mercredi 22 octobre 2014

Une pompe à bascule.

Une pompe à bascule.

De l'avis des voyageurs, le radis, qui n'occupe qu'une place fort modeste sur nos tables françaises, n'est nulle part aussi estimé qu'en Allemagne. Les Bavarois, et, avec eux, la majorité des Allemands du Nord, sont très friands de ce crucifère à la saveur si piquante. Non seulement ils le font entrer presque chaque jour dans leurs menus, mais ils exigent encore qu'il tienne compagnie aux copieuses chopes de bière dégustées l'après-midi sous les ombrages des Bier-garten.
Il est permis à un Français d'ignorer que la plus grande partie des radis noirs consommés en Allemagne provient d'un petit village bavarois qui s'est fait une spécialité de cette culture. Sur onze cents âmes que compte Weichs-an-der-Donau, un bon millier demande exclusivement ses moyens d'existence à la production des Rettiche, ou, pour employer plus local, des Batzlradis.
Dès que les champs sont débarrassés de l'épaisse couche de neige qui les recouvrait, la population entreprend la semence; le travail ne s'arrêtera qu'à la fin d'octobre, ou-même à la mi-novembre, quand se fera la dernière récolte. C'est à dire que, sauf pendant le cœur de l'hiver, la population consacre toute son activité aux soins que réclament les Radibreedlen (planches de radis).
La première récolte consiste en petits radis roses que consomme à lui seul le marché le plus proche, celui de Regensburg. Les amateurs ne les connaissent que sous le poétique nom de "petits radis de Bavière" (bayrische Radieschen). Ce premier sacrifice fait aux intérêts locaux, les paysans ne s'occupent plus que des gros radis noirs, qui s'exportent, comme nous l'avons dit, dans toute l'étendue de l'Allemagne.
Le terroir se prête admirablement à ce genre de culture qui demande, comme on le sait, un arrosage méthodique. Le sous-sol est très humide, et il n'est pas besoin de forer des puits profonds pour rencontrer la couche d'eau souterraine. Mais le plus curieux est la manière dont celle-ci est exploitée de la façon primitive qu'illustre notre photographie.



Une pompe aspirante, d'une simplicité antique, plonge dans ces puits. Le piston est fixé par son extrémité supérieure à une planche à bascule qui fait levier. Le tout est encadré par des poteaux de bois (de fer, quelquefois), dont les extrémités profondes sont reliées par une barre à laquelle se cramponnent les opérateurs pour maintenir leur équilibre.
Une seule personne peut manœuvrer la pompe, mais il est à peine besoin de dire que l'effort se trouve considérablement réduit quand deux personnes prennent place sur la bascule; le remplissage de la vaste cuve disposée au pied de l'engin se fait alors plus rapidement.
Comme le montre notre instantané, ce travail est confié aux femmes, et la photographie nous prouve qu'elles s'acquittent gaiement d'une besogne plutôt monotone.
Il est curieux de constater que des pompes aspirantes analogues sont d'un usage courant dans l'intérieur des Indes asiatiques, avec cette seule différence que le corps de la pompe est fait d'un tronc de bambou.

                                                                                                                 V. Forbin

La Nature, deuxième semestre 1907.

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