Nouveau mode de transport rapide.

Nouveau mode de transport rapide et économique des marchandises.

Ce nouveau mode de transport consiste à employer comme véhicules des boules ou des sphères creuses en métal de 1,20 à 2 mètres de diamètre, complètement remplies de marchandises bien emballées ou de matières encombrantes, chargées de manière à n'être point dérangées quand les boules viennent à tourner sur elles-mêmes.

Ces boules ou sphères sont destinées à remplacer les chariots ordinaires, dont les roues ne peuvent circuler que sur des chemins larges et empierrés, ou sur un sol suffisamment résistant. Elle représentent des véhicules sans roues, ou, pour mieux dire, chacune d'elles est une roue pleine dans tout les sens, capable de passer dans tous les chemins, dans les champs cultivés sur des pâturages, des terrains marécageux, et suivant les sentiers les plus étroits, à l'usage seulement des piétons.

En attendant qu'on puisse en faire une application générale aux besoins de l'agriculture, on propose de les employer de suite à transporter les charbons des puits d'extraction d'extraction aux entrepôts du chemin de fer quand ils n'y sont pas reliés par des embranchements.

Leur roulement s'effectuerait avec la plus grande facilité sur une plaque concave en tôle d'acier, reposant sur des madriers en bois (fig. 1).

Dans les parties courbes, les plaques d'acier seraient relevées en p, p', p'', p''', pour maintenir la boule entraînée par la force centrifuge. Au fond de la cuvette en tôle seraient percés des trous o, o', o'', pour faciliter l'écoulement des eaux de pluie (voy. fig. 2)

Afin de ne pas gêner les communications existantes et d'avoir le moins possible d'indemnités à payer, afin de se mettre à l'abri de tout obstacle provenant de la malveillance ou de pierres tombant d'un sol plus élevé, le chemin des boules sera, sur tout son parcours, supporté par des chevalets ou par des câbles attachés à des piliers en maçonnerie à la façon des ponts suspendus rigides.

Pour descendre de Saint-Etienne au Rhône, par exemple, la différence de niveau étant de 350 mètres environ, le profil général serait partagé en une série de paliers horizontaux, autant que possible en ligne droite, séparés par des plans inclinés de 250 mètres de long et 50 mètres de hauteur verticale, ayant par conséquent une pente de 20 centimètres par mètres, ou 1/5 de la hauteur.

En plan, le tracé serait composé d'alignements droits de 6 kilomètres environ de longueur, représentant les paliers horizontaux. Les courbes de raccordement seraient, autant que possible, comprises dans les plans inclinés.

Une boule en tôle d'acier de 2 mètres de diamètre pèserait vide environ 800 kilogrammes et contiendrait 4 tonnes de charbon. Lancée sur un plan incliné de 50 mètres de hauteur verticale et 250 mètres de longueur, elle y prendrait, en descendant pas la gravité, une vitesse assez grande pour franchir sans s'arrêter le palier horizontal de 6 kilomètres qui vient à la suite. Arrivée à l'extrémité de ce palier, elle rencontrerait un nouveau plan incliné qui lui donnerait une impulsion égale à la première, et ainsi de suite jusqu'au lieu de destination, où, par un heurtoir ou une voie à contre-pente, il sera facile de l'arrêter tout à fait.

Les charbons de Saint-Etienne descendraient donc tout seuls et sans frais depuis les mines jusqu'au Rhône, où ils seraient chargés dans des bateaux.

Mais il faudrait faire remonter les boules vides à Saint-Etienne; voici le moyen d'y parvenir.

La voie de remonte sera au même niveau, contiguë et semblable, sur tout son parcours, à la voie de descente.

Le long des plans inclinés, elle sera entièrement fermée et deviendra un tube dont les boules rempliront la capacité avec un jeu de quelques centimètres seulement.

L'ascension des boules dans le tube se fera au moyen de l'air comprimé dans des réservoirs ou de grandes et lourdes cloches disposées comme des gazomètres. A l'entrée, et sur une partie encore horizontale, est une chambre rectangulaire au haut de laquelle une porte, tournant sur un axe horizontal, peut ouvrir ou fermer complètement le tube. Cet axe se prolonge en dehors de la chambre et supporte, au moyen d'un levier, une lentille en fonte qui fait à peu près équilibre au poids de la porte elle-même, tout en étant plus lourde, en sorte qu'une faible pression d'air suffit pour la fermer, et lorsque la pression d'air vient à cesser, le poids de la lentille la soulève et le tube est ouvert. L'air comprimé à moins d'une atmosphère, entrant par le tuyau qui débouche au-dessus de la porte, la ferme; l'air se précipite entre elle et la boule, et force celle-ci à monter sur le plan incliné avec une pression constante, qui lui imprime une vitesse accélérée comme celle résultant de la gravité, et à la sortie du tube au niveau du palier qui suit, la boule possède une force vive qui lui fait franchir, en roulant sur elle-même, la longueur totale du palier de 6 kilomètres, comme elle l'avait fait à la descente. Dès que la boule a quitté le tube, à un signal électrique, le robinet de prise d'air est fermé, la porte n'est plus retenue par la pression de l'air, le poids de la lentille la faut tourner sur son axe, et le tube est ouvert, tout prêt à recevoir une autre boule pour la remonte.

L'idée de transporter des marchandises dans des boules vient d'Amérique. Elle appartient à un ingénieur de ce pays, M. Albert Brisbane. Le Congrès, dans la séance du 23 mai 1872, a voté les fonds nécessaires pour la construction, entre le Capitole et l'imprimerie du gouvernement, à Washington, d'un tube pneumatique dont les véhicules sont des boules destinées à contenir des livres, paquets, imprimés, manuscrits, etc. (1)

(1) Communication faite à l'Association française pour l'avancement des sciences par M. Charles Bergeron.

Magasin Pittoresque, 1874.