault fit aux administrateurs de l'Hôtel-Dieu "de ce que M. François Joulet, prestre, sieur de Châtillon, avoit laissé par son testament pour le secours des pauvres incurables."
MM. les administrateurs déclarèrent "qu'ils destinoient, affectoient et délaissoient dès lors (20 novembre 1634) la quantité d'environ dix arpents de terre appartenant à l'Hôtel-Dieu, à prendre en une pièce de dix-sept arpents ou environ, assize au terroir Saint-Germain des Prez, proche et derrière l'enclos des Petites-Maisons, en la grande rue, sur le chemin qui conduit à Sève (Sèvres), et par derrière à la Santé et chemin qui conduit de la rue du Bacq à Grenelle."
Les privilèges de cet établissement furent confirmés par des lettres patentes de Louis XIII, enregistrées en la cour du Parlement le 6 mai 1637.
Dans les documents originaux qui se rapportent à cette fondation, on trouve ce fait curieux que "Mgr Henry de Bourbon, évêque de Metz, abbé commandataire de l'abbaye de Saint-Germain des Prez lez Paris, a concédé à MM. les administrateurs et au préposé la conduite et direction de l'hôpital (hospice des incurables) ses droits de correction, de prison, de carcan et de fouet, seulement sur les pauvres et les domestiques."
La construction des bâtiments, commencée en 1635, par l'architecte Gamart, ne fut terminée qu'en 1649; mais depuis six ans déjà l'hospice recevait des malheureux. La fondation des trois premiers lits eut lieu, en effet, le 5 septembre 1642, grâce à la libéralité de "dame Catherine Rouillé, veuve de Jacques le Bret, en son vivant conseiller du roy en son Châtelet."
Ce premier hospice, établi rue de Sèvres, était destiné à recevoir immédiatement des hommes et des femmes incurables.
Après la révolution, l'hospice de la rue de Sèvres fut réservé aux femmes seulement. On destina aux hommes l'ancien couvent des Récollets, qui à cette époque cessa d'être un établissement religieux (1) 
Plus tard, les Incurables hommes durent abandonner l'hospice des Récollets, transformé en hôpital militaire (hôpital Saint-Martin), et furent transférés dans une caserne louée par l'Assistance publique au ministère de la guerre, située rue Popincourt, et qu'on désigna depuis sous le nom d'hospice Popincourt.
En 1869, les deux établissements séparés de la rue de Sèvres (femmes) et de l'hospice Popincourt (hommes) furent réunis dans un vaste établissement unique construit à Ivry (Seine). Les bâtiments de la rue de Sèvres (2), après la translation des Incurables à Ivry, achevée en 1870, restèrent pendant quelques temps inoccupés; ils ont été transformés en hôpital temporaire où sont traités les malades atteints d'affections aiguës et curables.
Le nouvel hospice a été construit par M. Labrousse, architecte en chef de l'administration de l'Assistance publique de Paris, et M. Billon, architecte-inspecteur. L'installation des services intérieurs (ventilation, chauffage, etc.) due à M. Ser, ingénieur de l'administration, professeur à l'Ecole centrale, est remarquable sous tous les rapports.
L'hospice d'Ivry-sur-Seine est situé à 2 kilomètres environ des fortifications et à quelques centaines de mètres de la Seine, dans des conditions de salubrité satisfaisante. Les moyens de transports sont le chemin de fer d'Orléans, les bateaux à vapeur et les omnibus spéciaux de Paris.
On peut se faire une idée complète de la distribution intérieure de l'établissement d'après les plans que nous publions (3).



