samedi 1 novembre 2014

Etudes d'un nageur naturaliste.

Etudes d'un nageur naturaliste.
                     L'abbé Dicquemare


Jean-François Dicquemare naquit au Havre en 1733. Il fit de bonnes études et s'appliqua avec soin à l'astronomie. On lui doit un petit livre intitulé: Connaissance de l'astronomie rendue aisée et mise à la portée de tout le monde, dont la seconde édition parut en 1771.
Mais s'il a acquis quelques titres à ne point rester tout à fait oublié, c'est surtout par ses observations sur les zoophytes, pour lesquelles il risqua sa santé. Il s'était passionné pour les anémones de mer, et leur avait donné, en dehors de la science, les noms les plus étranges; c'étaient les points sanguins, les cœurs unis, etc., qu'il s'en allait guettant sur la plage, ravi qu'il était de leur élégance. Emule du célèbre Spallanzani, il n'en fit pas moins, malgré ses bizarreries, de véritables découvertes dont profita la science.
L'abbé était un nageur d'une force prodigieuse; c'était loin du rivage qu'il allait observer tous ces êtres d'un ordre inférieur qu'il voulait décrire. Georges Cuvier nous le représente s'avançant dans l'Océan avec une curiosité que nul obstacle n'arrêtait, et il nous fait connaître le résultat de ses investigations maritimes pour enrichir, au prix de mille fatigues, le domaine de l'histoire naturelle.
"La plupart des animaux de la classe des vers, dit-il se contractent pour peu qu'ils soient touchés, font rentrer leurs tentacules et se retirent même dans l'intérieur de leur coquille. Pour les bien voir, l'abbé Dicquemare restait tranquille dans l'eau à côté d'eux, évitant de leur causer aucune crainte: il les voyait alors développer des organes remarquables de beauté. Pendant longtemps il se livra à ce genre pénible d'observations. Malheureusement, il n'était pas naturaliste proprement dit, il n'avait aucune idée de méthode; il décrivit les animaux qu'il observa sous des noms bizarres." (1)
L'abbé Dicquemare avait à peine cinquante-six ans, lorsqu'il fut enlevé à l'étude qui le passionnait. Les orties marines, les anémones de mer (actinies), les méduses, les poulpes, les limace de mer, les tarets partagèrent avec les plus brillantes étoiles ses jours et ses nuits. Quinze ou seize ans avant sa mort il commença à publier dans divers recueils ses patientes observations. On les avait réunies; les planches exécutées sur les dessins de l'abbé, qui se servait fort habilement du crayon, étaient déjà gravées lorsqu'il mourut, en 1789. Elles sont restées dispersées; il faut aller les chercher aujourd'hui dans les mémoires de l'Académie de Rouen et dans plusieurs autres recueils.
L'écrivain, déjà cité, qui a réuni en cinq volumes les cours de Cuvier au Collège de France, s'exprime ainsi au sujet des découvertes faites par le savant zélé dont nous avons voulu rappelé les services:
"Les observations de l'abbé Dicquemare sur les anémones de mer sont encore plus étonnantes que celle de Spallanzani... Les mollusques nommés par l'abbé sont susceptibles d'une reproduction plus multiple que celle de l'hydre: si on les coupe en deux, chaque moitié reproduit une autre moitié; si on les tranche horizontalement, chaque partie reproduit encore ce qui lui a été retranché. En un mot, les observations de l'abbé Dicquemare ont porté nos connaissances sur le pouvoir reproductif de la nature bien plus loin que ne l'avait fait Trembley par ses observations sur les polypes; car elles ont été fournies par des animaux bien plus grands et bien plus compliqués."


(1) Voy. Histoire des sciences naturelles depuis les origines jusqu'à nos jours, chez tous les peuples connus, commencée au Collège de France par G. Cuvier, complétée par T. Magdeleine de Saint-Agy.

Le magasin pittoresque, juillet 1876.

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