mardi 14 octobre 2014

L'enseignement.

L'enseignement.

La pédagogie réside dans la vocation; elle se développe par l'expérience et elle se confirme par la pratique. Elle est individuelle et ne se transmet pas; tout au plus s'inspire-t-elle, mais seulement aux bons cœurs et aux intelligences honnêtes, à ceux qui sont capables du devoir et du dévouement.
En revanche, elle inspire le maître, et par lui communique aux élèves une flamme qui les épure et les transforme: c'est la vie d'une classe, c'est la substance et l'âme de celui qui la fait. Avant de la commencer, comme l'artiste, il éprouve je ne sais quel trouble; après, je ne sais quelle douce fatigue et quel long ressentiment de ce qu'il vient de faire. Pendant, qui peut le décrire? Les bons maîtres ne l'ignorent pas; ce qu'ils savent aussi, c'est qu'un bon maître est un homme dans la véritable acceptation de ce mot, c'est-à-dire un être éminemment moral, aimant ceux qui l'entourent, voulant leur bien, et trouvant dans sa conscience, mise en présence de la nature au sein de la pratique, toutes sortes d'inspirations qui ne sont pas dans les livres.
Pourquoi des prescriptions et des entraves? Attache-t-on les âmes? Enchaîne-t-on ce qui, de sa nature, est glissant et subtil? La vraie pédagogie est libre...
Comme elle aime à faire librement le bien, elle se cache volontiers pour le faire avec modestie, et se trouve gênée par les regards trop curieux... Laissez-là donc faire, fiez-vous à elle et au parfum qu'elle répand. Observez-là de haut; ne l'examinez pas trop souvent, ni de trop près: ce qui est sous vos yeux, ce n'est pas elle, c'est la science et l'esprit du maître; son âme est loin. Partez, la voilà de retour. 
Sans la réputation qui la protège, peut-être l'auriez-vous condamnée. (1)

(1) Des réformes dans l'enseignement secondaire, par M. Labbé, professeur de sixième au lycée Saint-Louis.

Le magasin pittoresque, 1865.

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