samedi 18 octobre 2014

Armes et projectiles incendiaires.

Armes et projectiles incendiaires
                     employés par les arabes
           au treizième et quatorzième siècle.  (1)


On conserve, au Musée asiatique de Saint-Pétersbourg, un manuscrit arabe qui a pour titre: Recueil réunissant les diverses branches de l'art. L'auteur n'est pas nommé; M. Reinaud, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, suppose que ce pourrait être Schems-Eddin-Mohammed, né en 1292 (691 de l'hégire), mort à Damas en 1350 (751 de l'hégire), et qui a composé un autre ouvrage intitulé: l'Art de la guerre de Mohammed, ou l'Art de la guerre à l'usage des Mahométans. Le recueil dont il s'agit serait donc de la première moitié du quatorzième siècle.
Il y avait alors plus d'un siècle que l'usage du salpêtre dans les artifices, ou, si l'on veut, la poudre, était connu des Arabes. Le manuscrit de Saint-Pétersbourg est une copie faite dans la seconde moitié du quinzième siècle pour un émir de la cour des sultans mameluks d'Egypte, nommé Djerbasch; il est orné de dessins qui semblent remonter jusqu'à l'ouvrage original. On y trouve représentées des armes à feu, notamment des espèces de massues et de lances incendiaires. Le texte indique l'emploi de la poudre à canon comme force projective. Il désigne sous le nom de madfaa la boîte en bois ou en fer destinée à recevoir la poudre, et sous le nom de bondoc la balle: ce mot bondoc s'est appliqué depuis à l'arme même, fusil ou pistolet.
Dans la première des scènes que nous reproduisons, un personnage tient à deux mains le manche d'un madfaa, et semble l'approcher d'une lumière et mettre le feu à la charge pour faire partir le bondoc, qui sort d'une capacité plus large que celle où est placée la poudre.



Dans la scène qui est au-dessous, le guerrier qui marche derrière le cavalier porte sur son épaule un madfaa, dont la cavité n'a pas plus de profondeur que de largeur. Suivant la description du texte, le cavalier, le cheval et les deux autres personnages sont vêtus de manière à se couvrir de feu de tous côté, et à produire ainsi l'épouvante parmi les ennemis. Ils sont couverts d'une espèce de gros drap noir parsemé de touffes d'étoupe. Le bonnet du cavalier est en fer et garni d'un feutre rouge arrosé de naphte. La lance qu'il porte est enduite de salpêtre à ses extrémité et munie aussi d'étoupes: pour la tenir sans danger, il a frotté ses mains de poussière de talc.
Dans les deux gravures qui suivent (tirées d'un manuscrit arabe de la Bibliothèque impériale, numéro 1128, ancien fonds) on voit aussi des cavaliers et des hommes de pied couverts de manière à paraître tout en feu. 



Leurs vêtements, ainsi que les caparaçons du cheval, sont garnis de matelassures en feutre. Avant d'y coudre des clochettes garnies de naphte, on avait soin de les humecter d'une préparation formée avec du vinaigre de vin, de la sanguine, du sel dissous, de la colle de poisson et de la sandaraque. Chaque cavalier était précédé et suivi d'hommes à pied munis de massues incendiaires.
Ces stratagèmes ne pouvaient pas toujours réussir. En 1300 (an 699 de l'hégire) , dans une bataille livrée par le sultan d'Egypte à Gazan, khan des Mogols de Perse, aux environs d'Emèse, en Syrie, cinq cents cavaliers mameluks s'élancèrent tous armés de leurs artifices; mais Gazan ordonna à ses soldats de rester immobiles, et le naphte des mameluks s'éteignit avant qu'ils eussent atteint les ennemis.


(1) Extrait du savant ouvrage de M. le colonel Favé, intitulé: Etudes sur le passé et l'avenir de l'artillerie, t. III: Histoire des progrès de l'artillerie, Paris, 1862.

Le magasin pittoresque, 1865.

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