A gauche de la porte d'entrée se trouvent la loge du concierge et le bureau de l'architecte. A droite, les bureaux et les logements du directeur et de l'économe; les logements des employés sont à gauche au premier étage.
Le jardin du milieu est séparé en ceux parties: l'une, à droite, est réservée aux hommes; l'autre, à gauche, est réservée aux femmes.; Une galerie couverte règne autour du jardin, le long des bâtiments affectés, à droite aux hommes, à gauche, aux femmes. La chapelle est située au fond, dans l'axe même de la porte d'entrée, et sépare les deux services. Les cuisines et le service des machines sont placés derrière la chapelle.
Les bâtiments ont trois étages.
L'hospice peut contenir 2.000 lits; on y compte actuellement 900 lits montés pour chaque sexe; soit 1.800 lits.
Il faut ajouter à ce chiffre 120 lits dits d'expectants, 60 pour chaque sexe.
Ces lits d'expectants, installés dans un service spécial, ne sont pas destinés aux indigents proprement dits; ils sont destinés à recevoir provisoirement des vieillards inscrits pour entrer à tour de rôle soit à la maison de retraite des Ménages d'Issy, soit à la maison de la Rochefoucault, et qui, par suite de leurs infirmité, de l'absence de famille ou de l'exiguïté de leurs ressources, ne peuvent attendre chez eux que leur tour d'entrée dans l'un ou l'autre de ces établissements soit arrivé. Le payement de la pension est exigé par l'administration aussitôt qu'ils sont admis dans le service des expectants, absolument comme s'ils entraient à la maison des Ménages ou à l'hospice de la Rochefoucauld.
Le nombre des employés et gens de service en exercice est d'environ deux cents. Le personnel de l'administration se compose d'un directeur, d'un économe, de deux employés, de deux aumôniers, de deux médecins et d'un chirurgien, aux soins desquels s'ajoutent ceux de sœurs de Saint-Vincent de Paul dirigées par une supérieure.



Les vieillards de l'hospice pouvaient autrefois sortir librement, chaque jour, de sept heures du matin à huit heures du soir. Pour réprimer quelques abus, les sorties ont été restreintes: les jours de sortie des hommes sont aujourd'hui les lundis, mercredis et vendredis; les femmes sortent les mardis, jeudis et samedis. Les administrés ont congé un dimanche sur deux, alternant pour chaque sexe.
Les règles du régime intérieur sont les suivantes:
Les pensionnaires se lèvent à six heures et demie en hiver, à six heures en été. Ils font trois repas par jour.
Ils doivent être rentrés à huit heures en hiver, à neuf heures en été.
Le médecin fait ses visites chaque jour, à huit ou neuf heures du matin.
Les lits sont disposés dans des dortoirs sur deux rangs, quatre-vingt par dortoir. Ils sont en fer; chacun est pourvu d'un sommier, de deux matelas, et de rideaux blancs.
Chaque pensionnaire a une armoire à clef, une table de nuit, une chaise et un fauteuil; un tiroir-commode est installé au-dessous du lit.
Le chiffre annuel des admissions est, en moyenne, de 260 à 280 pour les hommes, et de 250 à 270 pour les femmes.
La mortalité varie entre 15 à 17 pour 100 pour les hommes , et 8 à 11 pour les femmes.
L'entretien de l'établissement des Incurables d'Ivry coûte annuellement plus d'un million à l'administration de l'Assistance publique de Paris.
Parmi les lits des Incurables, plus de six cents ont été fondés par des particuliers; les indigents qui les occupent sont présentés par les fondateurs des lits ou de leurs héritiers. Une plaque, fixée en tête de chaque lit de fondation, mentionne le nom du fondateur et la date de la donation.
Quant aux conditions d'admission, il importe de faire observer que l'hospice des Incurables (à part le service des expectants) est un hospice purement communal, dans lequel sont admis les malades incurables ayant leur domicile de secours à Paris.
Les malades doivent avoir soixante-dix ans révolus, ou justifier d'infirmités incurables les empêchant de travailler pour vivre; ils doivent être dénués de ressources et être inscrits au bureau de bienfaisance.
Les admissions sont prononcées par l'Administration centrale de l'Assistance publique, après décision d'une commission spéciale de neuf membres nommés par le préfet de la Seine, et dont six membres sont pris en dehors de l'administration.
Les postulants doivent produire les pièces réglementaires à l'administration centrale: acte de naissance, certificats d'indigence, de domicile et d'infirmités (4).

(1) Cet établissement était situé rue des Récollets, numéro 18.
(2) Aujourd'hui numéro 42.
(3) Ces plans ont été gravés d'après un grand modèle dessiné, avec une patience et une exactitude remarquable, par un pensionnaire de l'hospice, M. Michel, ancien ouvrier typographe;
(4) On n'admet point les malades affectés d'aliénation mentale, de cancer ou d'épilepsie. Les cancérés et les épileptiques sont reçus à Bicêtre (hommes) et à la Salpêtrière (femmes), et les aliénés dans les asiles spéciaux;
Les individus qui ont subi une condamnation correctionnelle sont exclus.

Le magasin pittoresque, juin 1876.

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